Cheikh Diankha, président du Regroupement des vrais artisans de l’automobile du Sénégal (Revaas), s’exprime sur les opérations de désencombrement. Il est favorable, mais seulement si elles sont précédées de concertation. Il appelle également les autorités à faire confiance aux mécaniciens en leur cédant des sites pour aménager des parcs artisanaux ou zones industrielles modernes, afin d’offrir un atelier à chaque mécanicien qualifié.
Quelle est votre appréciation des opérations de désencombrement ?
C’est une bonne chose, car un pays doit fonctionner avec des règles rigoureusement appliquées et respectées par tous. Un bien commun doit être entretenu et préservé. Cependant, bien que nous soyons pour le désencombrement de la voie publique, nous estimons qu’il doit se faire dans la plus grande concertation. Nous ne cautionnons pas les décisions unilatérales et les exécutions intempestives. Autrement dit, nous sommes pour le désencombrement, mais contre les déguerpissements, surtout quand on sait que les victimes se retrouveront dans de grandes difficultés sociales.
Quelle conduite dictez-vous aux mécaniciens qui sont déguerpis?
On ne déplace pas un problème, on le résout. La plupart des mécaniciens déguerpis sont des chefs de famille. Une fois déplacés, ils cherchent refuge dans d’autres quartiers pour continuer à exercer leur profession, en s’installant parfois dans des endroits interdits d’occupation. Certains se reconvertissent en chauffeurs de taxis informels (clandos), et les plus jeunes en transporteurs de moto-taxis (jarkartaman). D’autres sombrent dans l’oisiveté par désespoir, car leur personnalité ne leur permet pas de faire comme les autres.
Quelle solution propose le Revaas pour régler le problème des mécaniciens dans cette situation ?
La solution est de recaser tous les mécaniciens déguerpis, qu’ils soient du Revaas ou d’une autre association. Aujourd’hui, toutes ces associations se sont unies au sein de la Confédération nationale des techniciens de l’automobile (Cnta). En collaboration avec les services de l’urbanisme, de l’artisanat et le ministère de l’Emploi et de la formation professionnelle, la Cnta travaille à formaliser les mécaniciens, à leur trouver un site où ils peuvent s’installer et exercer tranquillement sans crainte d’être déguerpis. Notre objectif est que partout où une Zone d’aménagement concertée (Zac) est réalisée, un site dédié à l’artisanat y soit prévu, afin que tous les artisans puissent disposer d’un cadre de travail adéquat.
Pensez-vous que l’État est en mesure de recaser tous les mécaniciens victimes des opérations de désencombrement ?
Oui, absolument. Les terres relevant du domaine national sont vastes. Il y a suffisamment de réserves foncières où l’on peut aménager des garages et ateliers pour les mécaniciens et autres artisans. La Zampa (Zone d’aménagement des mécaniciens et professionnels de l’automobile) de Diamniadio est un exemple. Elle fait cinquante hectares et est déjà aménagée avec des garages et des hangars (l’équivalent de vingt ateliers chacun). Il reste une autre partie à aménager et même derrière, un autre domaine de cent hectares. Il existe également d’autres assiettes foncières dans les collectivités territoriales. Notre confédération va travailler avec les collectivités territoriales pour récupérer certains de ces espaces et les transformer en garages modernes à la disposition des mécaniciens.
Dans ce cas, vous serez obligés de payer des taxes sur le foncier, voire sur le bâti?
Bien sûr, et nous sommes prêts à payer. Il suffit de nous formaliser ; ce que nous sommes en train de faire. Regardez le littoral de Guédiawaye, le Lac Rose, ou Ouest Foire : ces zones sont aménagées sans que les mécaniciens et autres artisans ne soient pris en compte. Pourtant, avec l’aide de l’État, on aurait pu disposer de zones industrielles et de parcs artisanaux dans ces secteurs. Si l’État nous mettait des sites à disposition, nous pourrions en faire de beaux aménagements ; nous en avons les capacités.
Propos recueillis par A. DIOP

