Le « Ganalé », cérémonie traditionnelle organisée par certains pèlerins de retour de La Mecque, est devenu, pour certains, un moment de festivité comparable aux baptêmes et aux mariages. Ce phénomène, devenu viral sur les réseaux sociaux, est fustigé par des religieux. Ils dénoncent une pratique contraire aux préceptes de l’islam.
Après le pèlerinage à La Mecque, l’heure est au « Ganalé ». Une cérémonie traditionnelle organisée par des pèlerins pour célébrer leur retour. Si, autrefois, cela se faisait dans la plus grande sobriété, en présence de la famille proche et de quelques amis, force est de constater qu’il n’en est plus ainsi. Des images de « Ganalé » ayant des allures de cérémonie de baptême ou de mariage sont virales sur les réseaux sociaux. Durant ces cérémonies, des billets de banque, des tissus et d’autres cadeaux sont distribués. L’on voit même certaines pèlerines, parées d’or, bien maquillées, esquisser des pas de danse au rythme des « bongomens ». Les internautes s’en offusquent. Il en est de même pour les religieux, qui dénoncent une pratique contraire aux préceptes de l’islam. Ils la qualifient de « gaspillage » et de « simple folklore ».
« Avant, lorsque les femmes revenaient de La Mecque, celles qui n’étaient pas voilées se couvraient la tête durant quarante jours. Maintenant, certaines se permettent d’aller au salon pour se coiffer et se maquiller, comme si elles se rendaient à un baptême ou un mariage », se désole Hamidou Bâ, un des imams de la mosquée du Rassemblement islamique du Sénégal (Ris-Alwahda). Il fait remarquer qu’autrefois, nos parents célébraient leur retour dans la plus grande sobriété.
Imam Moustapha Sarr fustige à son tour : « Certains « Ganalé » sont devenus tout simplement du folklore et des cérémonies de gaspillage et de vantardise ». Il rappelle que « le Ganalé» doit plutôt être un moment de bénédiction, car il est dit qu’une personne revenue de La Mecque est purifiée et que ses prières sont exaucées pendant les quarante jours suivant le Hajj ». Imam Ndiogou Diop abonde dans le même sens : « Avant, les proches venaient rendre visite aux pèlerins de retour pour recueillir des prières et recevoir quelques cadeaux comme des chapelets, des dattes et de l’eau de zam-zam. Maintenant, ce qui se passe n’est pas une recommandation de l’islam. On revient purifié de ses péchés… et on en commet », fulmine-t-il. Le religieux rappelle que le pèlerinage est certes le cinquième pilier de l’islam, mais qu’il s’agit d’un acte de dévotion, tout comme la prière, le jeûne ou l’aumône. « Est-ce que, après avoir prié, jeûné, ou donné l’aumône ou la zakat, on invite les gens pour faire la publicité autour de cet acte accompli ? Pourquoi le faire avec le Hajj ? », s’interroge-t-il.« Certains mêmes s’offusquent lorsqu’on ne les appelle pas Hadj ou Hadjaratou ! Dans ce cas, ils devraient aussi exiger qu’on les appelle “prieur” ou “donneur d’aumône” chaque fois qu’ils accomplissent ces actes. Pourtant, on peut même accomplir le pèlerinage dans une discrétion totale», renchérit Imam Sarr. Comme Imam Diop, il souligne toutefois que le « ziar » à un pèlerin de retour est admis en islam : « Dans la mesure où, en partant, le pèlerin a fait ses adieux à ses proches en sollicitant leurs prières, il est tout à fait normal qu’à son retour, ces derniers lui rendent visite, étant donné qu’il est revenu purifié de ses péchés », arguent les deux religieux.
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Face à cette nouvelle pratique fortement décriée, Imam Hamidou Bâ préconise un retour aux valeurs de l’islam, surtout au regard de la conjoncture. « L’islam prône le juste milieu », rappelle-t-il, en soulignant l’impact que le pèlerinage doit avoir sur le pèlerin. « La personne revenue de La Mecque est censée être purifiée. Elle ne doit donc pas commettre à nouveau des péchés, mais plutôt devenir une référence, capable de partager son expérience afin d’inciter les autres musulmans à suivre son exemple et à rester dans la droiture», dit-il.
C’est pourquoi les imams Sarr et Diop invitent les guides à mieux sensibiliser les pèlerins sur le sens de leur acte avant leur retour au Sénégal. Aux pèlerins, Imam Diop lance un appel à la prise de conscience : l’argent destiné au « Ganalé » pourrait servir à des causes beaucoup plus nobles.
Par Fatou SY