Le sacrifice d’Abraham, connu en arabe sous le nom de « Zabikh », occupe une place centrale dans la tradition islamique. Cet événement est commémoré chaque année lors de l’Aïd al-Adha, communément appelée Tabaski au Sénégal, l’une des deux grandes fêtes de l’Islam. Dans cet entretien, Imam Birame Pouye, co-animateur de l’émission « Tafsir 2.0 » sur la Rts, retrace les fondements de ce rituel.
Pouvez-vous revenir sur les fondements islamiques du sacrifice d’Abraham ?
L’histoire du sacrifice est évoquée dans le Coran, principalement dans la sourate 37 (As-Saffat), versets 99 à 113. En résumé, Abraham (Ibrahim) prie pour avoir un enfant pieux. Dieu lui accorde un fils : Ismaël (Paix sur Lui). Lorsqu’Ismaël atteint l’âge de l’accompagner, Abraham voit en rêve qu’il doit le sacrifier. Abraham consulte son fils, qui accepte avec soumission : « Ô mon père, fais ce qui t’est commandé. Tu me trouveras, s’il plaît à Dieu, parmi les endurants. (Coran 37:102)» Au moment où Abraham est sur le point de l’égorger, Dieu l’en empêche et lui envoie un bélier en remplacement : « Et Nous le rachetâmes par un sacrifice magnifique. (Coran 37:107)» Ce passage célèbre l’obéissance absolue à Dieu d’Abraham et d’Ismaël, qui devient un modèle de soumission.
Quelles sont les normes établies par l’islam pour accomplir ce sacrifice ?
L’islam encadre très précisément le sacrifice rituel avec des normes juridiques et éthiques tirées du Coran, de la Sunna et des avis juridiques des savants. Le sacrifice dans l’islam est un acte spirituel et symbolique, réglementé avec précision pour refléter la piété, la compassion et la justice. Ce n’est ni un simple rituel sanglant ni une formalité sociale, mais une manière de manifester sa soumission à Dieu, d’exercer la générosité, et de revivre l’épreuve d’Abraham avec sens et conscience. L’intention : comme pour tout acte cultuel en islam, l’intention sincère est essentielle. Il s’agit d’un acte d’adoration accompli pour se rapprocher d’Allah, et non pour des objectifs sociaux ou culturels. Le sacrifice est fortement recommandé selon la majorité des écoles, à tout musulman qui est pubère et mentalement sain. Il doit avoir les moyens financiers, sans besoins urgents non couverts. Le sacrifice doit être effectué après la prière de Tabaski. Donc, s’il est fait avant la prière, il n’est pas valable. Il est recommandé que la personne qui sacrifie assiste, voit ou effectue elle-même l’abattage. Il est également, recommandé de ne pas se couper les cheveux ni les ongles pendant les dix premiers jours de Tabaski pour celui qui a l’intention de sacrifier.
Est-il obligatoire pour chaque homme marié dans une famille de s’acquitter de ce sacrifice même s’il habite dans la même maison familiale que ses autres frères ?
Selon la majorité des savants, notamment les écoles malékite, chaféite et hanbalite, un seul sacrifice est suffisant pour un même foyer, même s’il comprend plusieurs membres adultes. Le Prophète (Psl) faisait un seul sacrifice pour lui-même et pour toute sa famille, y compris les femmes, enfants et serviteurs. Anas rapporte : « Le Prophète a sacrifié deux béliers à cornes, de couleur blanche avec un peu de noir. Il les a égorgés de sa propre main et a dit : «Au nom d’Allah, Allah est le plus grand. Ô Allah, ceci est de ma part et de la part de ceux de ma communauté qui n’ont pas sacrifié.» » (Rapporté par Abou Dawoud et Tirmiziy) Si plusieurs frères mariés vivent dans la même maison, la question dépend de l’organisation financière du foyer. Si les frères vivent comme une seule entité familiale, avec des dépenses partagées (nourriture, électricité, revenus communs), un seul sacrifice suffit pour tous.
Par contre si chaque frère marié a son budget indépendant, ses provisions séparées, sa propre autorité de gestion, alors chacun est responsable de son propre sacrifice. Il n’est pas automatiquement obligatoire pour chaque homme marié vivant dans la maison familiale de faire un sacrifice. Cela dépend de l’indépendance financière de son ménage. Toutefois, selon l’école hanafite, l’obligation s’applique individuellement si les conditions sont réunies, même sous le même toit.
Mariama DIéMé