(STATION ARAFAT) – Réunion interministérielle, séminaires d’information et de formation, inscriptions en ligne, vaccinations, convois de pèlerins, hébergement, restauration, prise en charge médicale… Le pèlerinage aux Lieux Saints de l’Islam est tout un processus qui nécessite une bonne coordination. Un rôle dévolu à la Délégation générale au Pèlerinage confiée au Général (Er) Mamadou Gaye. Rencontré le jeudi matin devant le poste médical sénégalais à la station Arafat, au pas de charge, le Délégué général nous a tiré un premier bilan de l’édition 2025 encore en cours…
Général Gaye, on est jeudi, jour d’Arafat. Quel bilan tirez-vous à mis étape de cette édition du Pèlerinage à la Mecque 2025 ?
Je voudrais tout d’abord rendre grâce à Dieu le Tout Puissant qui nous a donné l’opportunité aujourd’hui de venir accomplir notre pèlerinage, 5e pilier de l’Islam, une obligation pour tout musulman qui en a les capacités. Je voudrais également rendre grâce à Dieu qui m’a mis à cette station de Délégué général au pèlerinage aux lieux saints de l’Islam. Le Sénégal comme vous le savez cette année va convoyer 12 860 pèlerins dont les 11 000 sont convoyés par les voyagistes privés.
Nous avons commencé la préparation de ce pèlerinage six mois maintenant. Au mois de décembre dernier, lorsque au sortir du Conseil interministériel il nous a été recommandé de repenser l’organisation du pèlerinage pour mettre nos pèlerins dans les meilleures conditions de confort et de sécurité.
Nous avons également reçu mandat de décentraliser les opérations d’inscription et dans déroulement de nos pèlerins. Dans certaines régions qui ont été identifiées comme les régions de Tambacounda, de Diourbel, de Saint-Louis et de Ziguinchor. Région à fort potentiel de pèlerins pour justement atténuer les souffrances des pèlerins qui étaient obligés de faire de longs déplacements jusqu’à Dakar.
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Dakar était l’unique centre au Hangar des pèlerins de Yoff où les gens étaient convoqués pour faire des opérations. C’était trés éprouvant. D’abord en terme de sécurité des pèlerins, c’était éprouvant en terme de d’épreuve parce que les opérations duraient des jours et des jours et souvent des pèlerins tombés même malades en cours de processus.
Donc cette année, nous avons décentralisé en rapprochant la Direction de la Délégation générale du pèlerinage des pèlerins et toutes les opérations qu’on faisait à Dakar ont été faites dans ces cinq autres régions du pays. Je veux dire que les opérations d’inscription, les opérations d’enrôlement, les visites médicales d’aptitude des pèlerins, les vaccinations des pèlerins et l’obtention du passeport, de la carte nationale d’identité pour ceux qui n’en avaient pas jusqu’à l’obtention des titres de voyage ou billet d’avion. Et tout s’est fait dans les régions. Les pèlerins ne venaient à Dakar que pour embarquer dans l’avion et partir.
Les pèlerins pouvaient prendre l’avion de leur choix ou bien Air Sénégal. Donc vraiment cette opération a été beaucoup très fluide cette année et nos pèlerins l’ont beaucoup apprécié comparé aux années précédentes.
L’autre innovation pendant cette phase préparatoire. Nous avons procédé à une phase de pré-inscription de nos pèlerins. Qu’est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire que les pèlerins qui ont l’intention d’aller à la Mecque passent dans toutes les agences de la Banque Islamique qui est la banque désignée suite à un appel d’offre pour le pèlerinage, pour déposer leur package.
Et quels sont les résultats de toutes ces mesures ?
Cela nous a permis d’anticiper dés le mois décembre, déjà d’avoir commencé à avoir la liste des pèlerins potentiels et de planifier les visites médicales d’aptitude pour ces pèlerins. Autre innovation de taille, c’est que la Délégation générale du pèlerinage a été repensée en terme d’organisation institutionnelle. De nouvelles structures ont été créées. Actuellement, il y a un nouveau cahier de charge qui a été mis en place par le Ministère de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères qui est notre ministère de tutelle. Et toutes ces innovations ont permis vraiment à la Délégation générale d’avoir les moyens institutionnels pour exercer sa mission. Nous avons également cette année introduit une autre innovation, c’est le séminaire de formation des membres de l’encadrement des pèlerins. Parce que nous avons pensé que la soixantaine de missionnaires, comme on les appelle, avaient besoin d’être encadrés, avaient besoin d’être mobilisés pour qu’on ait un esprit d’équipe, qu’on se connaisse mieux.
C’était une occasion pour moi occasion en tant que Délégué général au pèlerinage de donner des orientations, de donner des instructions pour que l’équipe soit soudée et qu’elle sache exactement ce à quoi elle doit s’attendre et surtout comprendre ce que c’est que le pèlerinage. Parce qu’on ne peut pas encadrer un pèlerin si on ne comprend pas ce que c’est le pèlerinage, quels sont les rites, quels sont les obligations, quels sont les interdits, etc. Parce que j’ai voulu que tous nos encadreurs soient polyvalents, être en mesure de répondre aux sollicitations de nos pèlerins, mais être en mesure également de leur apporter le soutien qu’il faut au moment où ils en ont besoin. Autre innovation de taille Cette année que nous avons introduit, c’est les rapports sains que nous avons avec la communauté du hajj. Quand je parle de communauté du hajj, c’est d’abord les voyages privés.
Vous savez, nous avons près de 300 agences, des associations qui s’activent dans le pèlerinage et qui convoient des pèlerins pour le hajj et pour la Oumra. Donc, il était important pour nous de réorganiser toute cette famille en 10 regroupements. Des regroupements de 1000 par groupement. Et aujourd’hui, nous l’avons réalisé grâce au soutien bien entendu et la compréhension des agences privées qui nous ont beaucoup facilité la tâche et qui ont fait preuve de responsabilité et d’esprit de coopération. Parce que dans mon premier message que j’ai délivré à la communauté de Hajj, je leur au demandé de faire beaucoup d’efforts sur les 4C , la coopération, la collaboration, la concertation-consultation et la communication. Pour que nous puissions nous parler régulièrement, nous puissions nous comprendre et nous voir régulièrement pour communiquer. Parce que nous partageons le rôle extrêmement délicat de convoyer 12 860 pèlerins à des milliers de kilomètres du Sénégal, dans des conditions pas toujours faciles. Parce que dans cette communauté, il y a des gens qui n’ont jamais voyagé, ne sont jamais venus à Dakar, n’ont jamais pris un avion, n’ont jamais séjourné dans un hôtel. Donc il y a toute une éducation à faire Donc, pour cette catégorie de de population. Donc, c’est un âge qui est marqué par euh des innovations majeures, mais les plus grandes innovations ont été identifiées ici en Arabie-Saoudite…
Nous voilà aujourd’hui en Arabie-Saoudite. Peut-on savoir ce qui a changé sur le terrain durant ce Hajj 2025 ?
La République d’Arabie Saoudite a initié beaucoup d’innovations. La première, c’est la digitalisation du processus du pèlerinage. Tout se fait dans une plateforme. C’est à travers cette plateforme qu’on inscrit les pèlerins, qu’on fait les demandes,. les paiements, des prestations, paiement des hôtels, paiement des transports, paiement des des hôpitaux parce que on Nous avons contracté avec un hôpital de référence qui évacue qui prend en charge nos malades, nos blessés un certain niveau de pathologie.
Donc l’Arabie Saoudite a innové aujourd’hui en incluant une centaine de nouvelles innovations dans la digitalisation du process. Ça n’a pas été facile. Cela a engendré par moment des incompréhensions des délégations étrangères.
Pour le moment cela a créé des limites objectives. Vraiment des incompréhensions du processus et souvent ce qu’on appelle les limites technologiques. Souvent voilà, la technologie va avec des impératifs. Souvent il y avait des pannes, des dysfonctionnements techniques qui faisaient que le processus était repris à tout moment. Donc ces innovations également ont été une nouveauté.
Et je pense que il y a beaucoup plus de davantage que d’inconvénients. Je crois que les années à venir, notamment dans le cadre de la Vision 2030 du royaume, là les autorités saoudiennes voudraient augmenter le nombre de pèlerins. Ils visent 30 millions de pèlerins, de visiteurs en 2030. Cela demande une logistique, une organisation… Cela demande vraiment beaucoup d’autres gens et surtout une grande communication avec la communauté du Hajj, avec les communautés du Hajj en général. Donc voilà un peu les innovations qui ont marqué cette année le pèlerinage au lieu de l’islam.
Par rapport à la délégation sénégalaise, avez-vous reçues des récriminations, des remarques depuis le début du processus ?
Alors nous avons cette année une population de 12 860 pèlerins repartis comme je l’ai dit en groupements. Nous avons 10 regroupements de voyagistes privés et nous avons ce qu’on appelle la Commission nationale qui est gérée par la Délégation générale au pèlerinage, avec 1 860 pèlerins. Les 11 000 étant gérés directement par les voyagistes privés. La plupart des récriminations tournent autour du retard du début des opérations et d’inscription. Pour cette année, vous savez le Délégué général a été nommé un peu tard. Il y a eu des nouvelles autorités qui sont arrivées au pouvoir. Donc la machine a pris un peu de temps pour fonctionner. Il fallait très rapidement réorganiser la Délégation générale, élaborer un nouveau cahier de charge et cela a nécessité quand même de prendre beaucoup de temps pour cela. Et cela a retardé un peu le processus. C’est réellement au mois de janvier que nous avons ouvert la plateforme, que nous avons commencé l’inscription. Mais vous savez le Hajj n’est plus maintenant une activité saisonnière, mais une activité permanente. Parce que les Sénégalais en général, ne parlent du Hajj, du pèlerinage que quand le Ramadan est terminé. Mais maintenant l’esprit a changé. Le pèlerinage, c’est une activité permanente maintenant. Dès qu’on sort du pèlerinage, on commence à préparer la prochaine édition.
Déjà, le 8 juin, quand on aura fini le pèlerinage 2025, nous avons une grande réunion que nous allons tenir, un symposium avec les autorités saoudiennes pour qu’elles nous donnent le programme du pèlerinage de 2026, déjà.
Donc, maintenant nous devons nous adapter et ces récriminations également sont prises en compte. Les récriminations tournent également autour des sites d’hébergement, notamment à Mina où le site d’hébergement est exigu. Le nombre de tentes qu’on nous donne ne correspond pas aux effectifs que nous convoyons ici. Et souvent le nombre de lits également ne correspond pas à la réalité des effectifs et cela a crée des frustrations, des remontrances. Nous avons remonté ces récriminations aux autorités saoudiennes. Ils ont ouvert une plateforme de réclamation d’urgence qu’on appelle, où chaque fois que vous introduisez automatiquement ils vous répondent. Votre récrimination est prise en compte et hier, mercredi, quand on s’est rendu compte qu’à Mina que nous avions des déficits énormes au niveau des lits, ils nous ont affecté un nouveau site immédiatement et hier on a transféré le surplus de pèlerin dans le nouveau site. Au niveau de la zone 4 de Mina, plus de 500 lits, de nouveaux lits, cela nous a permis de décanter la situation et de pouvoir faire notre séjour à Mina correctement.
Il y a souvent aussi des pèlerins qui demandaient conseil auprès des missionnaires ou souvent à être orientés guidés, surtout les personnes âgées…
Oui, vous savez la gestion des personnes âgées dans le cadre du pèlerinage est extrêmement délicate. Les autorités saoudiennes sans le dire ont l’intention de fixer une limite d’âge. Quand j’ai discuté l’année dernière avec le ministre du Hajj et de la Oumra, je lui ai posé la question à savoir quelle est leur vision sur l’âge des pèlerins. Ils disent que l’âge des pèlerins sénégalais est très élevé comparé aux autres nationalités, comparé aux Asiatiques par exemple,⁰ù l’âge des pèlerins autour d’une trentaine d’années mais chez nous c’est 60 ans 70 ans.
Nous avons des pèlerins très âgés souvent à mobilité réduite qui ne sont pas pris en charge correctement et où nous exigeons aussi raisonnablement que ces pèlerins soient accompagnés, assistés. Et ça demande tout un dispositif particulier et également des moyens. Donc nous avons demandé que les dispositions soient prises pour assurer un meilleur encadrement de ces personnes âgés qui sont de mobilité réduite. C’est pourquoi dans l’équipe médicale de cette année, nous avons mis un gériatre qui permet de prendre en compte certaines pathologies liées à la vieillesse. Nous avons également beaucoup d’autres spécialités médicales dans l’équipe, parce qu’on a aujourd’hui densifié l’équipe médicale.
Nous avons mis en place 81 médecins toutes spécialités confondues jusqu’au départ jusqu’à l’arrivée en Arabie Saoudite et chaque vol de pèlerin est accompagné par un médecin avec une valise d’urgence et des moyens spécifiques pour prendre en charge le pèlerin depuis l’embarquement jusqu’à la mise en place. Et ils ont installé également ce qu’ils appellent des postes médicaux avancés comme c’est le cas, le poste qui est en face de nous ici à Arafat. Ils en ont installés à Mina, à Médine, à la Mecque, un peu partout et ils sont à pied d’œuvre pour prendre en compte effectivement la question des personnes à mobilités réduites et les personnes d’un certain âge.
Au niveau de la restauration, surtout à la Mecque, vous n’avez pas entendu des récriminations ?
Ah si, si ! Vous savez il y a toujours des récriminations liées à l’alimentation. parce que c’est extrêmement important. Vous savez, il est difficile de satisfaire toute une communauté parce que les gens ont des exceptions culinaires. Une dérogation qu’on nous a accordée, nous permet cette année d’amener des chefs cuisiniers et spécialités dans la restauration collective pour les accompagner, pour leur donner des conseils. Lorsque je suis arrivé à la Mecque, j’ai été interpellé par certains pèlerins qui disaient que le repas qu’on leur servait n’était pas à leur goût, la quantité ne suffisait pas. Je me suis moi-même porté au niveau de l’hôtel Safir où j’ai convoqué le restaurateur en présence ce jour-là de beaucoup pèlerins dans la salle de restauration et nous avons discuté à bâtons rompus et automatiquement il a changé le menu.
À partir de ce jour tout le monde a constaté vraiment un saut qualitatif parce qu’il a pris en compte les remarques et les exigences que les pèlerins ont donné. Et jusqu’à présent nous continuons cette discussion avec nos restaurateurs pour qu’ils puissent rapprocher le plus possible de nos goûts culinaires. Ce n’est pas facile, parce que la restauration est une question de culture et souvent pour s’adapter, ce n’est pas donné à à tout le monde. Cela demande beaucoup d’engagement, une bonne communication et ça demande surtout de l’anticipation.
Propos recueillis par El Hadj Omar DIOUF