On dit souvent que la parole est sacrée. Par elle, chacun s’exprime dans un style qui lui est propre, pour exprimer ses pensées. Certains la jouent calme, posé, d’autres préfèrent crier, user de l’insolence, de l’arrogance, tandis que la grande majorité préfère le mutisme par peur de déraper, déranger, blesser. Parce que parler n’est pas un exercice aisé. On ne parle pas n’importe comment à n’importe qui. Ce n’est pas pour rien que l’on dit qu’avant de parler, il faut remuer sept fois sa langue dans sa bouche. Pour la simple raison que ce tout petit organe qu’est la langue peut souvent paraître comme une arme de destruction massive, commettre les plus grands crimes.
Comme un couteau tranchant, elle coupe, blesse et laisse parfois des traces indélébiles, alors qu’elle doit servir à communiquer, aider, consoler et parfois même sauver des vies. Au Moyen Âge, l’art de la parole était une discipline enseignée dans les universités pour permettre aux étudiants de comprendre et de se faire comprendre, d’argumenter. Dans la Grèce antique, la rhétorique, considérée comme l’art de la parole, était aussi utilisée pour persuader son auditoire. D’ailleurs, Socrate comparait la rhétorique à une cuisine, « une technique pour bien parler et convaincre son public ». Tout le contraire du sophisme que le sage philosophe considérait comme une cosmétique, « un art de maquiller le faux par une apparence de vérité ». Dans la Sourate Ibrahim, il est dit : « N’as-tu pas vu comment Allah propose en parabole une bonne parole pareille à un bel arbre dont la racine est ferme et la ramure s’élançant dans le ciel ? Il donne à tout instant ses fruits, par la grâce de son Seigneur.
Allah propose des paraboles à l’intention des gens afin qu’ils s’exhortent. Et une mauvaise parole est pareil à un mauvais arbre, déraciné de la surface de la terre et qui n’a point de stabilité. Allah affermit les croyants par une parole ferme, dans la vie présente et dans l’au-delà. Tandis qu’Il égare les injustes. Et Allah fait ce qu’Il veut. » (Versets 24-25-26-27). D’où l’importance de faire attention à ce que l’on dit. Malheureusement, aujourd’hui, nous disons tout ce qui nous passe par la tête. Débiter des injures et autres gros mots, des remarques blessantes ou pernicieuses et autres propos obscènes font partie de notre sport préféré. Nous ne nous gênons jamais pour rabrouer, rabaisser par des remarques désobligeantes, humiliantes, offensantes. Le constat est que les réseaux sociaux qui ont pris une place incontournable dans le quotidien des citoyens ont démocratisé le droit à la parole. De plus en plus de personnes disposent, par ce biais, de nouvelles possibilités de participer au débat public.
Que l’on soit jeune ou vieux, les réseaux sociaux, utilisés à outrance, font partie des routines. Beaucoup de gens s’en servent mal, par ignorance ou par manque d’éducation, transformant cet espace en un défouloir. Ils se servent de cet outil de communication pour nuire, injurier, diffamer, menacer, escroquer. Si les réseaux sociaux sont devenus des espaces de liberté, tout ne peut y être dit. « Les paroles des méchants font du mal, le silence des bons tue », disait si bien Martin Luther King. De symbole et valeur d’honnêteté, la parole est aujourd’hui dépréciée par tant de propos sans valeur aucune qui sortent de nos puantes bouches. Les discours haineux, xénophobes, racistes, islamophobes et ethnicistes empoisonnent notre existence. Si les mots ont le pouvoir de blesser, ils ont aussi un pouvoir de guérison. Bien pesés, ils apaisent le cœur endolori et rétablissent des relations brisées.
C’est pourquoi maîtriser notre parole est important. Parler, ce n’est rien d’autre que d’émettre des idées positives, des paroles bienveillantes, des mots justes et généreux, des paroles agréables, d’une douceur pour l’âme et salutaires pour le corps. Car une parole calme dite par une langue apaisante peut toujours redonner le moral à celui qui l’entend. Malheureusement, nous vivons à une époque où chacun a la prétention de pouvoir donner des leçons, de juger les autres. Mais la seule véritable chose qui s’impose à nous, c’est de tenir notre langue en bride si nous n’avons que des insanités à débiter. samba.oumar.fall@lesoleil.sn

