Chef du Bureau de la surveillance du territoire douanier à la Direction des Opérations douanières, le commandant Baba Dièye a assuré que la Direction générale des Douanes a mis en œuvre « des stratégies pour barrer la route aux criminels qui tentent d’introduire de la drogue dans notre territoire ». Il s’agit, selon lui, d’un dispositif organisationnel à la hauteur de ces nouveaux enjeux, pour mieux contrer ces phénomènes criminels.
Comment expliquez-vous la récurrence des saisies de drogue dure comme la cocaïne au Sénégal ?
Il convient, d’abord, de noter qu’en raison des profits énormes générés par le trafic illicite de drogues, ces bandes organisées demeurent plus que jamais déterminées dans leurs entreprises et persistent à acheminer, par tous les moyens, leurs cargaisons à destination. Dans le contexte de la sous-région ouest-africaine, le risque sécuritaire élevé en fait un terrain de prédilection et un itinéraire de choix pour les narcotrafiquants. Ces derniers en font également une zone de transit de leurs expéditions frauduleuses, à destination d’Europe et d’Amérique du Nord. C’est ainsi que les États en général et les Administrations douanières en particulier, s’organisent pour apporter la riposte adéquate à ce phénomène qu’il convient d’appeler la guerre contre la drogue. Pour ce qui est du Sénégal, les Douanes, tout comme les autres services compétents, sont au front et mettent en œuvre des stratégies pour barrer la route aux criminels qui tentent d’introduire de la drogue dans notre territoire. C’est ce qui explique la fréquence des saisies notées ces dernières années, que ça soit en haute mer ou aux frontières terrestres et aériennes avec des records qui ont atteint plus de 320 milliards de contrevaleurs entre 2024 et 2025, si l’on ne considère que la cocaïne saisie par nos services.
Quelles sont les stratégies déployées par la Douane pour déjouer le piège des trafiquants ?
Face à la recrudescence de la criminalité transnationale organisée, notamment les trafics illicites de stupéfiants, de médicaments et autres marchandises dangereuses et prohibées, les Douanes sénégalaises se sont adaptées pour mieux prendre en charge les problématiques et défis sécuritaires liés à ces phénomènes.
Cette démarche s’est matérialisée d’abord, sur le plan stratégique, par le renforcement de la mission sécuritaire de la douane, parallèlement aux missions fiscale et économique. En même temps, la Direction générale des Douanes a mis en œuvre un dispositif organisationnel à la hauteur de ces nouveaux enjeux, pour mieux contrer ces phénomènes criminels. Sur le plan des services opérationnels, cette mission sécuritaire s’est concrétisée par un renforcement du dispositif de surveillance du territoire douanier, notamment par l’amélioration de la formation des ressources humaines, un appareil de renseignement alliant modernité et diversité, la modernisation des équipements et l’affinement des techniques de contrôle. Relativement à l’amélioration de la qualité des ressources humaines, l’Administration des Douanes a mis en œuvre un vaste programme de formation continue, avec pour effet, de renforcer en permanence les capacités du personnel, en vue de les outiller à mieux détecter les trafics illicites de toutes sortes.
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S’agissant du dispositif de contrôle opérationnel des services douaniers, il consiste, conformément aux meilleures pratiques internationales, recommandées par l’Organisation mondiale des Douanes (Omd), à assurer un positionnement tactique des unités douanières, en fonction de la cartographie des risques des grands courants de fraude et de concentrer l’action du Service sur les points les plus sensibles. Par ailleurs, depuis 2021, avec la mise en place du Programme de modernisation de l’Administration des Douanes (Promad), il a été noté une montée en puissance des unités opérationnelles, en particulier celles chargées de la surveillance du territoire, avec des dotations en matériels de haute technologie de dernière génération: outils de contrôle non intrusifs et moyens de surveillance aériens (drones) entre autres.
Toutes ces initiatives sont adossées au recours à des techniques d’investigation efficaces, notamment l’analyse du risque, le profilage et le ciblage. En outre, il convient de souligner que les Douanes sénégalaises se sont engagées dans un processus de digitalisation de la surveillance douanière pour mieux assurer la riposte, face à la montée des périls liés aux menaces et trafics de toutes sortes, dont le trafic illicite des stupéfiants.
Comment se décline la collaboration avec les autres forces de défense et de sécurité voire avec les pays limitrophes dans la lutte contre le trafic de drogue ?
Pour déjouer les stratégies des organisations criminelles transnationales, la collaboration des acteurs impliqués dans la lutte contre ces trafics, en particulier, entre Forces de Défense et de Sécurité (Fds), est fondamentale. D’ailleurs, aussi bien la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée dite convention de Palerme, que les instruments de l’Organisation mondiale des Douanes recommandent vivement la coopération des différents services intervenants aux frontières, tant sur le plan national, qu’international. Conscientes de cette nécessité d’une synergie d’actions entre Fds, les Douanes sénégalaises collaborent étroitement et en permanence, avec les autres administrations nationales compétentes en matière de lutte contre la drogue, comme la Police, la Gendarmerie et les Armées.
Cette collaboration se fait avec l’appui de l’Union européenne, à travers la mise en place d’unités mixtes de contrôle regroupant des agents des douanes, des gendarmes et des policiers, au Port autonome de Dakar (Unité mixte de contrôle des conteneurs) et à l’Aéroport international Blaise Diagne de Diass (Cellule aéroportuaire antitrafic).
Elle passe ensuite, par l’organisation d’opérations conjointes ponctuelles, comme celle ayant récemment permis la saisie de 640 kg de cocaïne, effectuée conjointement avec la Gendarmerie dans la région de Dakar, ou l’opération conjointe entre Fds de la zone militaire n° 5 dans les îles Karone, qui a abouti à la saisie de 3.730 kg de chanvre indien. S’agissant de la collaboration avec les pays frontaliers, elle consiste à des échanges d’informations et de renseignements entre services douaniers, mais également à des patrouilles conjointes entre Fds, organisées par les zones militaires situées de part et d’autre de la frontière.
Propos recueillis par Souleymane Diam SY