C’est un constat : le Sénégalais aime s’autoflageller. Il est plus prompt à clouer au pilori qu’à mettre sur un piédestal. Plus preste à flétrir le succès d’un compatriote qu’à le savourer. Toujours là à chercher quelque chose à redire, à farfouiller pour dénicher la petite bête qui fait mal.
Certes, la critique, l’auto-critique et la remise en cause qui poussent à s’améliorer sont indiquées, mais y aller au point de sacrifier notre fierté nationale, il y a certaines limites, au nom du patriotisme, qu’il vaut mieux ne pas franchir. Malheureusement, au Sénégal, hier comme aujourd’hui, le négationnisme ambiant est le reflet d’un profond état d’esprit lui-même émanation des antagonismes politiques. On ricane à l’annonce de la mort de quelqu’un supposément appartenant au camp opposé.
On se réjouit quand les inondations frappent des compatriotes d’une localité qui auraient voté en majorité pour tel ou tel parti. On souhaite une défaite des « Lions » pour espérer dire après « xamoon nako », juste parce qu’on ne kiffe pas l’entraîneur. On relaie des informations qui flétrissent le Sénégal ou remettent en cause un pan essentiel de notre pays. Depuis quelques mois, Amadou Hott se bat pour la présidence de la Bad.
Si sa candidature est officiellement portée et soutenue par l’État du Sénégal, certaines voix prennent un malin plaisir à lui rappeler son passé d’ancien ministre sous le défunt régime. Me Augustin Senghor brigue un siège au Conseil de la Fifa, mais doit faire à des contempteurs internes qui, au lieu de pousser cette candidature qui propulserait enfin un dirigeant sénégalais au plus haut sommet du football mondial, y vont de leurs dénigrements via des relais médiatiques. Au début des années 2000, Elhadji Malick Sy «Souris» a été victime de la même entreprise de destruction des «siens» alors que la présidence de la Caf lui tendait presque les bras. Aliou Cissé a été renvoyé de son poste de sélectionneur sans aucune forme d’élégance sur fond de critiques virulentes après un match nul. Bref, on brûle nos héros et nos champions, on ne sait pas apprécier les succès de nos compatriotes et de nos entreprises à l’étranger.
Par exemple, la semaine dernière, la Senelec décroche le marché de la distribution et de la commercialisation de l’électricité au Congo pour une période de dix ans. Plutôt que de se féliciter de ce contrat historique, de ce partenariat sud-sud qui valorise l’expertise sénégalaise, des gens se sont mis, à travers les réseaux sociaux, à ternir l’image de l’entreprise. Ces rabat-joies ignorent peut-être que, depuis 2017, la Société nationale d’électricité a obtenu le certificat qualité Iso 9001 version 2015 sur ses activités de transport, de distribution, de vente d’énergie et de conseil aux clients Grands comptes.
Exactement ce pourquoi le Congo a décidé de se tourner vers la Senelec qui, pour relever ce challenge, a mis à la tête de la filiale congolaise, son ancien directeur de l’informatique. Ironie de l’histoire, dans la même semaine, le ministre des Hydrocarbures du Congo (rappelons-le, un pays pétrolier depuis Mathusalem), à la tête d’une forte délégation, a séjourné pendant trois jours au Sénégal pour, tenez-vous bien, s’inspirer de ce que fait notre pays en matière de modernisation et l’extension des infrastructures de raffinage, de développement du contenu local et de formation des jeunes…
Le ministre congolais, de sa bouche, après avoir visité la Sar, Petrosen et l’Inpg, a qualifié ces structures de « véritables sources de motivation et de fierté africaine ». Toujours durant cette même semaine, la ministre de l’Habitat et du Développement urbain du Cameroun a conduit une mission de benchmark au Sénégal pour s’inspirer de l’expérience sénégalaise en matière de mobilité urbaine, notamment à travers le projet de Bus Rapid Transit (Brt) que le Cameroun compte réaliser à Douala. Parfois, un peu de chauvinisme ne fait pas de mal. Dans un monde de compétition exacerbée, l’auto-émulation est un état d’esprit qu’il faut cultiver. elhadjibrahima.thiam@lesoleil.sn