Golléré, c’est cette localité du nord-est du pays où est née la sainte Mame Diarra Bousso, mère du fondateur du mouridisme, Cheikh Ahmadou Bamba. Aucun pèlerinage n’y est effectué, mais dans cette localité, notamment dans le fief des Mboussobé, la fierté se lit sur les visages à l’évocation de son nom et de son histoire.
Golléré est connu pour son calme légendaire. Située dans le département de Podor, dans la région de Saint-Louis, cette localité du Fouta est riche en histoires et en culture. Les habitants ont opté pour une vie tranquille. La zone est présentée comme une terre de foi, baignée dans une forte culture religieuse. Ses habitants semblent se maintenir dans la voie tracée par leurs ancêtres qui se sont distingués par leur érudition en sciences islamiques. L’héritage est lourd, mais ils essaient d’entretenir les bourgeons. C’est d’ailleurs dans les différentes localités du Fouta, au nord du pays, que l’islamisation a pris racine sous l’impulsion de la révolution torodo. :
La plupart des guides spirituels du pays sont originaires de cette zone. Outre le fondateur du mouridisme, Cheikh Ahmadou Bamba, le guide tidjane Seyydi Hadj Malick Sy tire aussi ses origines du Fouta. Sa grand-mère, Maimouna Dème, est originaire de Golléré, nous dit-on. Une vie nourrie de valeurs islamiques Goléré se glorifie de l’exemplarité d’une femme du terroir : la vénérée Sokhna Mame Diarra Bousso, mère du fondateur du mouridisme, Cheikh Ahmadou Bamba. Elle est célébrée chaque année lors du Magal de Porokhane (région de Kaolack). Née dans cette localité en 1833, elle n’aura vécu que 33 ans. Elle a été nourrie, selon notre guide du jour, de valeurs religieuses et traditionnelles.
Elle s’est bâtie une éternité grâce à sa piété et à son sens de l’éthique morale et sociale, selon des témoignages concordants. La localité a d’ailleurs été fondée par son grand-père maternel, Delel Dème, un homme de science. Il était le frère du père de sa mère, Mariam Dème. À Goléré, on aime retracer l’histoire de Marième Ahmed Dème, la mère de la sainte Mame Diarra Bousso, « une femme exceptionnelle ». Elle avait rejoint le domicile conjugal à Mboussobé. Son époux, Serigne Mouhamadou Bousso, était un érudit originaire de Golléré. L’ombre de Diaratoulah plane sur cette bourgade située au nord du pays. Elle est présentée comme la terre d’origine de la plupart des saints qui ont marqué l’histoire du pays. L’importance de la sève maternelle est aussi évoquée ici.
Sokhna Mame Diarra Bousso, appelée aussi Diaratoulah (la protégée de Dieu), aura laissé des traces indélébiles dans ce village qu’elle quitta très jeune, selon les explications de son arrière-petit-fils que nous avons rencontré chez lui. Kebal Dème, vice-président de l’Association des handicapés et animateur d’émissions dans une radio communautaire, lève le voile sur le passé d’une vénérée, symbole de providence. Il nous expose des faits majeurs qui ont marqué la localité : « Elle n’a pas vécu longtemps ici, car elle a quitté le village de Mboussobé très jeune. La dame qui connaissait son histoire est décédée à un âge avancé. Mais Mariame Dème a amené avec elle sa fille unique, Mame Diarra Bousso, quand elle devait rejoindre son mari, Serigne Ahmed Bousso, au Djolof ».
Une date qui reste mémorable pour les habitants de Golléré. Le point de départ de la sainte conserve une particularité : l’endroit est captivant et ne laisse pas indifférent le visiteur. La grâce incarnée par la sainte semble y créer un impact durable. Le site abrite aujourd’hui le centre socioculturel, une structure de santé, une école primaire, un musée, entre autres infrastructures. « Ce n’est pas le fruit du hasard. Golléré a commencé à connaître des mutations à partir de ce site qui concentre toutes les activités de la localité», nous confie-t-il avec un brin de fierté.
Mais il lui est difficile d’en dire davantage sur les circonstances de la naissance de la vénérée dame. La même réserve est adoptée par ses voisins, dont des dames d’un âge avancé. Il nous présente un document sonore précisant que Mame Diarra est bien originaire de Golléré, qu’elle est bien la fille de Marième Dème. Il met à notre disposition des éléments sonores qui confirment la véracité de ses propos.
Immersion dans la maison natale de Sokhna Mame Diarra Bousso
Notre interlocuteur juge nécessaire de remonter le fil du temps pour nous plonger dans un passé glorieux. Il s’inscrit dans le registre de ceux qui réclament une meilleure considération pour la localité où est née la mère du fondateur du mouridisme. Pour étayer son propos, Belel Dème décide de nous conduire dans la maison où est née la sainte. On s’attend à un espace mystérieux et sacré. L’endroit, une grande concession avec une vaste cour, affiche une certaine sobriété. De grands arbres au feuillage épais trônent dans l’enceinte de la maison natale. Elle ne semble pas avoir conservé sa configuration traditionnelle. Les trois « vases d’eau » placés au pied de l’arbre semblent constituer les seuls éléments historiques.
Aucun autre signe ne met véritablement en lumière la sacralité des lieux. Une dame sexagénaire y vit avec sa fille. Elle est de la même lignée que Diaratoulah. Elle nous reçoit dans la demeure, qui respire la modernité. Les lieux, réaménagés, sont propres et bien entretenus. Mais notre hôte n’est pas loquace. Elle s’excuse de son incapacité à nous parler de l’enfance de la sainte mère du fondateur du mouridisme ou à dévoiler des pans de son histoire. « Je sais juste qu’elle est née ici. Je ne peux vous en dire plus », dit-elle. Sokhna
Mame Diarra Bousso appartient, du côté paternel, à une lignée chérifienne. Son père, Mouhamed Bousso, fils de Hammad, lui-même fils de Aliou Bousso, initia sa fille au Coran dès son plus jeune âge. On lui attribue la rédaction d’une quarantaine d’exemplaires du Livre Sacré. Sa vie prit un nouveau tournant lorsqu’elle épousa Mame Mor Anta Sally Mbacké, lui aussi originaire du Fouta. Origines et lignées « Beaucoup ne le savent pas, mais Mame Mor Anta Sally est originaire de Mboumba, la cité des Almamy », nous confie notre interlocuteur. S’il existe un point de convergence dans les récits sur Golléré, c’est bien la fondation de la localité par Delel Dème. Il était le frère d’Ahmed Dème, père de Mariam Ahmed, mère de la vénérée Mame Diarra Bousso.
Le saint homme avait quitté la Mauritanie pour venir chasser à Golléré. «C’était une grande forêt. Il a eu le courage de s’y installer tout seul et d’affronter les animaux. Il était si fier de déposer ses baluchons à “djery Golléré”, c’est-à-dire les champs de Golléré », explique notre interlocuteur. Il ajoute que Delel Dème fut le premier à implanter une concession et à cultiver des terres. Mais selon notre guide, Dewo Ly, un marabout, fut le premier à rejoindre Delel Dème à Golléré, qui était à l’époque une vaste forêt. « Ils n’avaient pas peur de cohabiter avec les esprits surnaturels qui peuplaient la forêt. Le vieux Dème s’était distingué par sa bravoure et son érudition. Il savait maîtriser et dompter les animaux sauvages. C’était la zone de prédilection des lions et des hyènes. Dewo Ly sut lui prêter main forte. Ensemble, ils transformèrent la zone en lieu d’habitation et chassèrent tous les animaux », raconte Belel Dème.
La zone devint habitable au fil des ans, mais Ahmed Dème n’y vécut pas. « C’est sa fille, la mère de Mariam Dème, qui rejoignit le domicile conjugal à Golléré. Elle donna naissance à une sainte dans ce village. Son grand-père paternel, Almamy Youssouf Bousso, était un érudit très respecté dans la localité », explique-t-il.
Si de nombreux fidèles se rendent à Porokhane, situé près de Nioro du Rip dans la région de Kaolack, pour célébrer la mémoire de la sainte, notre interlocuteur souhaite que des visites soient aussi organisées dans son village natal. Mais il déplore que rares soient ceux qui viennent se ressourcer dans la localité d’origine de la mère du fondateur du mouridisme. « On a reçu une fois une délégation de talibés mourides. La plupart venaient des villages environnants », raconte M. Dème.
Hadja Diaw GAYE et Matel BOCOUM