À la suite du fait divers de ces derniers jours sur la supposée présence de viande de chat dans le commerce de rue, un chercheur plaide pour une appropriation populaire des principes du halal alimentaire.
L’affaire a suscité un tollé. Des vendeurs de brochettes ont été surpris en possession de cadavres de chats. L’image continue de choquer dans un pays à majorité musulmane où la consommation de ce type de viande est interdite par l’islam, et cela soulève encore le débat sur la régulation de la vente de produits destinés à la consommation.
Pour Khadyatoulah Fall, professeur émérite de l’Université du Québec à Chicoutimi, joint par « le Soleil », « les pays de culture musulmane, comme le Sénégal, doivent prêter une forte attention à la circulation du faux halal qui peut se manifester sous plusieurs aspects ». M. Fall, qui mène des recherches sur les identités musulmanes en diaspora, ainsi que sur les normativités islamiques du halal en contexte d’immigration musulmane, renseigne que « ce n’est pas parce que l’on vit en darul islam (maison de l’islam), que l’on doit considérer comme acquise la consommation de halal, aussitôt la démarcation faite avec la viande de porc ».
Ce que le professeur appelle « la streetfast food », la nourriture ambulante de rue qui foisonne partout, lui fait dire que ce commerce devrait attirer l’attention des autorités étatiques et religieuses, des associations de consommateurs et des acteurs de la normalisation et certificat halal.
Le professeur Fall indique que ce fait divers l’a autant choqué que lorsqu’il avait appris, il y a quelques années, que des chapelets de prières, avec des perles en os de porcs, étaient fabriqués dans certains pays asiatiques et vendus dans la Oummah.
Lire aussi : [1/2] Après l’arrestation de deux individus détenant des cadavres de chat: Peur sur la restauration de rue
« Halalisation »
L’espace du commerce halal est confronté à plusieurs cupidités. Il y a eu en France et ailleurs des débats houleux sur le faux halal dans les Quick, dans les Mc Donald et d’autres endroits comme les boucheries. Le Sénégal n’échappe pas à cette présence du faux halal ou du halal contaminé, précise-t-il. C’est pourquoi, il estime qu’il faut « sécuriser les exigences de règles islamiques du halal alimentaire, autant pour la consommation locale que pour les produits destinés à l’exportation dans la Oummah islamique. Ce n’est pas seulement pour conquérir des marchés internationaux qu’il faut promouvoir les règles islamiques du halal, la normalisation et la certification. Les exigences de licéité des produits dans leur nature, dans leur qualification, dans leurs transformations, dans la sécurité sanitaire, dans l’éthique du commerce informel rentrent dans les gestes de protection des identités et des convictions religieuses ».
C’est pourquoi, dit-il, vendeurs ambulants, gargotes, petits restaurants, etc., doivent aussi être sensibilisés aux règles du halal. « C’est à ce prix que la population comprendra davantage la portée de la consommation halal », pense-t-il. Il indique qu’il n’est pas contre le phénomène actuel de « halalisation » qui étend le qualificatif de halal à une gamme de plus en plus diversifiée de produits. Cela, alors que le business halal devient une niche économique et financière importante qui peut participer au développement des pays musulmans. Toutefois, il appelle à éviter « de sombrer dans un rigorisme, un radicalisme de la normalisation qui nous plongerait dans une suspicion sur tout et nous mettrait à la merci des nouveaux experts et agences de normalisation qui contrôleraient le marché ». « Il y a bien sûr dans la qualification du halal alimentaire des frontières bien tranchées entre des produits licites et des produits interdits. Mais il y a aussi l’espace de la permissibilité (ce qui peut être permis), ce qui est espace d’accommodement », renchérit-il.
À ses yeux, il faudrait également éviter de tomber dans ce qu’il appelle « le halalisme qui est une recherche effrénée de l’infime trace d’alcool ou de gélatine diluée, même lorsque ces diluants sont transformés. Il faut faire la distinction entre le « halalisme » et la halalisation qui est la demande légitime de produits halal diversifiés pour une « way of life halal élargie » en accord avec les lois islamiques, mais aussi ancrée dans des habitudes alimentaires modernes, surtout chez des jeunes.
O.FEDIOR