L’une des forces du mouridisme, c’est sans doute sa diaspora. Dans plusieurs villes du monde, les zikrs et xassaïdes montent des lieux de rassemblement ou de culte, faisant des disciples de dignes ambassadeurs des valeurs religieuses prônées par Serigne Touba.
Partout dans la diaspora, avec une présence remarquée, les Mourides se différencient des autres d’abord par l’accoutrement, mais également par les valeurs et attitudes transmises. Ce qui fait dire à l’écrivain Mamadou Moustapha Diop que le mouridisme est un vrai ambassadeur du pays de la Teranga et de l’Islam soufi. « Par sa présence, ses pratiques, son organisation et son comportement collectif, la diaspora participe activement à façonner une image positive, structurée, pacifique et spirituelle du pays et de sa tradition religieuse », décrit l’intellectuel mouride. Pour lui, le mouridisme est un Islam mystique (basé sur la purification intérieure), non violent, offrant une alternative aux courants violents se réclamant de l’Islam. Par leurs discours et par leurs comportements tirés des enseignements du Cheikh Ahmadou Bamba, éclaire Mamadou Moustapha Diop, les Mourides constituent de dignes représentants du Sénégal et l’Islam soufi. « Par son dynamisme élevé qui se traduirait notamment par une pratique axée sur le partage, la solidarité et la fraternité, les Mourides démontrent qu’ils peuvent changer le monde dans une dynamique de paix et de pardon », analyse l’écrivain et homme religieux. Pour l’imam Khadim Bousso, par ailleurs chercheur aux États-Unis, les Mourides voyagent d’abord par soif de connaissances, de recherche et de découvertes. «Les talibés (mourides) voyagent partout dans le monde, et si l’on regarde bien, ce sont les Baol-Baol qui voyagent le plus vers les autres pays, ils y sont nombreux », souligne Dr Khadim Bousso. Pour lui, c’est d’abord une culture religieuse inspirée par Serigne Touba. « On voit généralement un Baol-Baol qui vit aisément ici au pays, mais qui laisse tout pour aller voyager. On a un exemple de quelqu’un qui avait payé 10 millions pour voyager, mais qui, une fois parti, n’a pas eu mieux que ce qu’il avait ici ! Ils finissent même, bien souvent, par ne pas rentrer », illustre Dr Bousso.
Ambassadeur du Sénégal et de l’Islam
Poursuivant son analyse, il rappelle l’appel de Serigne Touba, afin que les disciples aillent chercher de la connaissance et du profit. « Tout ce qu’il y a à écrire, je l’écrirai pour vous. Tout ce qu’il y a comme livre pour apprendre à avoir de la connaissance, je l’écrirai pour vous. Mais évitez d’aller chercher la connaissance pour débattre avec des gens ou faire de la concurrence. Cherchez-la pour vous rapprocher de Dieu et sortir de l’ignorance, parce que l’Islam maudit l’ignorant », indique Dr Khadim Bousso, citant le fondateur du mouridisme. Pour Dr Khadim Bousso, en voyageant, les Mourides se confrontent aux autres cultures et religions. En partageant les valeurs et enseignements de Serigne Touba, ils ont des influences positives, malgré les différences et les divergences. « Les Américains ne s’intéressent qu’aux choses importantes pour eux. Ceux qui partent donc là-bas, même si c’est pour être un immigré, doivent mettre en avant le mouridisme et l’Islam », affirme Dr Bousso. Cela passe, d’après lui, par une acceptation de l’autre, en évitant que les langues soient des barrières. «J’ai réussi à convertir une cinquantaine d’Américains à l’Islam. Si j’y suis arrivé, c’est parce que je leur ai expliqué les valeurs de l’Islam et du mouridisme dans un langage qu’ils comprennent. Les gens ont peur de ce qu’ils ignorent. Il faut de la pédagogie à ce niveau », recommande Dr Khadim Bousso. L’autre atout, qui a permis une bonne perception du mouridisme et de l’Islam dans des pays comme les États-Unis, c’est la tolérance et l’acceptation de l’autre. « Aux États-Unis », au cœur de Harlem où la délinquance sévissait, nous avons pu acheter une maison dédiée à Serigne Touba. Et l’une des premières choses que nous avons faites, c’est d’y réciter deux fois le Coran. Et l’un des objectifs visait la protection des citoyens de cette ville ». Ainsi, souligne-t-il, cet état d’esprit mouride a été magnifié par les hautes autorités du pays. « Au lendemain des attentats du 11 septembre par exemple, une correspondance nous a été adressée. Les autorités nous ont demandé de poursuivre nos activités, affirmant qu’ils savent que nous ne sommes pas des terroristes », déclare Dr Khadim Bousso. À ses yeux, les membres de la diaspora mouride demeurent de dignes ambassadeurs du mouridisme et de l’Islam soufi.
Vecteur d’une diplomatie religieuse
Pour Dr Khadim Sylla, la communauté mouride de la Diaspora constitue un vecteur de diplomatie religieuse populaire, car sans mission officielle, les « Keur Serigne Touba » transmettent au monde une vision apaisée, non violente et profondément éthique de l’Islam, loin des stéréotypes négatifs. Ainsi, dit-il, elle devient un miroir du Sénégal, car la culture sénégalaise (langue, hospitalité, port vestimentaire, musique religieuse, etc.) voyage avec les Mourides. Cela, à ses yeux, renforce l’identité du Sénégal comme nation de paix et de dialogue interreligieux. « Elle constitue un pont entre économie et spiritualité, car leur attachement au travail licite comme voie vers Dieu crée un modèle d’intégration unique, qui attire le respect dans leurs sociétés d’accueil. En résumé, la diaspora mouride n’est pas seulement un relais du mouridisme, elle est une vitrine vivante d’un Islam soufi sénégalais enraciné dans l’éthique, l’universalisme et la cohérence entre foi et action », analyse Dr Khadim Sylla.
Par Demba DIENG