Parfois, les lieux saints ne se reconnaissent pas à la grandeur de leurs murs mais à celle de la foi de leurs fidèles. Une église modeste d’apparence attire, chaque année, l’espoir de milliers de fidèles. À l’image de l’étable si humble qui a accueilli la naissance du Christ, si divin, cette église simple d’apparence a un titre particulier : c’est une basilique.
Quittez l’asphalte étouffant de Dakar, ses embouteillages et descendez vers la Petite côte sénégalaise. Une fois arrivé à Popenguine, ne vous laissez pas leurrer. Tant de belles choses vous feront de l’œil. La réserve naturelle de la ville et ses singes malicieux, la plage et ses pêcheurs qui tendent et détendent leurs filets, les habitants qui promènent leurs chèvres et ceux qui vous convient à leur table sans même vous connaître. Des maisons qui s’effondrent sous le poids des vagues et du sable qui prend plus de place. Bref, un condensé de poésie et de tragique.
Et pourtant, ce ne sont pas toutes ces choses qui attirent chaque Pentecôte des milliers de personnes dans les rues de la commune. C’est quelque chose de plus simple. Rien de monumental. Juste une chapelle pas plus grande qu’une autre. Et pourtant, elle est à l’origine de l’un des plus puissants élans spirituels du pays : la basilique mineure de Popenguine.
Un titre d’exception
Mais alors, qu’est-ce qu’une basilique et en quoi diffère-t-elle d’une simple église ? « C’est une église qui, tout en étant insérée dans un diocèse, reçoit une dignité particulière. Et cette dignité dépasse les frontières locales : elle vient directement de Rome », explique le frère Bernard rattaché à la Basilique. En d’autres termes, une basilique n’est pas une église comme les autres. Ce titre ne s’impro- vise pas; il se mérite. Il exige une reconnaissance officielle du Saint-Siège, et, surtout, une affection particulière du Vatican.
À Popenguine, cette reconnaissance a pris corps en 1992, lors d’une visite du pape Jean-Paul II. La visite papale a été l’élément déclencheur, le sceau d’un lien spirituel fort avec Rome. Dès lors, l’ancienne église paroissiale devient basilique mineure. Mineure, car plus modeste en taille que les grandes basiliques comme celle de Saint-Pierre de Rome. Mais incontestablement majeure dans le cœur des fidèles sénégalais. Ce titre honorifique, c’est Rome qui dit à l’Église du Sénégal qu’elle la voit.
Tout commence en 1888. Ce n’est encore qu’un village côtier. Mais un homme, Monseigneur Picard, frappé par la beauté du site, décide d’y faire ériger une chapelle dédiée à Notre-Dame de la Délivrande, une dévotion mariale venue de Normandie et importée au Sénégal par les missionnaires spiritains. L’année suivante, en 1889, un petit groupe de fidèles entreprend le premier pèlerinage : quelques pas sur la poussière brune, quelques chants portés par le vent marin. Le début d’un mouvement qui, au fil des années, emportera une nation entière. Ce pèlerinage, modeste à l’origine, est devenu un événement central de la communauté catholique sénégalaise.
Chaque lundi de Pentecôte, Popenguine se transforme. Les routes s’emplissent de fidèles, les nuits de processions. Jeunes et moins jeunes viennent de part et d’autre du pays. Des familles entières quittent leurs maisons à l’aube pour venir confier à Marie leurs joies, leurs peines, leur pays. Aujourd’hui, ce sont plus de 60.000 pèlerins qui convergent ici chaque année, à pied, en voiture, en bus. Et la basilique ? Elle veille. En 1963, tout le Sénégal et la Gambie lui sont consacrés. Car ici, la prière n’est jamais seulement intime. Elle est aussi collective. Politique, parfois.
«Quand les tensions montent, quand les inquiétudes surgissent, nous prions ici pour que la paix revienne», confie le Père Bernard. Et c’est là, peut-être, que réside le vrai mi- racle de Popenguine. Non pas dans les murs – si humbles, ni dans les chiffres – si impressionnants, mais dans cette communion de fidèles. Cette idée qu’un peuple tout entier peut marcher ensemble vers un lieu qui le dépasse. Que la foi peut avoir une adresse. Et une petite chapelle, devenir une basilique. À l’image de l’étable si humble dans laquelle le Christ, si grand dans la foi chrétienne, est venu au monde.
Par Djenny Malaika CIFENDE