Il vit certes avec un handicap, mais jamais sans ambition. Parti de presque rien, Abdou Sambou, président du Comité d’organisation de la coopérative régionale « Agriculture, Élevage et Pêche », est devenu un acteur incontournable du commerce de moutons à Ziguinchor. À l’approche de chaque fête de Tabaski, il expose fièrement ses bêtes, fruits d’un parcours aussi rude qu’inspirant. C’est l’histoire d’un homme qui refuse de tendre la main, toujours prêt à se retrousser les manches.
ZIGUINCHOR – Sur le bas-côté poussiéreux de la route menant au Centre hospitalier régional de Ziguinchor, un alignement de béliers d’allure royale capte les regards. Tilabir, Azawat, Ladoum métissé, race tchadienne, casamançaise… Ici, le choix est large. Les bêtes sont robustes et l’accueil digne des plus grands foirails. Derrière ce petit empire saisonnier, un homme : Abdou Sambou.
Il n’élève pas seulement des moutons. Il incarne aussi l’espoir, la dignité et la persévérance. Né en 1978 à Grand-Dakar, dans la commune de Ziguinchor, Abdou n’a pas eu droit au luxe d’un départ facile. Sans emploi stable, il ne comptait que sur un unique espoir : les 25.000 FCfa reçus grâce au programme des Bourses de sécurité familiale. Beaucoup s’en seraient moqués.
Lui en fait une arme. Il garde 15.000 FCfa pour subvenir à ses besoins et investit 10.000 FCfa dans des poussins. Quelques mois plus tard, la revente des volailles lui rapporte 60.000 FCfa. Nous sommes en 2017. Il achète alors deux moutons.
Un an plus tard, il revend ses bêtes à 550.000 FCfa. Le ton est donné : un parcours hors des sentiers battus commence, sur le fil de la résilience. Aujourd’hui, Abdou possède son propre enclos. Pour cette Tabaski, célébrée aujourd’hui et demain au Sénégal, il a déjà vendu une trentaine de béliers, à des prix allant de 150.000 à 1 million de FCfa.
Un homme debout, envers et contre tout
À 45 ans, ce natif de Ziguinchor ne se contente pas de vendre des moutons. Il projette une image forte de ce que la volonté peut accomplir. « Être handicapé, c’est dans la tête. Je vis avec un handicap, je l’accepte : c’est le destin. Mais je n’accepte pas de rester les bras croisés. Il faut travailler dur et dans la dignité pour obtenir ce qu’on veut », confie-t-il d’un ton calme et ferme. Abdou Sambou ne cherche ni pitié ni privilège. Il veut qu’on le juge à la force de son travail.
« Je n’ai jamais tendu la main. Je travaille, je réfléchis, j’avance. Il y a un adage : « Aide-toi et le ciel t’aidera ». Je me battrai toujours pour montrer aux jeunes que rien n’est impossible à Dieu. On peut démarrer petit, mais viser grand. Je veux être un exemple pour toutes celles et ceux qui vivent avec un handicap », poursuit-il. « On ne voulait pas me donner une épouse… » Abdou Sambou est aussi entraîneur titulaire de l’équipe handisport de Ziguinchor.
Marié à une femme également en situation de handicap, née à Pikine, il forme avec elle un couple résilient et solidaire. Ensemble, ils élèvent leurs deux enfants avec dignité. « Ma femme, c’est ma secrétaire, mon pilier, mon moteur. Elle me soutient à 100 %. Je suis fier d’elle. Nous nous battons pour offrir une meilleure éducation à nos enfants », dit-il avec pudeur. Les critiques, il en a connues.
Abdou a fait le dos rond et a poursuivi son chemin. « On ne voulait pas me donner une épouse à cause de mon handicap. Aujourd’hui, je suis fier de ce que nous construisons ensemble avec ma femme », insiste-t-il. Un visionnaire qui pense à demain Abdou ne vit pas au jour le jour. Dès la vente des moutons terminée, il pense déjà à l’année suivante. « On commence avec peu, mais avec de grandes idées. J’ai démarré avec 10.000 FCfa.
Aujourd’hui, je vis dignement. Je veux montrer que ce que Dieu te donne comme départ ne détermine pas ton arrivée », philosophe-t-il. Abdou Sambou, c’est la preuve que les grandes victoires peuvent naître d’un simple billet bien placé. Ce personnage plein d’énergie possède une parcelle à usage d’habitation à Petit Camp, près de Kantène, dans la commune de Niaguis. Son rêve ?
« Construire une belle maison pour ma famille et un enclos moderne pour continuer l’élevage », tout simplement. Il espère atteindre cet objectif le plus vite possible, pour garantir un avenir radieux à ses enfants. Abdou Sambou, c’est le symbole de ceux qui avancent avec la force de l’espoir.
Gaustin Diatta (correspondant)