« Femme sous silence au Sénégal : une fabrique du patriarcat », est le dernier ouvrage de Dr Fatoumata Bernadette Sonko publié en 2023 aux éditions l’Harmattan dans la collection Etudes africaines. Après son étude sur « Les usages paradoxaux de la radio à travers les émissions interactives au Sénégal », la journaliste et universitaire, aborde la marginalisation des femmes dans la sphère médiatique dans notre pays. Sur la base d’une démarche scientifique rigoureuse, l’auteure dissèque la mise sous « silence radio » des femmes, dont l’objectif selon elle, est de « perpétuer un système de domination sociale et culturelle masculine ».
Le livre de Fatoumata Bernadette Sonko, « Femmes sous silence au Sénégal : une fabrique du patriarcat », publié aux éditions L’Harmattan en 2023, aborde la lancinante question de la place des femmes dans la société sénégalaise et plus précisément dans la sphère médiatique. En effet, si le discours sur les femmes est davantage relayé par les médias, le rapport de ces derniers dans leur pratique avec le genre n’a pas été jusque-là questionné. Ainsi en posant la problématique du genre dans le monde du journalisme, Bernadette Sonko renouvelle d’emblée les études sur le genre dans notre société. Ainsi c’est son préfacier, le professeur émérite Jean-Jacques Cheval qui rend compte sans équivoque de la problématique centrale de l’ouvrage.
D’après lui, « Femmes sous silence au Sénégal : une fabrique du patriarcat » s’interroge sur la façon dont les médias sénégalais contribuent à la perpétuation d’un système patriarcal, en plaçant les femmes sous silence afin de maintenir une domination sociale et culturelle masculine. Cette question, Fatoumata Bernadette Sonko y répond avec une démarche scientifique rigoureuse, tout en assumant un certain engagement. En analysant la mise sous « silence radio » des femmes à travers le prisme de la domination masculine et des violences qui leur sont faites, l’auteure se positionne en opposition directe à l’hégémonie masculine. Son objectif, tel que le souligne son préfacier, est de faire en sorte que « la société sénégalaise ne demeure pas une société où seuls palabrent les hommes, une société de silence imposé aux femmes ».
Dès lors, pour étayer son propos, Fatoumata Bernadette Sonko s’appuie sur une étude approfondie des pratiques médiatiques dans plusieurs organes de presse. Son analyse couvre les journaux Le Soleil, Walfadjri et Sud Quotidien, ainsi que trois radios (Radio Sénégal Internationale, Sud FM et Rfm) et trois chaînes de télévision (Tfm, Rts et 2Stv). En combinant ces observations à des sources orales et écrites, elle arrive à un constat sans appel : « L’actualité, dans les journaux, s’écrit sans les femmes. Sur les ondes, le « silence radio » fonctionne à merveille », affirme-t-elle. « L’actualité dans les journaux s’écrit sans les femmes » Poursuivant son analyse, l’auteure donne un premier exemple : la marginalisation systématique des femmes à la télévision, où elles sont cernées par des « écrans d’invisibilité ». Cette exclusion est amplifiée, selon elle, par « une socialisation différenciée, un effacement des femmes de la mémoire collective et des dispositions juridiques défavorables à leur pleine participation à la sphère publique ».
A ce titre Bernadette Sonko souligne la portion congrue réservée aux femmes dans les sphères décisionnelles pour conforter son argumentaire. Et sur ce point, elle n’y va pas avec le dos de la cuillère : « Les responsabilités et les sphères de décisions restent acquises très majoritairement aux hommes, sauf exception, les emplois de base restent le lot des femmes journalistes, les promotions, reconnaissances demeurent hypothétiques. Qui plus est, elles sont assignées à une actualité, des sujets, des domaines conformes aux traditionnelles places « genrées » qui leur reviennent dans la société », écrit-elle. C’est ce qu’elle appelle le « Mussor de verre » que les femmes ont du mal à déplacer et qui les invisibilisent. Cette invisibilité, pour elle, ne se limite pas au seul domaine médiatique, car elle est le résultat d’une construction sociale et historique ancrée dans des contingences religieuses et culturelles, consolidant ainsi un ordre patriarcal dominant.
Ainsi en mettant en exergue, dans son ouvrage les préjugés qui persistent au sein de l’inconscient collectif sénégalais dont résulte la place subalterne des femmes dans les médias à travers « l’analyse des rapports de genre, l’impact de la socialisation, la place des femmes dans l’histoire et le droit, ainsi que les traces de matriarcat », l’ouvrage de Bernadette Sonko rend compte parfaitement de l’hégémonisme masculin dans notre société dont les médias ne sont que les relayeurs. En somme, l’auteure dénonce le fait que la marginalisation des femmes « dans la sphère médiatique ne fait que refléter leur position subalterne dans les autres secteurs de la vie active ». Face à ce constat, elle lance un appel à « une remise en cause profonde, pour déconstruire un silence qui dépasse largement le champ des médias ». Dr Fatoumata Bernadette Sonko est professeure au Centre d’Études des Sciences et Techniques de l’Information (Cesti) à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad). Avec cet ouvrage, elle apporte une contribution essentielle au débat sur la place des femmes dans l’espace médiatique et, plus largement, dans la société sénégalaise.
Par Souleymane WANE