Titulaire d’un d’un PhD. de Purdue University (États-Unis), Dr Boubacar totalise plus de 42 ans d’expériences dans la recherche dans les domaines de la conservation de l’eau et des sols. Il a travaillé dans de nombreuses organisations telles que l’Isra, le Pnud, la Fao, l’Usaid… Ses recherches portent sur les domaines de l’hydrologie, de l’hydrogéologie, de l’irrigation et du drainage. Il revient dans cet entretien, sur les dernières inondations le long du fleuve Sénégal, mais surtout sur des mesures qui devraient aider à ne plus vivre un tel scénario tout en se penchant sur le vie autour du fleuve Sénégal aujourd’hui très pollué.
De nombreux villes et villages situés le long du fleuve Sénégal ont été inondés suite à des lâchers d’eau entrant dans le cadre de la régulation du cours d’eau en octobre dernier. Pourriez-vous revenir sur le phénomène et l’expliciter ?
Le phénomène des inondations le long du fleuve Sénégal en 2024 a été le résultat d’une combinaison de facteurs naturels et anthropiques. Premièrement, la période de pluies abondantes enregistrées sur la région, conjuguée à un excès d’eau provenant du massif du Fouta Djalon, a provoqué une montée rapide du niveau du fleuve. La crue a été particulièrement importante en raison du volume élevé des précipitations enregistrées dans cette zone, augmentant le débit du fleuve au-delà de ses capacités normales. Outre les phénomènes climatiques qui ont obligé les gestionnaires du barrage de Manantali à procéder à des lâchers d’importants volumes d’eau pour la sécurité de l ‘ouvrage, les conditions liées à l’aménagement du territoire ont accentué la situation. L’urbanisation no- maîtrisée et l’installation de communautés humaines dans des zones inondables ont exacerbé la vulnérabilité des populations vivant le long du fleuve. Dans les villes et villages riverains, les infrastructures sont souvent insuffisantes pour contenir une montée rapide des eaux, surtout lorsque les canaux de drainage naturels sont obstrués ou mal entretenus.
Trois mois après la crainte des populations est que le même scénario se reproduise à l’hivernage prochain. Pouvez-vous les rassurer ?
Les inondations sont un phénomène naturel devenu très difficile à prédire surtout dans un contexte de variabilité, voire de changement climatique. Il est par conséquent, très difficile d’affirmer que le scénario 2024 se répétera ou non, l’hivernage prochain. Cependant pour rassurer les populations, il est important de leur transmettre des informations claires et fondées sur des actions concrètes qui seront mises en place pour éviter la répétition du scénario. Il est essentiel de rappeler que les autorités devront prendre des mesures pour anticiper et mieux gérer les périodes de fortes intempéries. Cela inclut des prévisions météorologiques plus fiables et une meilleure gestion des infrastructures comme les canaux de drainage ou les barrages. Des plans d’urgence devront être élaborés pour répondre rapidement en cas de crise. Les services de secours devront être mieux équipés, formés et organisés pour intervenir en cas de besoin. Des programmes de sensibilisation seront en place pour informer les populations sur les comportements à adopter en cas de mauvaises conditions climatiques. Ces actions permettront aux citoyens de mieux se préparer face aux risques. La collaboration avec des experts en météorologie, ainsi que des organisations humanitaires et des scientifiques, permettront d’améliorer les stratégies de prévention et d’intervention en cas de catastrophe naturelle. Il existe également des dispositifs de suivi qui permettent de surveiller les conditions climatiques et de s’adapter en temps réel aux variations saisonnières. Cela permet d’anticiper les risques de manière plus précise. Ainsi, ces efforts collectifs devraient contribuer à une gestion plus sereine et plus efficace des prochaines saisons d’hivernage.
Est-ce qu’une bonne pluviométrie pourrait conduire à ce phénomène ?
La pluviométrie peut en effet être un facteur clé. L’augmentation des précipitations dans les zones en amont du fleuve, comme au niveau du massif du Fouta Djalon ou dans des régions qui forment le bassin versant du fleuve Sénégal, peut entraîner des débits d’eau plus importants et des crues. Les inondations de 2024 sur le fleuve Sénégal ont été favorisées par un enchaînement de ces facteurs, avec des pluies intenses dans la région, la saturation des sols, et aussi des problèmes liés à la gestion des infrastructures de rétention d’eau. La combinaison de ces éléments a provoqué une forte crue qui a affecté les populations vivant le long du fleuve, l’agriculture et les infrastructures. Il est aussi important de noter que l’urbanisation croissante des zones riveraines et la déforestation contribuent à accentuer ces phénomènes, car ils diminuent la capacité naturelle du sol à absorber l’eau et augmentent le ruissellement.
Quelles mesures devraient être prise à votre avis au-delà de l’arrêt unilatéral de l’exploitation aurifère artisanale du côté sénégalais ?
L’orpaillage sur les rives de la Falémé, un affluent de premier ordre, a un impact considérable sur l’environnement, notamment sur le fleuve Sénégal, qui souffre de la pollution liée à l’utilisation de produits chimiques, la déforestation et l’érosion des sols. Au-delà de l’arrêt unilatéral de cette forme d’exploitation aurifère artisanale, plusieurs mesures complémentaires doivent être prises pour remédier à cette situation. Entre autres mesures il faudra, par exemple, mettre en place des mécanismes de surveillance stricte de l’exploitation aurifère, avec des contrôles réguliers sur le respect des normes environnementales. Les autorités locales doivent garantir que les exploitants respectent les normes de gestion des déchets et l’utilisation de produits chimiques. Il convient également de lancer des programmes de réhabilitation pour restaurer les écosystèmes affectés par l’exploitation minière, notamment en utilisant des techniques naturelles pour purifier l’eau et régénérer les sols.
Par Ibrahima Khaliloullah NDIAYE