Le plus souvent, après la rupture du jeûne, l’alimentation est graduelle : café chaud avec du pain ou des croissants, jus de bissap ou autres, plat léger avant d’arriver au plat de résistance. Mais pour beaucoup de saint-louisiens, après la rupture le « tiebou dieun » est prioritaire.
Les Saint-Louisiens et le « tiebou dieun », le fameux plat national du Sénégal, c’est une longue histoire d’amour. D’ailleurs, selon plusieurs sources, ce plat, inscrit au patrimoine culturel immatériel mondial de l’Unesco, serait originaire de la ville tricentenaire. Et d’après plusieurs notables de vieille ville, dont feu Golbert Diagne, la dame Penda Mbaye serait sa créatrice d’où la dénomination « tiebou dieun Penda Mbaye ». Fait à base de riz et de poisson, ce plat est l’un des plus prisés par les Sénégalais, les Saint-louisiens en particulier. Et surtout en ce mois de ramadan. Dans la capitale du nord on ne sert presque pas autre chose que du « tiebou dieun » après la coupure du jeûne.
Maimouna est restauratrice à la rue de Paris. Pendant le ramadan, elle réaménage non seulement ses horaires mais également son menu. « Maintenant, on ne prépare que le dîner. En temps normal, le soir, je propose des frites, du poulet, du couscous, de la vermicelle, des sandwichs, etc., mais en ce moment c’est du riz au poisson qui est privilégié le soir. Même si je fais autre chose à côté, c’est une petite quantité pour éviter les invendus car mes clients préfèrent manger du riz au poisson après la rupture », explique-t-elle. Pour beaucoup de « Ndar Ndar », il est hors de question de manger autre chose que le riz au poisson après une longue période d’abstinence. Bolo est jeune journaliste, habitant au quartier Goxu Mbathie. Il nous raconte ses difficultés d’adaptation rencontrées à Dakar durant le ramadan quand il a été étudiant dans la capitale. « Je vivais chez une tante. Et le premier jour de ramadan, ils ont servi un plat européen pour le dîner. J’étais étonné qu’on prépare autre chose que le riz pendant le ramadan. Au deuxième jour même chose. J’ai fini par réclamer le tiebou dieun », confie-t-il, avec un petit sourire en coin.
Pour Papa Samba Sow alias Zoumba, le riz au poisson est sacré pour les Saint-louisiens. L’acteur culturel, poète et conteur est lui-même un « trésor vivant » saint-louisien. Il revient sur le rapport de ses parents Ndar Ndar avec le riz au poisson. « Les Saint-Louisiens sont accros au « tiébou dieun ». C’est comme si durant le mois de ramadan on leur a dit : mangez ce que vous êtes ! Parce que le Saint-Louisien, c’est le « tiebou dieun ». C’est comme s’il y avait une affaire d’authenticité parce que le « tiebou dieun » est saint-louisien. A force de leur dire ça, c’est devenu comme une prescription religieuse pendant le ramadan », a dit Zoumba qui explique qu’une partie de sa famille coupe le jeûne avec le riz au poisson pendant les 30 jours du mois de ramadan.
« Quand on reste toute la journée sans manger, on a envie de manger quelque chose de savoureux. Le « tiebou dieun » est très lourd, c’est donc une façon de se garantir qu’on ne sentira pas la faim le lendemain. Parce que souvent, on ne mange pas à l’aube pour commencer le jeûne. Dans plusieurs familles, on boit juste du café ou du thé avec parfois un bout de pain », explique Zoumba, précisant que, « normalement, pour la coupure du jeûne, il y a un rituel, des dattes, boissons chaudes, du jus mais les Saint-louisiens, eux, ne pensent qu’au tiebou dieun ».
Jeanne Sagna (Correspondante)