À Diourbel, les grandes vacances ne sont pas synonymes de repos pour certaines élèves du monde rural. Plusieurs filles des villages de Mbakhane, Ndiodione et Ndankh Seco trouvent, à la fin de l’année scolaire, des prestations comme employées de maison en ville, afin d’assurer le paiement de leur inscription et l’achat de leurs fournitures scolaires.
DIOURBEL – Thiabou Ndong, élève en classe de quatrième au Collège d’enseignement moyen (Cem) annexe du Lycée technique Ahmadou Bamba (Ltab) de Diourbel, reste en activité pendant les grandes vacances scolaires. Après neuf mois d’études à l’école française, cette jeune fille profite de la trêve des écoliers (juillet, août et septembre) pour exercer la tâche d’employée de maison au quartier Cheikh Anta Mbacké de Diourbel. La villageoise de 16 ans offre ses services d’aide-ménagère à Madame Yandé Ngom avec qui elle a contracté un travail temporaire de trois mois. Trouvée dans son lieu de travail, la jeune fille est très active en cette matinée du 6 septembre 2025. Elle assure le nettoyage de la véranda, des trois chambres, du salon et de la cour arrière du domicile de sa patronne. Elle a achevé ses premières tâches ménagères aux environs de 10 h 10.
Après le balayage et le nettoyage, la future candidate à l’examen du Brevet de fin d’études moyennes (Bfem) doit s’occuper de la vaisselle et assister sa patronne dans la préparation du déjeuner. Cette collégienne est donc engagée comme aide-ménagère. Sa mission consiste à assurer les tâches rudimentaires d’une petite maison dans laquelle vivent sept personnes. Elle perçoit, en contrepartie, la somme de 20.000 Fcfa par mois, soit 60.000 Fcfa pour les trois mois. L’élève dit être motivée par la faiblesse des revenus des membres de sa famille. Elle soutient avoir reçu l’autorisation de son père, qu’elle veut soulager à l’occasion de la prochaine rentrée des classes. « C’est difficile pour mon papa de gérer la dépense quotidienne et de régler les frais liés à la scolarité de ses enfants. L’argent que je gagne pendant les vacances me permet de payer mon inscription et mes fournitures. Je parviens également à soutenir ma sœur qui est en classe de Cm1 », renseigne-t-elle.
Thiabou Ndong n’est pas novice dans cette mission. Elle dit avoir commencé cette activité en 2023, alors qu’elle était en classe de sixième. Comme elle, d’autres jeunes filles profitent également des vacances scolaires pour travailler. Siga Sène, élève en classe de CM2, fait partie de ces bonnes temporaires. Elle a été recrutée pour s’occuper des petites courses, du balayage et du lavage des habits du nourrisson de sa patronne. En retour, elle perçoit une mensualité de 12.500 Fcfa. De nombreuses filles des zones rurales exercent la même tâche et sont dispersées dans d’autres quartiers de la commune de Diourbel.
Une aubaine pour les femmes citadines
Ces jeunes filles ont en commun le courage de sacrifier leurs vacances. Elles travaillent pour soutenir leurs parents et les membres de leurs familles. Elles trouvent leur motivation dans la possibilité de gagner de l’argent durant cette période afin de s’acquitter de leurs frais d’inscription, d’acheter des fournitures scolaires et des habits. Chaque année, à la fermeture des classes, elles quittent les villages de Ndankh Seco, Mbakhane, Ndiodione ou Tawfèkh, soit un trajet de 4 à 5 kilomètres, pour rejoindre la ville de Diourbel. Cette pratique fait l’affaire des femmes citadines, qui y trouvent leur compte. Selon Fatimata Sow, la venue de ces jeunes aide-ménagères constitue un soulagement. Cette vendeuse de petits déjeuners soutient qu’elle a une assistante qui travaille chez elle chaque période de vacances. « Nous faisons appel à ces filles parce qu’il est très difficile de trouver une bonne à Diourbel. Le paiement des domestiques est devenu cher et beaucoup d’entre elles préfèrent partir à Dakar où elles gagnent plus », a-t-elle indiqué.
Pour Ibra Ndao, habitant du village de Mbakhane Sindiane, la quête d’un travail temporaire est devenue une habitude chez leurs filles. Selon ce chef de famille, le recours à cette pratique s’explique par le fait qu’elles n’ont pas d’autres alternatives, surtout avec l’absence d’activités génératrices de revenus dans leur contrée. « Nous vivons dans le monde rural où les populations ne pratiquent que l’agriculture et l’élevage. L’autre facteur est lié au fait qu’au mois d’octobre, nous ne vendons pas encore nos récoltes. C’est tout à fait normal que nos enfants aillent en ville pour trouver et gagner de l’argent pour pallier ce manque », laisse entendre le vieil homme.
Ndiack Diouf du village de Mbakhane Dioufène souligne, pour sa part, que cette initiative incite les jeunes filles au travail. « Nous voulons qu’elles apprennent à être autonomes et solidaires envers leurs familles. Elles peuvent, à l’avenir, compter sur le soutien de leurs proches sans être totalement dépendantes », a-t-il conclu.
Oumar Bayo BA (Correspondant)