Des communes viables capables de fournir des services aux populations, c’est l’objectif du gouvernement qui a démarré une série de concertations en vue d’accélérer la mise en place des pôles territoriaux. Interrogé par « Le Soleil », le directeur général de l’Agence de développement local (Adl), Diamé Signaté, estime que l’existence de certaines communes confrontées à l’absence de ressources doit être « revue ».
Entretien
Présentement, des consultations qui sont en train d’être menées pour recueillir les avis des acteurs en vue de l’Acte 4 de la décentralisation. Quelle orientation sera donnée à cette nouvelle réforme ?
L’Acte 3, en son temps, a été inachevé, surtout le volet financement de la collectivité territoriale. Le ministre Moussa Balla Fofana a jugé nécessaire qu’avant d’entamer une seconde réforme, il faille, au préalable, se réunir avec les acteurs autour de 15 thématiques précises minutieusement choisies par des experts, des praticiens de la décentralisation et par les autorités elles-mêmes. Ce qui permettra d’apporter une touche nouvelle à la réforme. Au finish, cela va permettre de déboucher sur un consensus consolidant en vue, cette fois-ci, d’avoir des communes viables, compétitives et porteuses de développement pour le Sénégal. Parce que l’idée, aujourd’hui, c’est de s’inscrire dans la dynamique de l’Agenda Sénégal 2050, qui est pour une économie endogène, juste et prospère. Pour cela, nos territoires doivent être impérativement porteurs de développement durable.
Dans ces concertations, quelles sont les différentes préoccupations soulevées par les acteurs ?
Essentiellement, ce sont les données économiques. Ce qu’ils attendent des pôles, c’est la création d’emplois, de la richesse et de la valeur ajoutée. Et effectivement, les pôles ont cette visée-là. Et je pense que, selon les spécificités de chaque zone, les pôles peuvent atteindre ces objectifs. Si nous prenons la Casamance, qui est une zone de tourisme, mais également une zone où il y a beaucoup d’activités agricoles : lier le tourisme et les activités agricoles aux PME-PMI peut aider cette région à devenir une zone compétitive. Vous prenez le Sine-Saloum qui est une zone également agricole, avec le Bassin arachidier. Si cette activité est connectée à une industrialisation, cela pourrait propulser le Sine-Saloum vers un meilleur avenir, etc. Au Sénégal oriental, nous avons le phosphate, le fer, mais également il y a le tourisme avec le parc national de Niokolo Koba. Je pense donc qu’il nous faut, à côté de Dakar, ces zones économiquement fortes pour conduire à l’équité territoriale.
Le financement a toujours posé problème, est-ce à dire que le gouvernement va donner assez de moyens aux communes, pour asseoir leur développement ?
Oui, mais dans un premier temps, il faut mettre en valeur le potentiel des communes. Ensuite, il faut reconnaître que les transferts de l’État augmentent. Si l’on parvient à en faire un bon usage au service des collectivités, cela pourrait créer de l’emploi, de la valeur ajoutée, mais surtout cela aiderait à s’occuper, de façon équitable, la décentralisation et à prendre en charge les compétences transférées, surtout avec l’émergence des pôles territoires. Dans le référentiel, le Président de la République a voulu que les pôles territoires soient ces cadres stratégiques de développement de nos territoires. Il y en aura huit au Sénégal et en 2025, deux de ces pôles seront lancés par le Président de la République pour traduire cette nouvelle vision de l’économie endogène et du développement territorial.
Est-ce que les domaines de compétences des communes seront élargis ?
Oui, il y aura une extension des domaines de compétences parce que les pôles territoires auront de nouvelles compétences. Les compétences seront donc portées à 13. Il y aura de l’innovation, de l’économie, mais il y aura aussi de la recherche.
Est-ce nécessaire, selon vous, de remettre en cause la communalisation universelle ?
Il y a beaucoup de communes qui ont été créées, mais qui n’ont pas une certaine viabilité. Il faudra revenir sur tout cela, parce que la viabilité de certaines communes reste à prouver. Aujourd’hui, nous pensons que certaines de ces communes ne sont pas porteuses de développement parce qu’elles n’ont pas de ressources. Une commune qui n’a pas de ressources, qui n’a pas de moyens financiers, qui n’a pas de capital humain, ne pourra jamais se développer. Mais il faut y aller de façon scientifique. Rien ne doit être fait pour ou contre des aspects politiques, mais plutôt, il faut agir de façon scientifique et voir l’intérêt des populations.
Envisagez-vous des regroupements de certaines communes ?
Je ne saurais le dire, c’est l’autorité qui va décider. Mais ce qui est sûr et certain, c’est que nos collectivités ont intérêt à être viables. Parce que c’est dans la viabilité qu’elles pourront offrir des services à la population. M. le directeur, l’Adl a un rôle à jouer dans le développement de ces pôles.
Est-ce que vous pouvez revenir sur sa mission ?
Oui, déjà, nous sommes associés aux concertations, au comité scientifique. Et à côté du ministre, nous sommes en train d’apporter la bonne parole auprès de la population, lui expliquer le rôle des pôles et leur utilité. La population est en train de s’approprier ces idées. Si les citoyens comprennent les enjeux, je pense que les pôles pourraient, à côté de l’État, être des réceptacles de développement intégral. Justement, il y a beaucoup d’incohérences notées sur le plan du territoire national.
Est-ce que la réforme de l’Acte 4 va essayer de réduire ces incohérences ?
Il faut lier la viabilité des communes à la cohérence territoriale. Une commune qui n’est pas viable est incohérente. Certaines communes sont appelées à disparaître… Je pense qu’il serait mieux de rationaliser certaines collectivités territoriales. Les communes qui ne peuvent pas donner de services aux populations ne devraient plus continuer à exister.
Propos recueillis par Maguette NDONG