Face à la montée inquiétante des eaux du barrage de Manantali, le Ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement alerte sur d’éventuels lâchers d’eau. Une mesure de sécurité nécessaire, mais redoutée par les populations du bassin du fleuve Sénégal, encore marquées par les inondations de l’an dernier.
Quelques mots qui réveillent des maux pas encore totalement guéris. Le communiqué du ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement, publié le samedi 13 septembre dernier, annonçant de possibles lâchers d’eau par la Semaf devant les risques persistants d’atteinte de la cote 208,05 m Ign, correspondant au niveau maximal d’exploitation du barrage de Manantali, a semé l’angoisse chez les populations installées le long du fleuve Sénégal. Et pour cause ! L’année dernière, ces lâchers d’eau, combinés à une forte pluviométrie, leur avaient causé de gros dommages consécutifs à des inondations.
À Bakel, Kidira, Matam, Podor et même Dagana, il y a de quoi avoir peur à la lecture dudit communiqué. Dans ce document, le ministère souligne qu’avec l’installation de l’hivernage, le bassin du fleuve Sénégal a enregistré, durant ces dernières semaines, d’importantes précipitations. Ces pluies, couplées aux apports des affluents, venant surtout du haut bassin en Guinée et au Mali, ont entraîné une montée des eaux dans certaines zones, notamment dans les localités citées plus haut. Cette situation hydrométéorologique a également provoqué une hausse considérable du niveau du Bafing (principal affluent du fleuve Sénégal), favorisant ainsi le remplissage rapide de la retenue du barrage de Manantali, qui avait atteint la cote 207,81 m le matin du 13 septembre 2025. Une tendance appelée à se poursuivre à la hausse. D’où l’alerte du ministère quant aux possibles lâchers d’eau.
Les lâchers d’eau, une règle de sécurité Il a donc invité les riverains et les porteurs d’activités établis aux abords du fleuve Sénégal, parallèlement aux diligences que l’État aura à entreprendre, à observer une vigilance maximale et à prendre toutes les dispositions nécessaires pour se prémunir d’éventuels débordements du cours d’eau dans les prochains jours. Mis en service dans les années 1980, le barrage de Manantali joue un rôle central dans la gestion du fleuve Sénégal. Construit sur le Bafing, en territoire malien, il assure à la fois la régulation des crues, le maintien du débit en saison sèche et, depuis 2001, la production d’électricité. Avec une capacité de stockage de 11 milliards de m³ d’eau, il constitue un atout stratégique pour toute la région. « Avant le barrage, il était possible de traverser le fleuve à pied au mois de mars. Aujourd’hui, l’eau est présente toute l’année, ce qui profite aux populations », rappelait, dans une interview accordée au Soleil l’année dernière, Abdoulaye Dia, alors directeur général de la Semaf, quand les lâchers d’eau avaient contribué aux débordements du fleuve et aux conséquences que l’on sait.
Selon lui, les lâchers obéissent à des normes strictes : « C’est une mesure obligatoire pour éviter que la pression ne mette en péril l’ouvrage ». En effet, sans ces déversements, les conséquences seraient catastrophiques : inondation de la centrale hydroélectrique, submersion des villages environnants, voire effondrement de la structure. «Si le barrage cède, ce sont 11 milliards de m³ d’eau qui déferleraient comme un tsunami, détruisant tout sur leur passage jusqu’à Rosso», confiait M. Dia. Il précisait également que le barrage de Manantali ne contrôle que 40 % du débit du fleuve Sénégal.
Le reste provient d’autres affluents comme le Bakoye, la Falémé ou encore la Baoulé, ainsi que des pluies tombées au Mali, en Mauritanie et au Sénégal. Pour Abdoulaye Dia, l’un des grands défis reste l’occupation croissante des zones inondables. « Depuis la construction du barrage, les populations se sont rapprochées du lit du fleuve, voire y ont bâti leurs maisons. Or, 70 % des habitats identifiés au bord du fleuve sont situés en zone inondable », avait-il souligné, citant une étude de l’Omvs. La solution, selon lui, passe par une meilleure planification : mise en place de plans d’alerte, mais surtout relocalisation des habitants exposés. «Sans déguerpissements, les mêmes drames se reproduiront», avait-il prévenu.
Par Elhadji Ibrahima THIAM