L’anévrisme cérébral, qui se manifeste par un renflement de la paroi d’une artère du système nerveux en cours de dilatation, est une affection encore méconnue du grand public. En dehors de la chirurgie « à ciel ouvert », l’hôpital Cheikh Ahmadoul Khadim de Touba se distingue comme le premier établissement au Sénégal à avoir mis en œuvre une approche conservatrice, celle de l’embolisation endovasculaire qui permet d’accéder au cerveau par le cœur grâce à l’utilisation d’un cathéter.
Dans le but de contribuer à l’enrichissement des options thérapeutiques au Sénégal, le centre hospitalier national Cheikh Ahmadoul Khadim de Touba, sous la direction de Mouhamadou Moustapha Sourang, a récemment mis en service son unité de neurochirurgie qui fonctionne désormais à plein régime. Dans ce service, différentes pathologies sont traitées dont l’anévrisme cérébral, une affection du système nerveux. Cette maladie se manifeste par un renflement de la paroi d’une artère qui se dilate. L’anévrisme peut être acquis ou congénital. Selon le Dr Papa Ibrahima Ndiaye, chef du service de neurochirurgie, que nous avons interrogé, il est souvent diagnostiqué lorsque des complications surviennent, notamment lors de la rupture de l’artère en raison de ce renflement. Dans une telle situation, la personne éprouve fréquemment des maux de tête.
Dans le cadre d’une consultation médicale, M. Ndiaye explique que le médecin peut prescrire un scanner cérébral, qui peut parfois donner des résultats normaux, bien que la personne continue à ressentir des maux de tête. Ainsi, le patient est orienté vers un neurologue ou un neurochirurgien. C’est à travers un angioscanner, un type de scanner cérébral avec injection, qu’il est possible de détecter une malformation sur l’une des artères du cerveau. Cependant, il existe certaines situations où la personne peut développer des complications, notamment en cas de rupture de la paroi. « Cela va créer une hémorragie méningée, classiquement appelé un Avc », a-t-il expliqué. Dans ce cas, la personne peut ressentir des douleurs intenses, allant jusqu’à perdre connaissance. Ce que les professionnels de la santé appellent « un coup de tonnerre dans un ciel serein ». Un tiers des patients décède À cet effet, la personne peut aller jusqu’au coma.
Dans une situation similaire, cette personne peut souffrir d’une crise épileptique ou présenter un déficit neurologique, ce qui signifie qu’une partie de son corps pourrait être paralysée. Cela pourrait être le signe d’un anévrisme cérébral avec des complications pouvant éventuellement mener à une mort subite. C’est le cas d’une personne qui a une bonne santé apparente, qui se lève, qui part au travail, du tic au tac, se plaint d’un mal de tête aigu, tombe et c’est son décès », explique-t-il. Concernant cette pathologie, notre interlocuteur indique qu’en général, un tiers des patients décède. « Il n’y a aucune chance pour leur apporter un quelconque traitement », fait-il savoir. L’autre tiers, précise-t-il, peut être récupéré, mais cela engendre des complications, entraînant des séquelles persistantes. En ce qui concerne le tiers restant, il souligne qu’il est possible de les récupérer sans séquelles ni gravité. Selon le Dr Ndiaye, ces proportions sont considérables.
D’où l’importance, d’après le médecin, de prendre en charge les personnes atteintes de cette maladie. Il estime qu’il n’existe que deux traitements : la chirurgie classique et l’approche conservatrice, également appelée endovasculaire. Cette dernière, qui fait partie de la radiologie interventionnelle, permet d’accéder au cerveau par le cœur grâce à l’utilisation d’un cathéter. Cette méthode permet de localiser l’anévrisme, d’évaluer ses dimensions et de procéder à un traitement conservateur en injectant des coils. « Aujourd’hui, la technique classique qui consiste à ouvrir la tête du patient peut être valablement fait à l’hôpital Fann et à l’hôpital Principal de Dakar », a-t-il souligné. Actuellement, le deuxième traitement, qu’il considère comme particulièrement innovant, est exclusivement proposé à l’hôpital Cheikh Ahmadoul Khadim. « Quand nous sommes venus, vu le matériel que nous avons ici, nous nous sommes dit pourquoi ne pas démarrer ce type de traitement, même si à la base, nous n’avons pas été formés pour ça », précise-t-il. Après six mois de mise en route, il a expliqué que deux patients présentant des malformations vasculaires de type anévrismal, et pour lesquels une intervention chirurgicale n’était pas envisageable, ont finalement reçu un traitement.
22 cas d’anévrisme cérébral traités depuis décembre 2023
Depuis décembre 2023, l’hôpital Cheikh Ahmadoul Khadim a réussi à traiter 22 cas d’anévrisme cérébral. Ces séances de traitement se déroulent tous les trois ou quatre mois, grâce au soutien de partenaires français. Actuellement, une dizaine de patients sont sur la liste d’attente. Cependant, Dr Papa Ibrahima Ndiaye, chef du service de neurochirurgie, a souligné que le développement de ce type de traitement en Afrique noire est entravé par son coût élevé. Selon lui, les coils sont particulièrement très chers. Chaque unité est estimée à environ 700 euros (environ 459.000 FCfa). Pour traiter un petit anévrisme, il est nécessaire d’utiliser au moins cinq coils ; soit environ 2,3 millions de FCfa. De plus, a mentionné le Dr Ndiaye, il existe du matériel non implantable qui présente un coût significatif. « Au bas mot, pour traiter un anévrisme simple, il faut au minimum 3 millions de FCfa », renseigne-t-il, ajoutant que la somme peut varier selon le type d’anévrisme. « On a eu à traiter des patients qui ont acheté jusqu’à 25.000 euros en matériels (plus de 16 millions de FCfa », a-t-il ajouté.
L’hôpital Cheikh Ahmadoul Khadim, la seule structure de santé au Sénégal où cette technique est pratiquée, accueille des patients venus de toutes les régions du pays. Selon le Dr Papa Ibrahima Ndiaye, l’âge moyen des patients se situe autour de 30 ans. « Si je vous sors les dossiers des malades qu’on a eu à traiter, c’est principalement des jeunes. Aujourd’hui, la moyenne d’âge que j’ai pour les patients qui ont été traités tourne autour de 30 ans », insiste-t-il. Cela l’incite à encourager les autorités à investir dans cette technique actuellement développée au sein de l’hôpital Cheikh Ahmadoul Khadim. « Le traitement de certaines maladies est une question de souveraineté sanitaire », soutient-il, précisant qu’il est essentiel que l’État s’engage activement à aborder cette problématique. De plus, il estime qu’il est important de souligner que tout le monde ne dispose pas de ressources nécessaires pour se faire soigner à l’étranger. Pour cette raison, il est primordial que l’État investisse dans la formation des neurochirurgiens et des radiologues, afin de généraliser l’utilisation de la technique endovasculaire. Pour concrétiser cette ambition, la création de centres de formation s’avère nécessaire, selon lui.
Des patients souvent perdus entre deux missions
L’hôpital Cheikh Ahmadoul Khadim s’inscrit dans une dynamique de souveraineté sanitaire, mais n’a pas les moyens de sa politique. Il dépend toujours de l’assistance des médecins français pour organiser des missions, alors que des patients figurent sur la liste d’attente. « Nous avons perdu des patients ici », a informé le Dr Papa Ibrahima Ndiaye, chef du service de neurochirurgie. Il a souligné que près de 60% des malades parviennent à tenir jusqu’à l’arrivée d’une mission. Malheureusement, il a également signalé que certains d’entre eux rencontrent des difficultés pour se procurer le matériel nécessaire au traitement. « Je suis en train de tourner de gauche à droite pour chercher des partenaires pour leur exposer ces cas-là afin qu’ils nous aident à acheter des matériels ». Il plaide donc en faveur du renforcement de compétences des agents de l’hôpital Cheikh Ahmadoul Khadim, en proposant la mise en place des ressources nécessaires à l’amélioration de leurs conditions de travail.
Selon Dr Ndiaye, l’État doit également fournir les ressources nécessaires à tous les établissements sanitaires de niveau 3 disposant d’un neurochirurgien ou d’un centre de radiologie. « Que ça soit Principal, Fann, Dalal Jamm, Idrissa Pouye, etc., tous ces centres doivent être autonomisés en leur donnant les moyens et en leur permettant de trouver des conventions de formation », plaide-t-il. Une manière, à ses yeux, de réduire le coût du traitement. « Il y a un patient qui devait partir à Paris avec un devis de 180.000 euros (Près de 118 millions de FCfa). On l’a traité ici avec moins de 10.000 euros (environ 6,5 millions de FCfa) », a-t-il révélé, ajoutant que tant que cette action n’est pas réalisée, la sécurité de tous est en péril. En effet, Touba ne dispose pas de la capacité nécessaire pour prendre en charge tous les malades.
Par Birane DIOP (Correspondant)