Selon le Docteur Abdou Karim Diaw, coordonnateur du Programme de développement de la microfinance islamique (Promise), en 2023, le Sénégal pourrait collecter approximativement 321 milliards de FCfa au titre de la Zakat. C’est pourquoi le Centre islamique de formation et de documentation (Cifod) plaide pour l’institutionnalisation de la collecte de cette aumône légale afin de lutter contre la pauvreté et certaines inégalités sociales. La structure a organisé ce dimanche, au CICES, une conférence sur ce thème, à l’occasion de la fin de la formation de la 28ème session.
« La Zakat (l’aumône légale), un levier pour le renforcement des liens sociaux ». C’était le thème de la conférence animée par le coordonnateur du programme Promise, Docteur Abdou Karim Diaw.
Concernant le choix du thème, Djibril Seck, responsable pédagogique du Cifod, explique que « la Zakat n’est pas suffisamment exploitée au Sénégal, contrairement à des pays comme l’Arabie Saoudite, la Malaisie, ou l’Indonésie, qui l’ont institutionnalisée. Ce sont des milliards qui permettent de financer de nombreux projets dans les domaines de la santé et de l’éducation ».
Ce point est confirmé par le conférencier, qui souligne : « Si la Zakat était collectée normalement et distribuée, la pauvreté disparaîtrait dans les pays membres de l’Organisation de la conférence islamique ».
Concernant le cas du Sénégal, Docteur Abdou Karim Diaw révèle que, selon une estimation minimaliste, « en 2023, 321 milliards de FCfa pouvaient être collectés avec l’impôt musulman ». Avec l’impôt du corps, appelé « mouroum kor », 10,9 milliards de FCfa pouvaient être récoltés. « C’est un potentiel énorme que nous négligeons. Soit on ne collecte pas, soit on ne collecte pas correctement. Or, avec la Zakat, on peut éradiquer la pauvreté en deux ans », déclare-t-il.
Mais malheureusement, se désole Imam Seydina Touré, membre du comité pédagogique du Cifod, « il n’y a aucune institution qui s’en occupe, et les quelques rares organisations qui se proposent de collecter ces zakats n’ont souvent ni l’assise ni la notoriété nécessaires pour aider à percevoir et redistribuer ces fonds ».
C’est pourquoi le Dr Diaw prône la mutualisation de la collecte. Cela passerait par la mise en place d’un cadre réglementaire et institutionnel, mais aussi par la mutualisation de la charité à travers cette collecte. « Une bonne organisation aurait un impact socio-économique visible et mesurable sur les bénéficiaires. Ce serait très efficace contre la mendicité, qui génère environ 5 milliards de FCfa par an à Dakar », dit-il. L’opérationnalité de la politique de distribution est également capitale, selon le coordonnateur du programme Promise, qui précise : « Celle-ci vise autant que possible l’autonomisation économique des bénéficiaires, plutôt que la simple satisfaction d’un besoin immédiat ».
Dans la même veine, Imam Touré estime qu’une bonne organisation de la collecte permettrait même à l’État de faire face à ses difficultés économiques : « Aujourd’hui, on cherche à lever des fonds au plan international, alors que cet argent est déjà dans le pays. Avec de l’organisation, on peut le collecter et en faire un instrument de développement économique et social », affirme-t-il.
Le religieux a également salué la dynamique impulsée par le khalife général des mourides depuis 2021, concernant la collecte de la Zakat. Selon lui, le Cifod s’inscrira dans cette logique pour aider les musulmans à accomplir convenablement ce troisième pilier de l’islam et contribuer au développement du pays.
Fatou Sy