Dakar attire, chaque année, des milliers d’étudiants venus d’ailleurs. Mais derrière cette attractivité, se cache une autre réalité : celle d’un quotidien coûteux, souvent vécu dans la précarité. Entre loyers exorbitants et solitude, les étudiants étrangers de Dakar tiennent néanmoins le coup.
Les chiffres du ministère de l’Éducation nationale faisaient état, en 2020, de 5 807 étudiants internationaux dans l’Enseignement supérieur public au Sénégal et de 13.033 dans le privé. Parmi eux, Aminata et Thierno Diallo, tous deux Guinéens et membres de l’amicale des élèves, étudiants et stagiaires guinéens au Sénégal (Aeesgs). Si le pays accueille, chaque année, autant d’étudiants étrangers, c’est avant tout grâce à la réputation de ses établissements d’enseignement supérieur comme l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad). « C’est une grande université. La meilleure université francophone d’Afrique de l’ouest », estime M. Diallo, étudiant en Sciences économiques. Aminata qui a quitté la Guinée il y a quatre ans, après l’obtention de son baccalauréat, explique avoir fait ce choix en concertation avec sa famille. « J’ai opté pour Dakar parce que le système éducatif guinéen n’est pas aussi performant que celui du Sénégal », précise-t-elle. Une décision prise avec ses parents qui sonnait comme une promesse d’avenir.
Très vite, Aminata découvre une autre facette de la capitale sénégalaise : le coût de la vie. « On n’avait vraiment pas réalisé à quel point ça allait être cher, surtout dans mon cas. Il y a un écart important entre le franc guinéen et le franc Cfa. En Guinée, ma famille peut m’envoyer une grosse somme, mais une fois convertie ici, ça change complètement. C’est difficile de gérer un budget si serré », se plaint-elle.
Cherté de la vie
À son arrivée dans la capitale sénégalaise, elle est hébergée à Rufisque chez des proches. Mais pour poursuivre ses études en master, elle doit s’installer seule à Dakar. Aujourd’hui, elle est en colocation dans un logement de quatre chambres pour six personnes. Le loyer s’élève à 55.000 francs Cfa par mois. Une charge parmi d’autres. « Tout est cher. Pour gérer mon budget, je suis obligée de prioriser certains cours, d’en manquer d’autres à cause du transport que je trouve un peu cher ici », dit-elle. Le coût de la vie est un casse-tête pour notre interlocutrice. « Ça me donne des insomnies. Les factures tombent de partout. J’ai vraiment l’impression que sans un mental fort, je ne peux pas m’en sortir. Je regarde les offres d’emploi, mais pour l’instant, je ne trouve rien », soutient Aminata.
Tidiane Diallo, son camarde étudiant, vit les mêmes réalités. Chargé des relations sociales au sein de l’amicale des étudiants guinéens au Sénégal, il est au contact de beaucoup d’étudiants qui sont dans la même situation. « Même pour les Sénégalais, c’est difficile de trouver du travail pour supporter le coût de la vie. Et les cours sont intenses. Tu ne peux pas avoir assez de temps pour aller faire d’autres occupations et avoir un peu d’argent », soutient-il. Certains donnent des cours à domicile les week-end pour subvenir à leurs besoins.
Le quotidien des étudiants étrangers repose entièrement sur les épaules de leurs familles restées au pays. « Tu dois, à chaque fois, travailler dur pour avoir de bonnes notes. Faire tout pour satisfaire les parents qui font des sacrifices pour toi. J’en parlais à une amie en lui disant que je n’ai pas droit à l’erreur parce qu’on paye cher pour moi. C’est un véritable investissement », renchérit M. Diallo. Il se souvient de ses débuts dans la capitale sénégalaise. « À mon arrivée, je ne connaissais personne. Tu ne sais pas comment les choses fonctionnent ici. L’intégration, c’était vraiment difficile », dit-il. Pour Aminata, la solitude s’est installée rapidement. « Je suis seule dans ma chambre », indique-t-elle. Originaire d’une famille nombreuse, elle évoque une rupture douloureuse, atténuée souvent par les appels téléphoniques. À cette solitude, s’ajoute la barrière de la langue. « J’ai des camarades de classe et des connaissances sénégalaises, mais pas vraiment d’amis. Je n’ai pas eu réellement cet entourage pour m’intégrer et comprendre le wolof. La barrière de la langue freine », a-t-elle affirmé.
Les amicales, le point d’ancrage
Dans ce contexte, la vie associative joue un rôle essentiel. Aminata a trouvé dans l’amicale des élèves, étudiants et stagiaires guinéens au Sénégal, un véritable point d’ancrage. « J’y vais au moins une fois par mois. C’est une source de motivation comme si j’étais encore dans mon quartier », reconnait-elle.
Au sein de l’amicale, les échanges dépassent largement la convivialité. On partage conseils, expériences, astuces pour mieux affronter les réalités de la vie à l’étranger. « Même si nous n’avons pas beaucoup de moyens, nous organisons des cotisations mensuelles pour aider les personnes qui sont vraiment en difficulté », informe-t-elle.
Si étudier à Dakar est le gage d’une bonne éducation, l’expérience s’accompagne aussi de nombreux effets collatéraux. Aminata, bien qu’impatiente de terminer son cursus, appelle les universités à prendre en compte la détresse psychologique de ses étudiants étrangers. « Les écoles et les universités doivent penser à mettre en place des cellules pour lutter contre la dépression en milieu scolaire », a fait savoir l’étudiante. « Nous voulons un appui de nos ambassades pour trouver des logements comme ceux qui sont sur le campus », a dit Aminata.
Djenny Malaika CIFENDE (Stagiaire)