Le meurtre du porte-parole du Dahira Sope Serigne Babacar Sy Abdou, au quartier Darou Missette, sis à la Cité Comico, à Yeumbeul, nous rappelle la fragilité de l’être humain. Mais aussi que notre rapport avec la mort ne tient qu’à un fil. Pourtant, la veille de son décès, il a animé deux conférences religieuses sans se douter qu’il aurait rendez-vous avec la grande faucheuse. Son meurtrier présumé, Z. Touré, était le fils de sa logeuse.
Le mis en cause reprochait à sa victime des arriérés de loyers. Une colère aveugle mal contrôlée peut conduire à des regrets amers. La victime a laissé derrière elle trois enfants, une veuve et une mère consternés. Sa mort interroge sur le rôle et les missions de la famille et des dahiras, réputés espaces d’entraide et de solidarité. Nos familles jouent-elles leur rôle de protection des faibles ? Il a préféré « régler les comptes » de la victime par la violence pour rentrer dans ses fonds, donc exiger le paiement de son loyer. Il l’a acculé jusqu’à ce que l’irréparable se produise. Bâtir un patrimoine immobilier relève certes d’un chemin de croix, mais la vie humaine reste sacrée. Au lieu d’engager la méthode forte, une alternative judiciaire s’offrait au bailleur, à défaut de savoir faire preuve de maitrise de soi, pierre angulaire de l’autodiscipline qui n’est rien d’autre que la capacité de se contrôler pour arriver à des résultats positifs. Malheureusement, beaucoup de gens ont du mal à cultiver cette faculté qui permet de dompter nos émotions et nos impulsions.
Saisir le tribunal, seul habilité à décider de l’expulsion ou non d’un locataire indélicat, lui aurait évité de se faire justice. L’argument de la force n’a jamais été la meilleure approche pour régler un différend entre particuliers ; surtout dans un pays où les institutions fonctionnent merveilleusement. Des premiers éléments de l’enquête, il ressort que le mis en cause est un ex-émigré, récemment expulsé de la France. Il vivait avec sa mère en Europe, mais pour des faits d’agression, il y a été écroué et une fois élargi, il a été renvoyé vers son pays d’origine. Cet épisode de sa vie en France relance le débat sur le suivi psychologique des ex-détenus ; un aspect crucial pour la réinsertion. D’autant plus que la sortie de prison est souvent marquée par des sentiments intenses comme la honte, la culpabilité et l’anxiété, ainsi que des difficultés d’adaptation à la liberté.
Dans un entretien accordé au « Soleil », le sociologue Djiby Diakhaté estime que pour remédier à cette forme de violence, il faudrait que les familles fonctionnent comme de « véritables noyaux sociaux » de base à l’intérieur desquels on inculque à l’individu des valeurs telles que l’autodiscipline dès le bas âge. Pour cela, il faudra, selon lui, mettre l’accent sur l’unité familiale et la redevabilité de l’enfant par rapport à ses parents. On attendait de cette famille logeuse une fonction de médiation entre les deux garçons qui consisterait à leur faire comprendre qu’ils sont tous les deux ses enfants. Jadis considéré comme un regroupement de disciples d’une même confrérie où l’entraide et la solidarité étaient de mise, le dahira aurait failli à sa vocation en perdant un des leurs qui s’est retrouvé dans une situation économique peu reluisante. Par pudeur et par élégance, il a opté pour la résignation face aux vicissitudes de la vie que de s’endetter. Alors que le rôle de ce regroupement est essentiellement dans l’entraide et la solidarité.
Le dahira offre un soutien social, économique et religieux aux membres. Il facilite les rencontres et l’intégration, organise des collectes de fonds pour les besoins individuels et collectifs, et joue un rôle important dans le financement de projets d’infrastructures et d’événements religieux. Au-delà de la diffusion des valeurs et de la doctrine de la confrérie, ces associations religieuses offrent une aide concrète aux membres dans le besoin ; que ce soit pour des dépenses courantes, ou pour les aider à surmonter des problèmes personnels, soutenir les familles lors de baptêmes, de mariages et de funérailles. Le dahira doit retrouver son lustre d’antan et sa principale vocation afin qu’il puisse pleinement remplir ses missions de socialisation, d’entraide et de solidarité.
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