Dans la nuit du 10 au 11 janvier 2024, aux environs de 21 h, C. T. Sy a trouvé son grand frère M. Sy à l’angle de leur maison familiale. Il lui a planté deux coups de couteau à la poitrine et à l’omoplate. L’aîné est décédé au cours de son évacuation.
Retour sur le lieu du drame. Au quartier Sam Sam 3, sis à Diamaguène dans la banlieue de Dakar, famille éplorée et riverains n’en reviennent toujours pas de l’atrocité des faits. Dans la nuit du 10 au 11 janvier 2024, aux environs de 21 h, C. T. Sy a planté deux coups de couteau à la poitrine et à l’omoplate de son aîné M. Sy. Le cri de détresse de la victime a réveillé leur papa. M. Sy a succombé à ses blessures au cours de son évacuation à l’hôpital de Thiaroye. « Ce sont mes cousins, je peux vous conduire chez eux », soutient un jeune homme que nous avons trouvé assis sur un banc au garage des charretiers de Tally Mame Diarra de Diamaguène. D’un bond, il se lève, fait de grandes enjambées et jette de temps en temps des regards par-dessus son épaule pour s’assurer que nous le suivons. Après le marché « Darkassé », nous débouchons sur une deuxième route pavée. Au bout d’une quinzaine de minutes de marche, le cousin désigne une maison située en face d’une mosquée. « C’est là. Vous pouvez demander B.… , c’est la veuve », balance-t-il avant de disparaître.
Le carrelage de la façade de la demeure augure d’une certaine aisance financière. Elle contraste d’avec les bâtiments inachevés situés alentour. Des sachets d’eau traînent à l’entrée. Un tas de fagots de bois est posé dans un coin. À l’intérieur, au bout d’un couloir, des dames s’affairent autour des marmites. Dans le salon, la veuve est assise sur un matelas étalé à même le sol. Trois autres dames installées sur des fauteuils, chapelets à la main, lui tiennent compagnie. Silence de cimetière. La douleur de la perte d’un être cher se lit sur les visages. Nous demandons à voir le père des deux garçons et le trouvons dans une chambre. Sur un ton courtois mais ferme, le septuagénaire lance : « Ce qui est arrivé relève de la volonté divine. Je ne veux pas m’épancher dans la presse ni voir mes proches le faire sur les réseaux sociaux. Laissez-nous faire notre deuil dans la paix ».
À quelques pâtés de maisons, une odeur de poisson se dégage de la fenêtre d’une cuisine. S. Diop est seule. Elle s’active dans la préparation du déjeuner. Les yeux larmoyants, elle les essuie avec le revers de son foulard avant de témoigner entre deux toux : « Les deux frères m’appelaient ma soeur. M. Sy était un brave homme. C’est un maçon qui n’était pas fortuné, mais il a réussi à construire la maison de ses parents qui est l’une des plus belles du quartier. C’est une famille sans histoire. Elle ne mérite pas le malheur qui s’est abattu sur elle. Que le Tout-Puissant lui donne la force de surmonter cette épreuve. Seul C. T. Sy perturbait cette quiétude. »
Quelques rues plus loin, une femme d’environ 80 ans est assise sur un lit en bambou, occupée à trier de la paperasse, tandis que sa petite fille s’affaire dans la cuisine. Toutes les deux se désolent de ce qui est arrivé à la famille de l’imam Sy. « Ce sont des gens gentils et serviables. Leur maman nous faisait la cuisine et nous mangions tous autour du même bol quand nous habitions la même maison, il y a quelques années. Il y avait une bonne ambiance familiale. Quand nous avions des maux de tête, nous allions voir l’imam Sy pour des prières. Mais vous savez, avec le temps, quand les enfants grandissent, ils prennent de mauvais chemins. Je ne peux pas en dire plus pour éviter de verser dans la calomnie en ces circonstances de deuil, mais c’est vraiment triste et nous partageons leur douleur. Nous avons passé la journée d’hier à la maison mortuaire, au troisième jour de décès. Dieu est le Maître de nos destins. Il décide de notre mort avant notre naissance. Qu’Il nous donne une mort paisible », prie K. Guèye devant sa grand-mère qui opine de la tête. La mamie ajoute que le défunt avait l’habitude d’entrer dans les maisons et de saluer les voisins, comme le faisait son papa quand il était plus jeune. « La dernière fois qu’il est passé, il était tout de blanc vêtu, comme un ange. Cette image ne me quitte pas », confie la grand-mère.
Au garage de Sam Sam 3, M. Sall, chauffeur, tire un bout de papier du rebord d’une fenêtre pour inscrire le numéro d’immatriculation de son véhicule. Sall connaît bien C. T. Sy qui est de la même génération que lui. C’était un charretier qui transportait des passagers. D’autres jeunes du quartier ne transportent que du matériel de quincaillerie. Une nuit, il y a 2 ans, le défunt et un autre frère Sy ont sollicité ses services pour conduire C. T. Sy à l’hôpital psychiatrique de Thiaroye. Lorsqu’ils étaient dans la voiture C. T. Sy lui a dit sur un ton menaçant : « Tu participes à mon isolement ». Depuis lors, il ne lui a plus jamais adressé la parole. Quand ils se croisaient dans les rues, cérémonies ou matchs de football, le charretier détournait le regard pour éviter qu’il l’attaque.
Ce que disait C. T. Sy avant de passer à l’acte
Il est ressorti des éléments de l’enquête que C. T. Sy disait souvent aux membres de sa famille : « Fi, dinafi ray nitt (je tuerai quelqu’un ici) ». Il a fini par passer à l’acte. Lorsqu’il disait cela, ses proches mettaient sans doute ses propos sous le compte de délires d’un adepte du chanvre indien. Quelqu’un qui avait perdu son esprit de discernement. Malheureusement, il a fini par passer ses menaces à exécution en tuant son grand frère M. Sy. Un crime odieux. Pourtant, l’auteur du crime n’est pas à ses premiers déboires avec la justice. Courant 2021, C. T. Sy, charretier domicilié à Diamaguène Sam Sam 3, a fait l’objet d’une plainte pour menaces à ascendant de la part de sa maman. Il a été arrêté, jugé et condamné à six mois ferme. Au moment de son arrestation, les policiers l’ont trouvé en possession de chanvre indien. À sa sortie de prison, son grand frère M. Sy, qui ne voulait plus qu’il touche à la drogue, le surveillait comme du lait sur le feu. C. T. Sy était persuadé que M. Sy avait convaincu leur maman de le mettre derrière les barreaux. Toutes ces frustrations contenues ont mis en rogne C. T. Sy qui a décidé d’y mettre un terme.
L’hôpital de Thiaroye où la victime a été admise a informé les éléments du commissariat de Diamaguène Sicap Mbao. Après les constatations d’usage, le commissaire Camara a dépêché des éléments sur les lieux du crime avant de faire lui-même le déplacement le lendemain matin à 11 h.
Le présumé meurtrier a marché de Diamaguène à Lac Rose pour dribbler la police
C. T. Sy a marché de Sam Sam 3 au Lac Rose pour se réfugier chez un ancien voisin M. D. Après le crime commis, il savait que les policiers étaient à ses trousses. Pourtant, pendant plus de 5 ans, C. T. Sy n’avait pas rendu visite à son ancien voisin. C’est pourquoi ce dernier s’est étonné de sa présence chez lui. Ainsi, il a demandé à un ami commun ce qui se passait. Dès que M. D a appris que C. T. Sy a ôté la vie à son grand frère, il a alerté le chef de quartier de Sam Sam 3. Celui-ci, à son tour, a avisé la police. Laquelle a procédé à l’interpellation du mis en cause, avec la contribution de la brigade de gendarmerie de Keur Marème Mbaye. C. T. Sy, âgé de 31 ans, a reconnu les faits immédiatement. Il en voulait à son frère depuis son incarcération.
Le défunt, qui était âgé de 36 ans, a laissé une épouse et 3 enfants. C. T. Sy a été déféré au parquet le lundi 13 janvier 2025 pour meurtre commis avec une arme blanche. Il a soutenu devant les limiers que son intention n’était pas de tuer son frère, mais juste de lui faire mal.
Par Hadja Diaw GAYE