Multiplication de cas dans le sport, l’administration, les foyers… L’arrêt cardiaque est la cause de mort subite la plus fréquente. Dans un pays où les structures de secours sont rares, les gestes de premier secours deviennent cruciaux. Une personne bien formée, avec un minimum de sang-froid, peut sauver une vie avant même l’arrivée des secours.
Faute de formation, 90 % des citoyens ignorent les gestes de premiers secours, selon Ibrahima Ball, coordonnateur du programme de développement des premiers secours (lire en page 5). Une inaction qui coûte chère. Rares réactions rapides ou gestes salvateurs. Si la Croix-Rouge a lancé un projet de formation dans les régions de Thiès et Fatick — 500 personnes formées dans 30 communautés — cela reste largement insuffisant au regard de l’ampleur du phénomène. Il n’existe pas encore de campagne nationale de grande envergure…
Le décès du footballeur et capitaine de l’Us Ouakam, samedi dernier à Dakar, à la mi-temps d’un match de Ligue 1, a remis les morts subites au-devant de l’actualité. Un problème de santé qui prend de plus en plus d’ampleur au sein de la société. Témoignages de personnes qui se sont retrouvèrent subitement dans le deuil.
Quand il se souvient de la perte brutale de son père, Mamadou Kébé laisse échapper un cri de détresse d’une voix de stentor. «C’était le 13 février 2022», soupire le quadra encore marqué par le tragique événement. Ce jour, le père Kébé s’était levé, la mine émettant des ondes positives. «Comme toujours, il est allé acheter son journal et s’est assis dans la cour de la maison pour le lire. Je suis sorti pour le saluer et ensuite, je suis allé au travail. Il n’avait aucun trait de maladie. Au contraire, il m’a paru très en forme, comme d’habitude. Je sors et 15 minutes après, mon épouse m’appelle pour me dire que papa est subitement tombé de sa chaise. Elle a alerté le voisinage et le temps que je revienne, mon père a rendu l’âme. On n’a même pas eu le temps de l’amener à l’hôpital Idrissa Pouye de Grand-Yoff», narre Mamadou Kébé, triste.
La douleur avec laquelle le menuisier Mamadou Kébé, résident à Grand Yoff, se souvient de l’histoire est si vive qu’il hurle à gorge déployée. Yeux larmoyants à peine visibles, il cherche ses mots. « J’ai perdu mon père d’une manière assez drôle. Un malaise et après, il s’en est allé », pleure encore M. Kébé, père de 4 enfants. Au Sénégal, les cas de morts subites suscitent une attention croissante, notamment dans les domaines de la santé publique, du sport et des migrations. L’émotion est encore au paroxysme depuis le décès brutal du jeune footballeur Fadiouf Ndiaye, capitaine de l’Union sportive de Ouakam (Uso) à cause d’un malaise cardiaque. Avant lui, la mort tragique de Papi Goudiaby, jeune footballeur de l’Avenir Foot Academy, le 10 avril 2025 lors d’un match amical à Dakar, avait remis en lumière les risques liés aux arrêts cardiaques sur les terrains de sport.
Abdoulaye Sall, 35 ans et habitant à Yoff Tonghor, a vécu la même douloureuse expérience avec sa mère. « Ma maman Mané Diagne est morte d’une crise cardiaque en janvier 2024 », introduit-il la pensée assez lointaine. S’il est vrai que la mère de famille trainait une maladie cardiaque, elle était dans une situation stable depuis des années. Mais cette matinée du 24 janvier 2024 était le rendez-vous avec la grande faucheuse. «Elle s’est réveillée et a pris son petit déjeuner tranquillement. Mais une heure plus tard, elle disait avoir des problèmes de respiration et des maux à la poitrine. On n’a pas eu le réflexe de l’amener à l’hôpital. On a allumé le ventilateur pendant qu’elle avait juste chaud et au bout de quelques minutes, elle criait fort.
C’est en ce moment qu’elle a rendu l’âme», rembobine Abdoulaye Sall, verbe chargé de mélancolie. Bara Ndiaye, lui, a partagé le lit avec sa femme comme chaque soir pour plonger dans les bras de Morphée. Mais au petit matin de ce 7 octobre 2024, sa femme Aby Guèye ne s’était pas révéillée. «Vers 6h, j’ai senti qu’elle respirait difficilement et c’est cela qui m’a alerté. J’ai demandé ce qui se passait, elle ne répondait pas. Je n’ai eu que le temps de m’habiller pour la faire sortir. Elle est décédée sur le lit et j’étais impuissant. Avant, je n’avais jamais connu une maladie de mon épouse », se rappelle M. Ndiaye pêcheur à Yoff. Ces morts sans signes annonciateurs laissent des familles désarmées, prises de court par l’inimaginable. Face à la faucheuse, la surprise est souvent le plus cruel des chocs.
Par Babacar Guèye DIOP