Allumée à Diakaye le 13 mai 2025, à l’occasion du deuxième anniversaire du dépôt des armes intervenu à Mongone, la «flamme de la paix» poursuit son périple en Casamance. De Kabrousse à Loudia Wolof, jusqu’à Kalobone, en passant par les cours royales, elle rallume les cœurs, symbolise l’engagement vers une paix durable et mobilise toutes les forces vives pour tourner définitivement la page de quatre décennies de conflit armé.
Par Gaustin DIATTA (Correspondant)
ZIGUINCHOR – Sous une chaleur mêlée d’espoir, la «flamme de la paix», a traversé le 21 mai dernier, les arrondissements de Kabrousse et Loudia Wolof, dans le département d’Oussouye, région de Ziguinchor. Ce jour-là, dans l’après-midi, elle a également été présentée au roi d’Oussouye, sa majesté «Maan» Sibilumbaye Diédhiou et celui de Kalobone, sa majesté «Maan» Koudiossobo Diatta et le préfet du département d’Oussouye, Maurice-Latyr Ndione.
Portée par des artistes, des leaders coutumiers, des responsables d’organisations de la société civile et des autorités administratives, cette flamme, allumée à Diakaye (Bignona), le 13 mai, incarne la volonté collective de mettre fin à un conflit qui a meurtri la Casamance pendant plus de quarante ans. «L’État du Sénégal sera toujours aux côtés des populations. Cette flamme que nous recevons symbolise la marche vers une paix durable», déclare Aliou Wade, sous-préfet de l’arrondissement de Kabrousse, en recevant la caravane.
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À ses côtés, les chefs traditionnels, les jeunes, les femmes, et les notables…, ont prié pour que cette lumière ne s’éteigne jamais. De village en village, les témoignages d’attachement à la paix s’enchaînent. À Loudia Wolof, Oumy Bâ a chanté l’hymne à la paix, rappelant que «le conflit a assombri le destin de toute une Région». À Diembéring, Louis-Pascal Diatta, porte-parole du collectif des jeunes, a assuré que les communautés s’engagent à «faire régner la paix dans nos villages, nos communes et dans toute la Casamance».
Moment fort de ce marathon symbolique, l’étape de Kalobone a été marquée par une réception solennelle auprès du roi Koudiossobo Diatta. Par la voix de son porte-parole Samuel Diatta, la cour royale a salué l’initiative et rappelé que «la Casamance ne s’est pas rebellée, elle s’est révoltée». Le roi a insisté sur la nécessité de maintenir le cap du dialogue.
«La négociation est la meilleure décision pour aller vers une paix définitive. La résolution de ce conflit viendra des hommes eux-mêmes. Par moments, la Casamance a sombré dans le chaos. Mais, aujourd’hui, avec un dialogue franc et une sensibilisation sincère, on peut retrouver cette paix tant cherchée», insiste le guide religieux.
Le roi d’Oussouye : «La paix doit habiter nos cœurs»
Pour sa part, Henry Ndecky, le coordinateur de la Coordination des organisations de la société civile pour la paix en Casamance (Cospac), a appelé à une mobilisation sans faille pour que cette paix devienne réalité. «La flamme allumée à Diakaye doit continuer à illuminer nos cœurs. Nous réclamons uniquement le dépôt total des armes au niveau de toutes les factions. Que les armes se taisent à jamais», implore M. Ndecky, à l’étape de Kalobone. Au cours de cette caravane de la paix, l’émotion et la détermination étaient palpables dans toutes les interventions.
Alimou Diallo, représentant de la Cospac dans le département d’Oussouye, a rappelé les ravages du conflit dans la commune de Santhiaba Manjack : errance, exodes, familles disloquées etc. «Sans paix, nous ne pouvons rien faire», martèle-t-il. Du haut de sa sagesse, le roi de Kalobone a conclu avec un message clair : «Notre royaume est engagé, déterminé et ouvert pour accommoder tous ceux qui s’activent dans la recherche de la paix définitive en Casamance». Pour sa part, le roi d’Oussouye, Sibilumbaye Diédhiou a affirmé que, pour que cette paix soit durable, elle doit être portée par tous, dans les cœurs, dans les actes et dans les mémoires. La flamme est désormais allumée. À chacun de l’entretenir !
«La paix des braves sans vainqueurs ni vaincus»
Depuis plus de quatre décennies, la Casamance est plongée dans un conflit armé qui freine toutes les initiatives de développement et obscurcit l’avenir des filles et fils de ce terroir. Des familles se sont disloquées. Près de 1000 personnes ont été victimes d’accident de mine antipersonnel. D’autres sont décédées. Déplacement massif et forcé des populations (on parle de plus de 30.000 déplacés extérieurs depuis le début de la crise). En revanche, au fil du temps, et depuis 10 ans, ce terroir du Sud du Sénégal jouit d’une accalmie permettant aux citoyens de reprendre goût à la vie. Des résultats obtenus grâce aux efforts inlassables des acteurs impliqués dans la recherche d’une paix définitive et durable en Casamance. Médiations dans le maquis (dans les factions rebelles), causerie sur les places publiques, plaidoyers de plusieurs Organisations non gouvernementales (Ong), forte implication des autorités coutumières, etc.
Tous ces ingrédients ont été réunis dans l’intérêt de pacifier toute la Casamance entière. D’ailleurs, l’un de ces résultats probants reste le dépôt des armes par la faction de Diakaye intervenu le 13 mai 2023 au village de Mongone, dans le Nord du département de Bignona. Ce jour-là, ce front du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (Mfdc) a accepté de tourner le dos à la guerre, après des décennies de négociation avec l’État du Sénégal, à travers le comité ad hoc mis en place à cet effet et dirigé par l’amiral Farba Sarr. Les combattants ont alors, décidé de sortir du maquis. Ce désarmement marque le début d’une nouvelle ère dans la dynamique de résolution de la crise armée.
A l’occasion de la commémoration de l’an 1 de concrétisation de cet acte majeur, les acteurs clés du processus, ont appelé toutes les autres factions «rebelles» à emprunter la voie de Diakaye afin de parvenir à une paix définitive en Casamance. Devant une assistance composée d’anciens combattants de Diakaye, d’autorités administratives, d’élus territoriaux des trois départements de la région de Ziguinchor, de représentants des ONG…, le gouverneur de région, Mor Talla Tine, a recommandé d’aller vers les autres factions qui sont encore réticentes pour en finir définitivement avec ce conflit aux fins d’instaurer une paix définitive dans cette partie du Sénégal.
«Les populations qui ont beaucoup souffert de cette crise armée veulent tourner résolument vers le développement. Donc, il faut construire une paix solide en Casamance. Nous devons aller vers la paix des braves sans vainqueurs ni vaincus», estime le successeur du gouverneur Guédj Diouf, affirmant que la Casamance «est, et restera une priorité des pouvoirs publics, notamment le Président de la République du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye». De son côté, le responsable de l’Initiative pour la réunification des ailes politiques et armées du Mfdc, Seyni Badji a reconnu la complexité du projet de dépôt des armes. Cependant, il a salué l’acte posé par la faction de Diakaye qui, a-t-il dit, a toujours prôné le consensus, la franchise et l’acceptation de la voie du dialogue.
«Quarante de souffrance», crie l’ex-commandant de Diakaye
Fier d’avoir déposé les armes en vue de contribuer à la pacification de la Casamance, l’ex-commandant de la faction de Diakaye, Fatoma Coly affirme qu’il était vraiment temps de tourner le dos au maquis «sans aucun regret». Si c’était à refaire, je ferais la même chose, laisse-t-il entendre.
«Je suis entré dans le maquis dans la volonté de libérer la Casamance. Très jeune, j’y ai trouvé des aînés qui m’ont encadré et qui aujourd’hui, ne sont plus de ce monde. Diakaye n’était pas une base rebelle. C’était un front qui a été mis en place par notre aîné Sidy Badji. Le 13 mai 2023, nous avons décidé de déposer les armes. Pour moi, c’est une date historique», se réjouit l’ancien chef de guerre, insistant sur le fait qu’en acceptant de déposer les armes, ses camarades et lui ont fait violence sur eux-mêmes.
«Quarante ans de souffrance», clame l’ex-commandant du front de Diakaye, qui demande à ses camarades qui sont toujours dans le maquis, de déposer les armes afin de travailler à promouvoir le développement de la Casamance.