Niché au cœur du Delta du Saloum, Dionewar est un éden insulaire qui incarne le charme paisible et la beauté naturelle du pays. Avec ses paysages pittoresques, ses plages de sable fin et son mode de vie traditionnel, ce village constitue le cœur battant des légendes et coutumes sérères dans la zone. Mais il est, aujourd’hui, fortement menacé par l’avancée progressive de la mer.
Samedi 13 juillet 2024, le jour se lève à Dionewar! Après une demi-heure de navigation sur une mer relativement agitée, à partir de la presqu’île de Djiffer, nous sommes bien arrivés dans cette île du Saloum. En ce début de matinée (8 h 27’), une vue imprenable sur les mangroves luxuriantes et les eaux calmes du delta campent le décor. La bande de terre, qui s’étend sur environ 2 kilomètres de long, est un havre de paix où le temps semble s’arrêter.
« Il est interdit de porter des chaussures ». Ce message est inscrit en gros caractère sur la façade peinte en couleur jaune d’un grand hangar, bien aménagé sur le quai. Ici, les visiteurs sont accueillis, en attendant d’être orientés avant de continuer le reste du trajet. Le village se trouve à près d’un kilomètre du lieu de débarquement. Il faut encore parcourir le reste du chemin à bord d’une charrette, principal moyen de transport sur l’île. Dans ce patelin de près de sept-mille âmes, les habitations traditionnelles en banco, les pistes de sable et les palmiers forment un décor enchanteur.
À 9 h 5’, le soleil darde déjà ses rayons, même si une brise de mer fait encore danser les feuillages des gros arbres. À partir de chaque coin des trois quartiers Mbinemak, Ndénélé et Ndiohé que compte la localité, les deux minarets de la grande mosquée sont très visibles. L’édifice imposant, en cours de réfection, est construit en 1948 par feu El Hadj Abdou Khadre Ndiaye, chef de village d’alors. À Dionewar, la population est composée essentiellement de musulmans qui, en bons pratiquants, vivent en parfaite harmonie. Dans cette île, avant d’entamer toute discussion, il faut d’abord prier.
10 h 15, Ibrahima Ndong, aîné de la famille Simala, nous accueille chez lui. Dans la cour de cette grande concession, les petits amas des coquillages attirent l’attention de tout visiteur. Dans l’intimité de son salon, le vieux tient à ce que des incantations soient faites en chœur avant de répondre à nos questions. « Dionewar est un village ancien, on a appris de nos ancêtres qu’il est fondé bien avant Dakar, la capitale sénégalaise, il y a près de deux siècles par Ngodane », explique-t-il.
Du mystique pour contrer l’occupation des Blancs
Dans son récit, il ressort que la dame en question, accompagnée de son frère, est venue de Gabou. À la suite d’un événement malheureux. Elle est passée en Gambie puis Kahone, Kaolack, Joal, Palmarin, avant d’arriver à la pointe de Sangomar, en pleine nuit. À l’époque, tout était calme. C’est seulement au lendemain qu’elle a indiqué à son frère leur point de chute. « Notre destination finale se trouve là-bas en pointant son doigt sur un lopin de terre qui est l’actuel village de Dionewar », ajoute l’octogénaire. «Elle a dit qu’une fois arrivés sur place, nous allons trouver sept grands arbres», indique, avec assurance, le vieux Ndong. Aujourd’hui, il n’en reste qu’un seul. Et c’est la place publique où se discutent tous les sujets concernant le village.
Depuis lors, neuf « Alkaly » se sont succédé à la tête du village, parmi lesquels Alkaly Mady, Youssou Mané, Bakar Bintena, Fodé, Lanssana, Abdou Wawa et Ibrahima Ndong, le 10e, intronisé le 3 septembre 2022.
D’après ce dernier, Dionewar est une terre sainte, une localité de culture et de traditions où les valeurs ancestrales sont strictement respectées. « Lors de la dernière grande houle (1998), tout le monde avait peur, on croyait que le village allait être englouti complètement, mais, par la grâce de Dieu, on a pu être sauvés. Il y a une digue naturelle qui s’est constituée et qui a ceinturé Dionewar», exalte-t-il. D’ailleurs, du fait de son emplacement stratégique, les colons blancs ne voulaient pas que l’île soit habitée. « Un jour, ils sont venus à bord de leur bateau bombarder toute la localité. Mais heureusement, toutes les balles ont été perdues. C’est ensuite qu’ils ont kidnappé beaucoup de notables du village avant de les convoyer à Dakar. C’était bien avant les indépendances », se rappelle M. Ndong, avec dépit.
Mais si, aujourd’hui, Dionewar tend vers la modernité, c’est en grande partie grâce à un de ses anciens chefs de village, El Hadj Abdou Khadre Ndiaye. Ce dernier a construit l’école, la mosquée et le dispensaire. Il a également refait le lotissement du village, qui fut complètement ravagé par un violent incendie.
Le poste de santé est en phase de rénovation, après celle de 2014. Ces travaux sont entièrement financés par l’association « Ndank Ndank » composée essentiellement d’émigrés originaires du village. « Grâce à des partenaires étrangers, on a pu avoir un financement pour rénover et équiper la structure », se réjouit Mabirama Thiaré, un des points focaux, au cours d’une visite guidée. Sur les lieux, les ouvriers s’activent, sous un soleil de plomb. L’objectif, c’est d’achever les chantiers le plus tôt possible.
Par Samba Oumar FALL, Salla GUÈYE (textes)
Moussa SOW (photos)
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