Étant souvent les premiers à subir les conséquences des lacunes dans les études préalables des projets de construction, des ouvriers lancent un cri du cœur pour se faire entendre.
Présents au premier Forum international sur la sécurité et la santé au travail qui s’est tenu les 8 et 9 juillet, à Dakar, des ouvriers ont tenu à faire entendre leur voix sur les risques dans le secteur de la construction. Ils sont membres du Groupement d’intérêt économique (Gie) des ouvriers du Sénégal. Ce forum visait à aborder les questions cruciales de sécurité et de santé dans ce secteur qui représente près de 10% des accidents du travail, selon le ministre du Travail, de l’Emploi et des relations avec les institutions. Trouvés dans leur stand, Khalifa Diagne et Pape Ibrahima Samb, respectivement trésorier et secrétaire général adjoints dudit Gie, ont mis en cause ceux qui gagnent les marchés dans le secteur de la construction. «Nous avons pris la peine d’aller apprendre un métier, mais au moment de mettre en pratique nos connaissances, d’autres raflent tous les marchés et viennent solliciter les services des ouvriers puisqu’ils ne peuvent pas exécuter les travaux», dénonce M. Diagne.
Nos deux interlocuteurs imputent les effondrements d’immeubles au défaut d’études de sol et de dimensionnement des structures en béton armé. Ces études préliminaires, expliquent-ils, sont plus que «nécessaires pour la fondation d’une construction». Ils regrettent d’être «doublement victimes des chantiers» qui ne respectent pas les normes. En cas d’effondrement ils s’en sortent avec des blessures ou des morts d’hommes alors qu’ils ne sont pas «bien payés».
Nos interlocuteurs appellent les autorités à s’intéresser davantage au secteur, particulièrement au sort des ouvriers, en exigeant des études de sol avant toute construction. Ils regrettent par-dessus tout que l’ouvrier ou l’artisan ne soit pas respecté alors qu’il est un élément important dans tout chantier. Ils affirment que la plupart de leurs collègues ne comprennent pas le rôle crucial qu’ils jouent dans le secteur de la construction. «L’ouvrier ne fait que travailler toute sa vie durant, jusqu’à épuisement, alors qu’il n’a pas de prise en charge en cas de maladie et ne jouit même pas d’une pension de retraite», dénonce Khalifa Diagne.
Indexant les intermédiaires qui «gagnent les marchés», Pape Ibrahima Samb souligne qu’ils «zappent tout ouvrier qui revendique ses droits pour se rabattre sur des étrangers payés à moindre coût». Ayant travaillé en Guinée équatoriale, en 2023, il révèle qu’il parvenait à gagner entre 30.000 et 40.000 FCfa, la journée au début de l’exploitation pétrolière, alors que, dans son pays, il peine à gagner 10.000 FCfa la journée. Selon lui, dans de nombreux pays de la sous-région, des manœuvres peuvent gagner facilement 700.000 FCfa le mois sur des plateformes pétrolières contrairement au Sénégal.
Ibrahima Khaliloullah NDIAYE