La mort est un destin immuable. C’est le cours normal de la vie. L’homme nait, vit et meurt. Mais certains départs laissent à jamais des marques et la perte d’un être peut s’avérer être un long processus vers la reconstruction.
« J’ai perdu mon père le 14 novembre 2014 au lendemain de la fête de Tamkharite», se rappelle Penda Ka. La voix enrouée, le regard vide, elle a du mal à évoquer la perte de son pater. Le choc a été brutal pour la jeune femme âgée à l’époque de 18 ans. « Il était parti se promener et a été heurté par un bus », a fait savoir l’étudiante en transit. Le chef de famille mourut sur le coup et c’est le lendemain que ses proches vont apprendre la nouvelle de sa disparition. Le cœur lourd, Penda a vu son monde s’écrouler. « J’ai pleuré toute la journée. Il était un être formidable », se remémore-t-elle, les yeux embués de larmes.
Le destin n’a pas fini d’éprouver la jeune de 25 ans. Trois ans après la mort de son père, sa mère tire sa révérence des suites d’une maladie. « C’était très difficile à surmonter, car elle était tout pour moi », confie-t-elle peinée. Penda Ka avoue avoir souffert d’un manque énorme. Elle affirme que ce n’est pas facile de « vivre avec ce vide au quotidien ». Cependant, sa foi l’a aidé à se reconstruire. « C’est dur de vivre avec ce vide, mais on reste avant tout des croyants », relativise-t-elle. Une manière de continuer à avancer malgré la douleur.
Amadou Konté a aussi dû faire face à deux épreuves : le baccalauréat et la perte d’un être cher. « J’ai appris le rappel à Dieu de mon père deux jours avant l’examen », se rappelle-t-il. Le jeune longiligne a l’habitude de passer chaque matin saluer son paternel avant de prendre le chemin de l’école. Mais ce jour-là, il n’a pas pu voir ce dernier. « Il avait déjà rendu l’âme », dit-il, l’air évasif. Pétrifié, Amadou a eu du mal à reprendre contact avec la réalité. « Les souvenirs m’envahissaient et ses conseils tournaient en boucle dans ma tête », se remémore-t-il. En dépit de sa peine, l’acceptation l’a beaucoup aidé à se reconstruire. Il a appris à vivre avec tout en ayant les conseils de son pater en bandoulière.
Des plaies béantes
Bijou Diop n’a toujours pas réussi à faire son deuil suite au décès de sa mère contrairement à Amadou. « C’était atroce et jusqu’à présent, je n’arrive pas à faire mon deuil. Il m’arrive de pleurer toute une journée », a révélé la trentenaire. L’annonce du décès de sa mère a été une grosse perte.« J’avais le cœur lourd et mes pieds ne répondaient plus. Je commençais même à perdre la raison », avoue-t-elle entre deux sanglots. Cet évènement a changé la vie de Bijou. « J’étais du genre à croquer la vie en pleine dent, mais plus maintenant. Il m’arrive de ne plus avoir goût à la vie, car rien n’est plus comme avant dans ma vie », confie-t-elle, peinée.
« Un seul être vous manque et tout est dépeuplé ». Une citation d’Alphonse Lamartine qui illustre bien le ressenti de Serigne Seck à la mort de son pater. « Je n’avais que 18 ans quand il est parti. Cela m’a surpris, car mon père était pour moi un roc. C’était mon ami et je le respectais à tel point que je n’osais le regarder les yeux dans les yeux », avoue-t-il en revenant sur cette période douloureuse de sa vie. Une douleur qui l’a accompagné jusqu’à l’enterrement. « Je ne voulais quitter le cimetière, car pour moi cela reviendrait à accepter cette terrible réalité. C’était très dur pour moi », confie-t-il. Mais comme un malheur n’arrive jamais seul, le tailleur a encore été éprouvé par le destin. « Après la mort de mon père, je suis allé vivre chez ma tante afin de continuer mes études. Mais quelques années plus tard, cette dernière aussi quittait ce bas-monde », explique-t-il. Dix ans après, il a toujours du mal à se reconstruire. « Je n’aime pas parler du décès de mon père, car cela éveille de douloureux souvenirs », a avoué Serigne Seck.
Les sept étapes du deuil
Le deuil est vécu de diverses manières. Chaque personne a sa façon de vivre cet évènement et d’avancer vers l’étape de la reconstruction. C’est ce qu’affirme Samba Babou. Le spécialiste explique que l’endeuillé passe par plusieurs émotions lors du deuil. « Il y a le choc suite à l’annonce, la douleur, le déni, la tristesse, l’acceptation de la perte de l’être, l’éveil et la reconstruction », a fait savoir le psychologue. Le choc est, d’après lui, une étape brève et cela dépend de chaque personne et de ses croyances. « La perte d’un être cher peut choquer sur le moment, provoquer une vive douleur et l’endeuillé peut même nier ce destin immuable », soutient-il.
Samba Babou estime que la foi peut ramener la personne à accepter cette perte malgré la douleur. Cela peut aussi être un éveil et une prise de conscience du caractère éphémère de la vie. « La personne en deuil reprend ses esprits petit à petit et se tourne vers sa foi. Après toutes ces étapes, il commence sa reconstruction », fait savoir le psychologue. Une reconstruction « propre » à chaque individu.
Arame NDIAYE