La Tijjaaniyya en bandoulière, Seydi El Hadji Malick Sy fut un vecteur de stabilité sociale et de dialogue interculturel par le biais de ses « Muqadams ». Il a contribué à ce qu’on appelle aujourd’hui l’exception sénégalaise du vivre-ensemble. Dans cet entretien, Cheikh Tidiane Mbaye revient sur les piliers de la Tijjaaniyya sénégalaise, sa doctrine, sa particularité et ses mécanismes au service de la paix, de la stabilité et de la cohésion sociale.
Quels sont les piliers de la Tijjaaniyya au Sénégal ?
Apparue au XIXᵉ siècle grâce à El Hadji Omar Tall, la Tijjaaniyya s’est implantée dans plusieurs foyers (omarien, niassène, Haïdara, Médina Gounass, Thiénaba, Sokone) et surtout à Tivaouane avec El Hadji Malick Sy. Ses piliers sont doubles : une vocation spirituelle (éducation religieuse, dhikr, conformité à la Sunna) et une vocation sociale (amour, tolérance, esprit d’ouverture, solidarité, médiation, dialogue, cohésion sociale). Maodo forma des « Muqadams » qu’il envoya partout au Sénégal et dans la diaspora, diffusant ainsi l’enseignement religieux et l’idéal de paix au-delà de Tivaouane.
Qu’est-ce qui fait la particularité de la Tijjaaniyya au Sénégal ?
Minoritaire au Maghreb, la Tijjaaniyya est devenue la confrérie la plus influente en Afrique de l’Ouest. Malgré la diversité de ses branches au Sénégal, elles convergent toutes vers un idéal commun : la paix et la stabilité sociale. La tolérance et l’esprit d’ouverture de Maodo, qui ne revendiquait jamais la supériorité de sa voie sur les autres, en font une spécificité majeure.
Quelle est sa doctrine pour la paix ?
Avec Seydi El Hadji Malick Sy, la voie du djihad cède à la diplomatie et à l’éducation. Cette stratégie, prolongée par ses successeurs par le dialogue, la médiation et le conseil discret aux autorités, a permis à la Tijjaaniyya de s’imposer comme une force pacificatrice et modérée au cœur de la nation.
Serigne Babacar Sy, Mame Abdoul Aziz Dabakh, Serigne Mansour Sy Boroom Daradji, Serigne Cheikh Ahmed Tidiane Sy, Serigne Abdou Aziz Sy Al Amine ainsi que Serigne Babacar Sy Mansour, l’actuel khalife, se sont tous illustrés comme des régulateurs sociaux. Ils ont su, chacun en ce qui le concerne, ramener les uns et les autres autour de la table de négociations, préservant la paix sociale entre tenants du pouvoir et opposition, gouvernement et syndicalistes, entre autres acteurs.
Pouvez-vous revenir sur des actes posés par El Hadji Malick Sy dans la consolidation de la paix et dans la stabilité sociale ?
Comme nous l’avons évoqué tantôt, il forma des « Muqadams » et les dispersa dans tout le pays et la diaspora, renforçant la cohésion sociale et le dialogue entre communautés. Seydi El Hadji Malick Sy se montra conciliant et exemplaire dans des situations concrètes. Lorsque la peste bubonique de 1914 frappait notamment les zones côtières et Saint-Louis, il se fit vacciner en premier et incita les fidèles à suivre les mesures sanitaires, contribuant à limiter l’épidémie et à préserver la stabilité ainsi que la paix sociale. En effet, les communautés avaient refusé de se faire vacciner et étaient prêtes à se rebeller contre le colon. Il avait ainsi usé de la pédagogie par l’exemple afin de convaincre les plus sceptiques à se faire vacciner.
Propos recueillis par Ibrahima NDIAYE (Correspondant)