La Fédération nationale des boutiques pour la modernisation (Fnbm) à travers un communiqué de presse, a informé l’opinion sur la hausse préoccupante des prix du sucre et de l’huile sur le marché. Cette hausse subite fait gronder de colère les consommateurs, tandis que les boutiquiers tentent de la justifier.
Il est 8 heures à Nord Foire. Les activités de la vie quotidienne reprennent timidement. Les habitants sortent progressivement de chez eux. Un vent léger caresse les façades des maisons de ce quartier aisé de Dakar. Dans une ruelle cahoteuse, une dame, rondouillarde, avance d’un pas lent, mais assuré. La mine souriante, Halima Sow vient de quitter la boutique située au coin de ce sentier ombragé en ce début de journée. Elle tient deux baguettes de pain enveloppées dans du papier journal. En dépit de sa bonne mine, la mère de famille est, depuis quelque temps, préoccupée par la hausse du prix de certaines denrées alimentaires, en l’occurrence le sucre et l’huile. Prise de court par cette nouvelle hausse, Halima exprime, sans sourciller, son amertume. « Je suis assez surprise de constater une telle hausse de la part du boutiquier. Le gouvernement avait, pourtant, bien fixé les prix des denrées alimentaires. Je ne sais pas pourquoi il y a une hausse soudaine », s’interroge, d’un air pantois, la mère de famille, la tête couverte d’un voile de couleur vive, avec des lunettes en équilibre sur les narines.
Les boutiquiers accusent les grossistes
À peine le seuil de la porte franchi, nous croisons des clients qui ont investi la boutique, donnant l’impression d’être dans un capharnaüm. L’entrée, jouxtée par des sacs de pommes de terre et d’oignons, rend l’accès difficile. Les murmures feutrés rythment l’ambiance de ce commerce. Une odeur particulière empeste l’air. Derrière le comptoir, Mouhamed Diallo, le tenancier tartine du chocolat sur une tranche de pain. Il reconnaît, d’emblée, la hausse des prix du sucre et de l’huile durant ces derniers temps, et il tente de donner des explications. À l’en croire, chacun voit midi à sa porte dans cette situation. Face à la hausse des prix des grossistes, les détaillants, soutient-il, se retrouvent dans l’obligation d’ajuster leurs tarifs. « Je suis obligé de répercuter cette augmentation sur mes produits », explique-t-il, avec un débit rapide. Ainsi, le litre d’huile, qui coûtait auparavant 1.000 FCfa, est désormais vendu avec 100 FCfa de plus. « Le kilogramme de sucre, lui, est maintenu à 600 FCfa, mais il y a une hausse de 100 FCfa », informe Mouhamed Diallo, débordé par la clientèle.
Alléger ce fardeau
À quelques encablures de la boutique, une autre femme balaie les feuilles et quelques détritus qui s’étaient accumulés devant sa maison. Chaque coup de balai semble rythmé par ses pas, créant ainsi une sorte de danse métronomique. L’air résigné, Aminata Guèye se dit exaspérée par la constante augmentation des prix des denrées alimentaires. Pour cette mère de famille, remplir le panier de la ménagère est devenu un véritable casse-tête. « Les hausses des prix des produits de première nécessité sont incessantes, et cela nous met, nous les mères de famille, dans une situation très difficile. Nous sommes obligées d’adapter constamment notre budget pour pouvoir acheter l’essentiel », confie-t-elle, les yeux mi-clos pour se protéger de la poussière soulevée par le vent. De plus, la mère de famille lance un appel aux autorités compétentes pour qu’elles interviennent afin de remédier à cette situation. « La vie est devenue très chère au Sénégal. Nous espérons que le gouvernement pourra nous aider à alléger ce fardeau financier », souhaite Aminata Guèye. Nous quittons le quartier Nord Foire pour nous rendre aux Parcelles Assainies. L’ambiance y est plus animée.
Les rues grouillent de monde et une atmosphère festive y règne. Dans l’une des boutiques de la place, nous trouvons Ibrahima. Le boutiquier, très placide, écoute de la musique diffusée par une radio solidement accrochée au-dessus d’une fenêtre grillagée. Contrairement aux autres boutiquiers rencontrés, Ibrahima fait figure d’exception, car il n’a pas encore revu à la hausse les prix du sucre et de l’huile. « Je n’ai pas augmenté les prix de ces produits pour le moment, car je les ai achetés à un prix raisonnable. Mais si les prochains achats me coûtent plus cher, je serais contraint de répercuter cette hausse sur mes prix de vente », explique-t-il. Il ajoute qu’il aurait pu suivre cette nouvelle tendance, mais qu’il a préféré préserver sa clientèle. « Beaucoup de clients pensent, à tort, que les boutiquiers sont responsables des hausses. En réalité, nous sommes contraints de suivre les prix imposés par les grossistes. Par exemple, j’achète un sac de sucre 28.850 FCfa pour revendre à 600 FCfa le kilogramme.
Au final, je ne gagne que 1.150 FCfa sur ce sac », explique Ibrahima d’une voix empreinte de sérénité. Notre discussion est interrompue par l’arrivée d’une cliente habituée, Sokhna Ndiaye. Légèrement voûtée, les poings sur les hanches, elle parcourt du regard les étagères surchargées de produits. Venue chercher des condiments pour préparer le déjeuner, elle est stupéfaite en apprenant cette « saugrenue » hausse des prix de certaines denrées. La grâce renfrognée, elle estime qu’il faudrait une intervention ferme du gouvernement pour réguler durablement ces prix homologués. Montrant du doigt une affiche indiquant les prix du gaz, du riz et d’autres produits, elle s’exclame : « c’est inadmissible d’apprendre chaque matin une nouvelle hausse des prix des denrées alimentaires. Il faut un contrôle permanent et des sanctions pour ceux qui ne respectent pas la réglementation ».
« Identifier les véritables raisons de la hausse des prix »
Selon le président de l’Union nationale des boutiquiers du Sénégal, Oumar Diallo, des produits comme le sucre et l’huile connaissent une hausse inquiétante actuellement sur le marché. À l’en croire, le sac de sucre est vendu, aujourd’hui, à 29.750 FCfa alors que le prix homologué est à 28.850 FCfa. « Il est impossible de vendre le kilogramme de sucre à 600 FCfa, car nous ne pouvons pas vendre à perte tout en supportant les frais liés au transport », dit-il. Pour l’huile, la bouteille de 20 litres est vendue à 21.500 FCfa, voire 22.500 FCfa, au lieu de 19.500 FCfa. « Toutes les catégories d’huile ont connu une hausse », explique Oumar Diallo. À l’en croire, la récurrence des cas de hausse pour ces denrées doit pousser à de véritables réflexions. « La question à se poser est pourquoi, à chaque période, nous vivons une situation pareille avec des pénuries et une hausse des prix. Il faut de profonds échanges entre l’État et tous les acteurs pour identifier les véritables raisons, d’autant plus que le Ramadan et la Korité approchent et les besoins vont augmenter », propose M. Diallo.
Pathé NIANG et Demba DIENG