D’aucuns pointent du doigt le rôle jugé relativement «marginal » de la femme dans le pastoralisme. Dans le passé, la femme Peule ne pouvait pas vendre son bétail à l’insu de son mari, sans son consentement. Aujourd’hui, les mentalités ont changé.
Chez les Peuls, l’opulence et le prestige se mesurent à l’importance du troupeau. Chaque famille possède des têtes de bétail en grand ou en petit nombre. « Un Peul sans vaches, c’est comme un roi sans couronne », est une rengaine bien connue. Chez cette communauté, la vache est considérée comme sacrée, si bien qu’il est très rare de les voir en tuer pour consommer sa viande. Il est aussi de notoriété que le Peul n’aime pas que l’on épilogue sur le nombre de têtes qu’il a.
Ça porte malheur, nous dit-on. Dans le Ferlo, la place de la femme était « marginale ». Elle se limitait uniquement à certaines tâches comme la traite, la commercialisation du lait, la corvée d’eau, etc. Par le passé, soutient l’ancien maire de Ranérou, Mansour Diop, la femme éleveuse ne pouvait pas vendre son cheptel sans le consentement de son conjoint. À l’époque, la femme mariée rejoignait le domicile conjugal avec son cheptel. Et une fois que son bétail intégrait le troupeau de son mari, elle n’avait plus « aucun droit » sur lui, explique Awa Alassane Sow, présidente du Directoire régional des femmes en élevage (Dirfel) de Louga. À l’en croire, « son troupeau appartient désormais à son mari ; la femme ne peut pas vendre une bête sans l’autorisation de ce dernier ».
Faty A. Bâ, présidente de l’association « Bamtaaré » de Ranérou, renchérit en soutenant que le consentement du mari ou de son père est « nécessaire ». Sinon, « elle court de gros risques », avertit-elle. Dahirou Pène et Aïssatou Babou partagent cette conviction, amèrement. Pour eux, la femme s’expose si elle enfreint cette règle de conduite, estiment-ils. « Certains hommes vendent même le bétail de leurs conjointes pour épouser une autre femme avec l’argent issu de cette transaction », ironise Awa Alassane Sow. De l’avis de Dahirou Pène, même quand elle est malade et qu’elle veut vendre son bétail pour se soigner, elle négocie avec son conjoint. Relais communautaire, il a assisté à de nombreuses rencontres où cette question est agitée entre éleveurs. Dahirou Pène et Saara Bâ, notable à Ranérou, estiment que cette vieille pratique ne repose sur aucun fondement, du moins religieux. « Elle relève uniquement de la tradition, de la culture de la communauté peule », jugent-ils. « Dans un couple, chacun a droit sur ses biens. Seulement, quand une femme souhaite vendre son bétail, elle peut informer son mari pour préserver l’harmonie familiale. C’est une marque d’honneur. Mais cela ne doit pas être une exigence », ajoute Saara Bâ. Il soutient qu’un mari n’a pas le droit d’interdire à sa femme de vendre ses bêtes. S’il s’y oppose, d’après M. Bâ, elle peut saisir l’autorité compétente. Toutefois, rassure Awa A. Sow, « les mentalités ont changé grâce à la sensibilisation ». Dahirou Pène plaide pour l’accentuation des séances d’information et de sensibilisation pour l’émancipation de la femme dans cette partie du pays. Aujourd’hui, avance la présidente du Directoire régional des femmes en élevage (Dirfel) de Louga, grâce à la modernité et à l’émancipation de la femme, certaines épouses foulent aux pieds cette règle de bienséance. Parfois à leurs risques et périls !
Par Samba Oumar FALL, Souleymane Diam SY (textes) et Mbacké BA (photo)