Le lien affectif entre le Sénégalais de la diaspora et son pays natal reste l’un des plus puissants moteurs de retour et d’investissement. C’est l’analyse du Pr. Abdoulaye Niang, sociologue et président de l’Université Kocc Barma de Saint-Louis, spécialiste des questions migratoires.
Pr Abdoulaye Niang soutient que « ce qui caractérise le Sénégalais de la diaspora, c’est souvent le lien affectif très fort qu’il entretient avec les siens restés au pays, son marabout, son terroir d’origine et son pays ». Un attachement « constitutif de l’identité du Sénégalais » qui, selon lui, « reste inébranlable, où qu’il se trouve dans le monde ». Ce facteur, loin d’être anodin, représente un véritable atout pour le pays. « Cet amour pour les siens, pour le terroir, peut se transformer en une bombe patriotique pour le développement économique », affirme le professeur. À l’en croire, l’investissement immobilier est devenu le premier choix des Sénégalais de l’extérieur. « Aujourd’hui, l’immobilier s’est imposé comme le principal secteur d’investissement de la diaspora », indique Pr. Niang, qui attribue cette tendance « à l’urbanisation galopante, la rentabilité certaine du secteur et la sécurité qu’il offre ».
Mais tout n’est pas rose : « Beaucoup de membres de la diaspora ont été arnaqués par des parents, amis ou agents immobiliers à qui ils ont versé des millions de francs CFA, sans jamais voir leurs projets se réaliser », regrette-t-il. Cette situation, selon le sociologue, s’explique par « l’ignorance de certaines réalités locales et l’empressement des émigrés à conclure des affaires durant leurs courts séjours ».
Un potentiel encore sous-exploité
Les transferts d’argent de la diaspora représentent environ 1 600 milliards de francs CFA par an, mais « la part la plus importante est destinée aux dépenses de subsistance », rappelle le président de l’Université Kocc Barma. Si ce soutien familial est essentiel, il limite cependant l’impact sur le développement productif. « Si la diaspora veut contribuer de manière plus significative, elle doit opérer une rupture dans l’orientation de ses investissements, en se tournant vers des secteurs comme l’agriculture ou les PMI de transformation », plaide Pr. Niang.
Pour maximiser ce potentiel, le professeur propose une politique claire : « Il faut créer une Maison de la Diaspora fonctionnellement bien structurée, pour prendre en charge l’orientation, la réussite et la sécurisation des investissements ». Il insiste aussi sur la nécessité d’un accompagnement global : « Cet encadrement ne doit pas être seulement économique, mais aussi sociologique et psychologique, vu la nouvelle configuration sociomentale de la diaspora ».
Au-delà de l’économie, la diaspora sénégalaise a toujours été un acteur politique majeur. « Elle a joué un rôle déterminant dans les deux alternances politiques de 2000 et 2024 », rappelle le sociologue. Cet engagement s’exprime aujourd’hui à travers les réseaux sociaux. « L’exemple du leader Ousmane Sonko, avec ses lives qui ont mobilisé des milliers de Sénégalais, est illustratif », note Pr. Niang.
Pour lui, la diaspora est « une force vive, un vecteur de changement culturel et économique », mais qui doit être mieux organisée pour contribuer pleinement à la souveraineté économique, scientifique et politique du Sénégal.
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Arame NDIAYE