Deuxième plus grande commune de la région de Kaolack avec 106.000 habitants, Médina Sabakh fait face à de nombreux défis en matière de financements, d’infrastructures sanitaires, routières et culturelles. Dans cet entretien, Ibrahima Niang, maire de la collectivité territoriale, déplore le manque d’équité dans la répartition des ressources de l’État. Il plaide pour que sa commune accède aux programmes de développement.
Quel est l’état de votre commune ?
Je dois d’abord rappeler que nous sommes la deuxième commune la plus peuplée de la région, derrière Kaolack. Ce qui est un atout, mais aussi une source de difficultés. Aujourd’hui, la commune de Kaolack dispose d’un budget qui dépasse 1 milliard de FCfa. Pendant ce temps, Médina Sabakh peine à mobiliser 400 millions de FCfa, alors que nous comptons 106.000 habitants et 40 kilomètres de frontière avec la Gambie, avec tous les enjeux que cela comporte. C’est pourquoi nous sommes confrontés à d’énormes difficultés, qui s’expliquent en grande partie par la façon dont la politique de décentralisation est pensée. Médina Sabakh est classée parmi les communes rurales —à la différence des communes urbaines — ce qui nous pénalise dans l’accès à certains programmes. Par exemple, nous ne bénéficions pas du Programme d’appui aux communes et agglomérations du Sénégal (Pacasen). Quant à la répartition des fonds, elle est souvent injuste et incohérente. Certaines communes, bien moins peuplées que la nôtre, avec moins de défis et de besoins, bénéficient pourtant de plus d’avantages : elles sont prioritaires sur certains projets de l’État, ou reçoivent une part plus conséquente des financements disponibles. Cela constitue un réel déséquilibre qu’il faut corriger.
Vous évoquez des inégalités dans la répartition des ressources. Pouvez-vous nous en dire plus et comment cela impacte-t-il votre action ?
Ce sont avant tout des inégalités entre communes, des disparités qu’il faut absolument corriger. Prenons l’exemple du Pacasen, un programme destiné aux villes comme Dakar ou Thiès, qui disposent déjà d’importantes ressources. On nous répond que Médina Sabakh ne peut pas en bénéficier. On nous parle d’un Pacasen rural, mais ce programme tarde à être opérationnel. Il est donc essentiel, pour l’avenir, que ces projets intègrent les réalités des grandes communes rurales, comme la nôtre. Et j’ai bon espoir que cela changera. Il y a un nouveau gouvernement en place, et même si les efforts restent insuffisants, des signaux positifs ont commencé à émerger. Par exemple, les fonds de dotation et de concours que nous avons reçus l’année dernière ont marqué un début de correction en faveur de Médina Sabakh. En effet, nous avons noté une augmentation quant au fonds de concours mis à la disposition de notre commune. Sur la répartition de certains équipements de l’État, comme les lampadaires, nous avons également constaté un geste de réparation. Par le passé, on voyait des communes moins peuplées recevoir 300 ou 400 lampadaires, alors que Médina Sabakh n’en recevait que 200. Mais cette fois-ci, lors de la dernière répartition, nous en avons obtenu 475, ce qui est plus conforme à nos besoins réels. Cela nous rassure et nous donne espoir qu’une véritable équité territoriale puisse s’installer. Mais pour cela, il faut encore que les critères d’attribution des fonds et des projets soient revus.
Avec un budget de 400 millions de FCfa, parvenez-vous à réaliser quelque chose ?
Nous parvenons à faire quelque chose, mais c’est insuffisant. Aujourd’hui, nous avons un budget qui oscille entre 400 et 500 millions de FCfa. Mais, en termes de recouvrement réel, il faut compter environ 300 millions de FCfa, dont 150 millions de FCfa proviennent des fonds de concours de l’État. Une commune comme Médina Sabakh reçoit 150 millions de FCfa seulement. Pourtant, elle compte 23 écoles, dont seulement 5 sont clôturées. Nous avons aussi environ 200 écoles religieuses. Médina Sabakh n’a même pas de centre de santé. Si l’État ne s’implique pas, nous ne pouvons rien faire. Nous avons du mal à réhabiliter nos postes de santé. Avec donc un budget d’investissement de 150 millions de FCfa, nous ne pouvons faire que quelques salles de classe, quelques aménagements par ici et par là, et ce n’est pas suffisant. En plus, pour le budget de fonctionnement, ce sont des difficultés permanentes. Aujourd’hui, avec 400 millions de FCfa, c’est loin d’être suffisant. Surtout dans des communes où les recettes propres restent très faibles.
Sur le plan de la santé, est-ce que votre commune est bien lotie ?
Non, justement, la santé est le plus grand problème de Médina Sabakh. Le premier poste de santé de la commune date de 1954, et il n’a jamais été réhabilité depuis. Récemment, je tiens à saluer l’intelligence et la réactivité du personnel médical, qui a pris l’initiative d’évacuer certaines salles pour éviter que des drames similaires à ceux survenus à Tivaouane et à Louga ne se produisent ici. Cela en dit long sur l’état de vétusté de notre poste de santé. Aujourd’hui, Médina Sabakh se situe en zone frontalière, et en cas d’accident, tout le monde est concerné. Pourtant, les malades sont souvent obligés d’être évacués à Kaffrine ou à Kaolack. J’ai entrepris toutes les démarches nécessaires pour obtenir un centre de santé. Je veux simplement que Médina Sabakh soit intégrée dans la cartographie sanitaire nationale. À partir de là, nous pourrons nous organiser, pour construire un centre de santé. Pour l’instant, nous n’avons que des postes de santé, et nous rencontrons énormément de difficultés. La commune a dû rénover, à ses propres frais, toutes les ambulances en panne. Pendant longtemps, une seule ambulance fonctionnait pour tout Médina Sabakh. Pourtant, des projets et programmes étatiques existent, et pourraient nous doter de davantage de moyens. On nous avait promis des ambulances, mais aujourd’hui, on les voit passer à gauche et à droite sans qu’aucune ne nous soit attribuée. Nous espérons que les nouvelles autorités corrigeront cette situation. En tout cas, de notre côté, nous avons fait le nécessaire. Médina Sabakh mérite un centre de santé. Nous pourrons alors envisager la création d’un district sanitaire. Quand on parle de Médina Sabakh, on pense aussi à sa culture, notamment au Ngoyane.
Que fait la municipalité pour valoriser ce patrimoine culturel ?
Dès notre arrivée à la tête de la municipalité, nous nous sommes dit que la seule musique traditionnelle sénégalaise authentique encore vivante se trouve à Médina Sabakh, et c’est bien le Ngoyane. Nous voulons le valoriser. Il ne faut plus que cette musique soit réduite à un simple folklore. Il faut en explorer toutes les dimensions : l’aspect économique, culturel, historique. Nous sommes en train d’y travailler. Nous nous orientons vers l’organisation des Journées économiques et culturelles du Ngoyane. Elles ne doivent plus se tenir uniquement à Dakar, ou au Grand Théâtre. Elles doivent se dérouler à Médina Sabakh. C’est ainsi qu’on pourra vivre le Ngoyane authentique, celui qui a une réelle signification, une valeur économique, culturelle et historique. Car aujourd’hui, tout cela est en train de se perdre.
Propos recueillis par Souleymane WANE