Le Médiateur de la République, Demba Kandji, tire la sonnette d’alarme sur la dégradation du débat public au Sénégal.
Dans un entretien accordé à la radio RTS Sédhiou, l’ancien magistrat déplore la violence verbale qui gagne les plateaux de télévision et les réseaux sociaux, où les insultes prennent de plus en plus le pas sur les idées.
« L’injure est punie », rappelle-t-il d’emblée, avant de dénoncer l’impact nocif des réseaux sociaux sur la cohésion sociale. « Les réseaux sociaux, je m’en plaindrai toujours. Ce sont des instruments clivants qui divisent notre société », affirme-t-il avec gravité.
Pour Kandji, la situation devient critique. « Aujourd’hui, tout le monde a dans sa poche un studio de télévision. Le réveil a été brutal. » Selon lui, le débat démocratique bascule peu à peu dans le vacarme, le désordre et l’agressivité. Il déplore un espace public où la parole ne construit plus, mais attaque.
Face à cette dérive, le Médiateur appelle l’État à réagir. Il plaide pour une réforme du cadre législatif et un renforcement des moyens du CNRA, afin que l’institution puisse exercer un contrôle plus efficace. « Il y a une régulation à faire. Il faut donner plus de moyens au CNRA et appeler les responsables des médias à plus de vigilance. Ils doivent eux-mêmes jouer le rôle de censeurs. »
Demba Kandji interpelle également les animateurs et journalistes : « Ceux qui tendent les micros devraient pouvoir dire ‘stop’ quand le débat dérape. Malheureusement, aujourd’hui, plus ça se déchaîne, plus c’est considéré comme attrayant, parce que ça génère des vues, de la monétisation. »
Il fustige une logique où la recherche de buzz remplace la recherche de sens, où « c’est le nombre de vues qui compte. C’est la monétisation. Mais ceux qui commercialisent ces vues doivent aussi faire face à leurs responsabilités. »
Pour lui, le Sénégal glisse vers un non-débat, où personne n’écoute l’autre, où le discours n’élève plus mais divise. Il appelle à un sursaut collectif pour restaurer un débat démocratique digne, respectueux et fondé sur les idées.