Malgré des initiatives prometteuses, le Sénégal accuse un retard dans le domaine de la cybersécurité. Daouda Sow, co-fondateur et directeur général de Techso Group, analyse la situation actuelle et propose des solutions pour permettre au pays de combler ce retard et de devenir un leader régional.
En tant qu’expert, comment évaluez-vous la situation actuelle de la cybersécurité au Sénégal ?
Le Sénégal accuse un retard considérable dans ce domaine. Alors que des pays comme le Maroc ont confié la gestion de la cybersécurité à des entités militaires pour des raisons de souveraineté, ici, il n’y a pas encore de feuille de route claire ni de responsabilités définies. Chaque acteur tente de gérer les enjeux de cybersécurité à sa manière, alors qu’il faudrait une stratégie coordonnée et des mécanismes bien établis.
Mais en 2022, le Sénégal avait lancé sa stratégie nationale de cybersécurité. Comment l’analysez-vous ?
C’est une excellente chose, car une stratégie est d’abord la base. Rien ne peut se faire dans ce domaine sans une vision claire. Cette stratégie était censée servir de feuille de route pour mettre en place des mécanismes. Cependant, une stratégie datant de 2022 n’est plus totalement pertinente aujourd’hui. Face à l’évolution rapide des technologies et des menaces, elle doit être actualisée. Il est crucial d’intégrer de nouveaux facteurs, comme les évolutions technologiques, l’émergence de nouvelles menaces et les changements d’acteurs. Cela permettra de mettre en place les instruments nécessaires pour répondre efficacement à ces enjeux.
Quels sont les mécanismes sur lesquels le Sénégal doit miser pour se mettre à niveau ?
Pour combler son retard en cybersécurité, le Sénégal doit miser sur plusieurs aspects clés. Le premier concerne le capital humain, car la technologie seule ne suffit pas. Il est essentiel de disposer de professionnels compétents capables d’utiliser et de développer les outils nécessaires. Cela passe par la formation, avec des cursus spécialisés pour les jeunes et les étudiants, afin de créer une main-d’oeuvre qualifiée dans ce domaine en forte demande. En parallèle, le pays doit investir dans des technologies modernes pour surveiller, prévenir et réagir face aux cybermenaces. Enfin, une gouvernance efficace est cruciale, avec une organisation bien structurée, des processus clairs et une réglementation adaptée qui permettent de coordonner les efforts de tous les acteurs impliqués.
Vous avez parlé de métiers. Qu’est-ce que la cybersécurité peut apporter à un pays comme le Sénégal où le chômage est très important ?
La cybersécurité représente une opportunité immense pour réduire le chômage. De nombreux jeunes ont les prérequis pour se former dans ces métiers d’avenir. Avec la digitalisation croissante et l’essor de l’intelligence artificielle, les besoins en cybersécurité ne feront qu’augmenter. En investissant dans des formations adaptées, l’État peut garantir à ces jeunes des emplois stables et bien rémunérés.
Quels sont vos espoirs pour l’avenir de la cybersécurité au Sénégal ?
Le Sénégal dispose des bases pour devenir un leader régional en cybersécurité. Cependant, cela nécessite des investissements massifs, une vision claire et une mise en oeuvre rigoureuse. Une stratégie adaptée, une coopération internationale accrue et un accent sur le capital humain permettront au pays de relever les défis et de saisir les opportunités qu’offre la cybersécurité. Par ailleurs, le cadre légal doit évoluer. Aujourd’hui, un juge peut se retrouver démuni face à des termes techniques comme «déni de service » ou « cybercriminalité ». La stratégie nationale doit inclure des lois adaptées pour réguler ces aspects. Le cadre juridique actuel, bien qu’il couvre certains domaines comme la protection des données personnelles ou la signature électronique, doit être actualisé pour répondre aux enjeux actuels. Avec de telles mesures, le Sénégal pourra faire face aux cybermenaces et prospérer dans l’économie numérique.
Entretien réalisé par Adama NDIAYE
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