À Diourbel, la malnutrition fait des ravages chez les enfants. Dans le département de Bambey, un cas dramatique a été révélé lors de la caravane des journalistes en santé, population et développement. À seulement 19 ans, Astou Faye, mère de triplés, lutte pour sauver ses enfants.
Il est 14 h passées dans le centre de santé de Bambey. Malgré l’heure et la chaleur écrasante qui règne dans cette zone du Baol, la structure continue d’accueillir des patients et leurs accompagnants. Dans une grande salle mal équipée, une jeune fille, à peine âgée de 19 ans, est allongée sur un lit, tenant l’un de ses triplés dans les bras. Les deux autres sont entre les mains de sa tante et d’une sage-femme. La scène est poignante : si jeune et déjà mère de trois enfants.
L’innocence se lit encore sur le visage d’Astou Faye, qui peine à s’exprimer. Elle est ballottée entre la salle et le hall du centre, tentant de calmer l’un de ses triplés. Celui-ci se met soudain à vomir, tandis que les deux autres pleurent sans cesse. Le climat est lourd dans cette structure.
Astou a accouché de ses trois garçons par césarienne le 22 novembre 2024 à Thiès. Depuis, sa vie est marquée par la précarité. Entourée de journalistes curieux, elle semble hagarde, perdue. « Ils ne font que pleurer depuis presque leur naissance. Ils vomissent aussi beaucoup », répond-elle d’une voix faible et tremblante.
« Mes triplés tètent le lait du biberon. Je n’ai pas de lait dans mes seins », confie-t-elle. Dépourvue de moyens, son compagnon, chauffeur de profession, peine à assurer l’achat de deux boîtes de lait, qui ne durent jamais plus de trois jours. Sa tante, assise à ses côtés, estime qu’Astou mérite d’être soutenue. Si jeune, sans formation, sans ressources, elle représente le profil typique des jeunes mères en détresse dans cette région.
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La responsable du centre, Marie Cécile Thiam, raconte qu’Astou est arrivée avec ses enfants vers 14 h. Les triplés ont été aussitôt internés dans le Centre de récupération et d’éducation nutritionnelle pour malnutrition aiguë sévère avec complications.
Chargée de la gestion des locaux et des intrants nutritionnels, Marie Cécile Thiam indique que les triplés auront bientôt 8 mois. Deux d’entre eux pèsent 3,8 kg et le troisième 3,9 kg. «Ce sont des poids anormaux à leur âge. Généralement, les nouveau-nés naissent avec environ 3,8 kg. Ils présentent un retard de croissance très sévère», souligne-t-elle.
Elle s’inquiète également de l’avenir d’Astou : « J’ai peur qu’elle parte à Dakar pour mendier, comme le font beaucoup de femmes de cette zone. L’État doit assumer ses responsabilités en matière de nutrition pour soutenir ces parents sans ressources. Dans les pouponnières, les enfants récupèrent rapidement en six mois. » Elle rappelle que ces triplés souffrent de malnutrition et qu’ils ne peuvent pas être allaités.
À Bambey, elles sont nombreuses, ces mères confrontées à des situations critiques avec leurs enfants malnutris. Dès la naissance, le sourire de leurs bébés laisse place à l’angoisse des mamans. La plupart vivent dans une précarité extrême. Mame Diarra Diouf, 36 ans, mère de Bousso Sène, confie vivre une période difficile. Elle dit ne pas avoir les moyens d’assurer une alimentation équilibrée à sa fille cadette, atteinte de malnutrition. « Nous manquons de moyens dans nos localités. Il nous est impossible de suivre les régimes alimentaires prescrits par les médecins. Nous faisons ce que nous pouvons », dit-elle, en haussant les épaules avec résignation.
À ses côtés, Dior Dieng attend avec son fils malade, Cheikh Ibra Diouf, âgé de huit mois. Très souvent irritable et souffrant d’une perte de poids importante, Dior a décidé de l’emmener à l’hôpital. Les médecins lui ont diagnostiqué une malnutrition.
« Je ne pensais pas qu’il allait s’en sortir. Il ne pesait que 6 kg à six mois. Aujourd’hui, grâce au suivi médical, il a beaucoup évolué et repris du poids. Il ne mangeait pas bien et buvait de l’eau avant ses six mois, ce que les médecins m’avaient pourtant déconseillé, mais je n’avais pas le choix », explique-t-elle.
Habitante de Léona, un village de Bambey, Dior est une femme courageuse qui se lève à l’aube pour subvenir aux besoins de sa famille. Elle souligne que les conditions de vie sont difficiles, ce qui explique, en grande partie, les souffrances vécues dans la région.
Au centre de santé de Bambey, le médecin-chef adjoint, Dr Marième Maty Dioum, affirme que la malnutrition est un problème de santé publique majeur dans la zone, compromettant la croissance normale des enfants.
Bien qu’elle ne dispose pas de chiffres précis, elle affirme que Bambey connaît une forte prévalence de la malnutrition. « On retrouve beaucoup de pathologies liées à la pauvreté. Toutefois, de nombreuses initiatives sont en cours dans le district, aussi bien pour la prise en charge centralisée que décentralisée, à la fois curative et préventive », conclut-elle.
Samba DIAMANKA