La naissance du quartier Escale de Fatick remonterait aux indépendances. Selon les témoignages, il aurait été créé au début des années 1960 par des Niominkas (pêcheurs sérères) originaires des îles du Saloum, dans le département de Foundiougne. Aujourd’hui, ce quartier occupe une place de choix dans la ville de Mindiss où il abrite l’essentiel des services administratifs. Malgré le changement des temps défini par la modernité, Escale tient encore son histoire pleine de richesses.
FATICK – Loin du vacarme, Escale semble nostalgique du passé. Aujourd’hui, ce quartier ouvert sur le Mindiss (bras de mer, fief du totem de la ville portant son nom lui-même) abrite une belle page de l’histoire de Fatick. Ici, la quiétude est, pour ainsi dire, la chose la mieux partagée. À l’image d’un coin de nature préservée, Escale offre quotidiennement un calme paisible. En plus des klaxons de motos Jakarta, le bruit du marché central de la ville, sis à ses côtés, peut être le seul facteur perturbant.
Alors que le soleil se trouve à un pas de son zénith, deux jeunes filles semblent déjà submergées par la chaleur. En ce temps de canicule, les vêtements se mouillent vite. Comme en attestent ceux de ces deux compagnonnes qui se précipitent à retrouver la fraîcheur de l’ombre. Sans prendre trop de temps à parler, l’une d’elle se prononce sur l’environnement de leur quartier. « Nous vivons ici avec nos parents et c’est là que nous sommes nées aussi. C’est un très bon endroit, malgré la solitude », apprécie-t-elle.
L’acte de naissance d’un quartier d’origine insulaire
Tel un jardin paisible, Escale donne sur la route dite de Foundiougne qui le sépare d’ailleurs des eaux du Mindiss. Un tour dans ce quartier permet de lire sa riche histoire et relativement lointaine. Ainsi, la date de création d’Escale est fixée au début des indépendances. Il est le fait de voyageurs qui venaient des îles du Saloum pour vendre leur marchandise. Toutefois, ils finiront par se sédentariser.
« L’homme est un éternel voyageur », enseignait Charles Baudelaire. Un avis confirmé par les Niominkas qui vivent actuellement à Escal. Par Niominkas, il faut comprendre les pêcheurs sérères dont la majorité vit dans les îles du Saloum (département de Foundiougne).
Originaire de villages comme Djirnda, Diamniadio (commune de Djirnda), etc., cette population qui s’épanouit de nos jours dans le quartier Escale est issue d’une lignée qui remonte le temps. L’architecture des maisons, ainsi que le lotissement en disent long sur l’histoire de ce quartier situé au sud de la ville de Fatick. Dans sa grande majorité, Escale est fait de maisons ancestrales rappelant les œuvres coloniales. Aujourd’hui, mis à part les bâtiments qui sont réfectionnés, les constructions reflètent, pour la plupart, un aspect archaïque, remontant aux années 1960.
Sous une tente moderne, établie au bord du bras de mer, Amadou Sarr se rafraîchit, en compagnie d’autres personnes du troisième âge. Originaire de Djirnda (îles du Saloum), le vieil homme, confortablement assis sur sa chaise, se souvient de la fondation du quartier Escale comme si c’était hier. Dans un langage clair et dénué de toute ambiguïté, il explique : « Nos parents niominkas quittaient les îles du Saloum et venaient vendre ici des coquillages, du bois, de l’herbe et tant d’autres matériaux de construction. En plus, ils amenaient du poisson séché, des huîtres et d’autres fruits marins pour le commerce. Finalement, ils ont trouvé une place dans le quartier actuel d’Escale occupé depuis lors par les Niominkas ».
Ainsi, à la lumière des explications de M. Sarr, les fondateurs de ce quartier ont donc fini par élire domicile et poursuivre leur activité de pêche dans le Mindiss (le bras de mer, fief du génie protecteur de Fatick). Ainsi, quatre foyers ou « mbine » en sérère sont considérés par le vieux Amadou Sarr comme les bases du quartier. Il s’agit de Mbine Ousmane Diambal, Mbine Babacar Diakhère, Mbine Lassana Ndong et Mbine Birama Senghor. Jadis animé, Escale baigne de nos jours dans une grande solitude qui s’explique par les nombreux déménagements dans d’autres quartiers modernes de la ville. Aussi, cette situation est imputable à la grande affluence des femmes au marché. Comme le précise M. Sarr, plus de la moitié des femmes du quartier passent la journée au marché.
Un passé glorieux
Bien que fondé par des étrangers, il y a plus de soixante ans, Escale reste incontournable à Fatick. Une visite du quartier suffit pour s’en apercevoir. En effet, l’essentiel des locaux administratifs se trouve, aujourd’hui, dans ce quartier. Certains bâtiments qui sont là depuis la fondation du quartier continuent d’abriter des services. Juste après les explications du vieux Amadou Sarr, son grand frère débarque sur la place. Mbaye Sarr dégage encore une grande énergie et reste loin de se plier à la vieillesse. Un esprit sain dans un corps sain, c’est ce qui pourrait définir l’homme. Grand connaisseur de la culture sérère, Mbaye Sarr rappelle le rôle fondamental qu’occupait Escale. « C’est un quartier administratif. La preuve, tous les services étaient concentrés ici au temps colonial », fait-il savoir.
À voir les constructions, les explications sont donc plus que jamais avérées. Autrement dit, jusque-là, beaucoup d’édifices coloniaux sont debout. Ainsi, cette place de choix que le quartier niominka occupe dans la ville fait de lui un emplacement riche en infrastructures. En effet, on y retrouve, comme l’a si bien listé Mbaye Sarr, le service régional de l’agriculture, la Croix-Rouge, la Maison d’arrêt et de correction (Mac), la préfecture, l’Église catholique, l’Immaculée Conception, le Collège du Sine, l’ancienne mairie, le service régional de la santé, le marché, la poste…
En outre, du point de vue culturel, Escale a su participer activement, par le passé, à l’animation de la ville. Comme se le rappelle un natif du quartier, âgé d’une cinquantaine d’années qui, sous l’anonymat, raconte : « Dans les rendez-vous culturels de Fatick, le quartier Escal n’était jamais en reste. Les Niominkas étaient toujours sollicités. On organisait même des séances de lutte ». Poursuivant, l’homme rappelle aussi que la population s’était organisée autour d’une structure dénommée Association des ressortissants du Gandoul (le Gandoul qui est un terroir au cœur des îles du Saloum).
Après un passé enviable à tout point de vue, Escale est aujourd’hui confronté, comme beaucoup de quartiers de la ville, à la lancinante question des inondations. Selon certains témoignages, en saison pluvieuse, on est obligé de placer des briques à travers les artères du quartier en guise de passage parce que l’eau stagne à la surface.
À cela, s’ajoute l’équation du sel qui est préjudiciable aux constructions.
Par El hadji Fodé SARR (correspondant)