La problématique des actes d’état civil est devenue un mal endémique dans la capitale régionale du Sud où plus de 50.000 citoyens vivent sans ces documents. Ziguinchor, qui a vécu des années confuses du fait de la crise armée, éprouve encore d’énormes difficultés à dépasser cette épineuse question.
«Dans notre village, la question de l’état civil affecte pratiquement tout le monde. La tranche d’âge concerné est de 0 à 100 ans. Parce que, au-delà des enfants, il y a des parents qui ne disposent pas de ces documents. C’est à cause du conflit armé. Nous avons tout perdu en 1992 lors de notre déplacement forcé». Ce premier cri de détresse est celui du chef de village de Camaracounda, Abdourahmane Camara, habitant du département de Ziguinchor.
«Nous disons merci à l’État du Sénégal pour la construction d’une case des tout-petits dans notre village. Maintenant, nous invitons les autorités à aider ces enfants à disposer d’extraits de naissance. Il y a aussi des adultes qui n’en ont pas. Mais, l’urgence, ce sont ces enfants qui ont commencé à étudier sans pièces d’état civil. Ils ont besoin d’être reconnus juridiquement comme les autres enfants de ce pays». Ce deuxième appel au secours qui traite du même problème est celui de Bouba Sagna, chargé des cours à la case des tout-petits de Nghoniam, dans le département de Bignona.
Il s’est confié au «Soleil». «Ici, dans notre commune, nous avons une grande difficulté. L’année dernière, l’État, à travers le programme Nekkal, est venu à notre secours pour relancer le projet de la digitalisation. Mais, il y a beaucoup de nos sœurs et frères qui n’ont pas de pièces d’état-civil. Car, avec le conflit, tout a été brûlé. Les gens ont tout perdu. A Youtou par exemple, nous avons une classe de CI où tous les élèves n’ont pas d’actes d’état-civil», explique Bruno Sambou, chargé de l’état-civil au niveau de la commune de Santhiaba Manjack, dans le département d’Oussouye. C’est pour dire que le problème est entier ! De Bignona à Oussouye en passant par Ziguinchor et Nyassia, la problématique de l’état-civil demeure la même préoccupation.
Le dénominateur commun: le déplacement forcé que les populations avaient connu dès l’aube des années 1990. Même si cette situation est spécifique d’une localité à une autre. Contraints de quitter leurs villages à la hâte, des habitants avaient perdu ces documents qui leurs sont indispensables. Dans certains villages de la Casamance, l’état-civil est quasi inexistant. D’ailleurs, un travail effectué sur le terrain par les équipes de la Dynamique de paix, il y a plus d’un an, dans le cadre du programme Aliwili 2 de l’Usaid, a permis de constater que plus de 50.000 citoyens de la région de Ziguinchor n’ont pas d’actes d’état civil.
Des chiffres qui ont récemment été partagés par le Premier ministre, Ousmane Sonko au cours d’une réunion interministérielle axée sur cette problématique majeure qui hante le sommeil des demandeurs. Un phénomène qui touche les enfants et les adultes Dans la commune Nyassia qui a eu à subir les affres du conflit armé, beaucoup de personnes qui n’ont pas encore d’actes d’état civil continuent à prendre leur mal en patience.
Dans cette frange de la société, on retrouve des enfants et des adultes. Interrogée sur ce cas précis, la maire de ladite collectivité territoriale a indiqué que la question de l’état civil constitue une «problématique majeure». De plus, Justine Manga Bassène a fait savoir que c’est le conflit armé qui est à l’origine de la situation que vivent les populations de la région de Ziguinchor. Évoquant la question liée à la numérisation des actes d’état-civil, la première magistrate de la commune de Nyassia a salué «l’efficacité de cette connectivité qui diminue le temps de travail de l’équipe municipale et qui permet d’aller très vite».
Pour permettre aux populations de la région de Ziguinchor, y compris des ex-combattants du Mfdc, de disposer de pièces d’état-civil dans les meilleurs délais, l’Usaid, à travers son projet Aliwili 2, et le Catholic relief services (Crs), ont initié une vaste campagne de recensement. Au bout de six mois, ce travail a permis aux équipes sur le terrain de constater que 50.685 personnes vivent sans ces documents indispensables.
Selon le coordonnateur de la Dynamique de paix en Casamance, Henry Ndecky, qui a dirigé les opérations de recensement, tout va être mis en œuvre afin de pouvoir enrôler le maximum de personnes. Faisant le bilan au terme de processus, le patron de la Dpc s’est réjoui des résultats obtenus. «Après la signature des accords de paix de Mongone en 2023, la question de l’état civil a fait l’objet de discussions entre les deux parties. Les ex-combattants de Diakaye ont exprimé leur souhait de voir cette épineuse question être résolue ici, en Casamance, cette partie du pays qui a vécu quarante ans de conflit», laissait-il entendre dans un entretien avec des médias. Aussi, a-t-il salué la décision de l’État qui, d’après lui, travaille à permettre aux populations de la Casamance de retrouver toute leur dignité.
Gaustin DIATTA (Correspondant)