La location a pris une nouvelle tournure ces dernières années. En effet, s’inspirant du modèle des habitations d’hôte, certains bailleurs préfèrent louer des locaux déjà équipés, moyennant une somme comprise entre 10 000 et 25 000 FCFA. Les locataires recherchent souvent un espace discret pour passer du temps avec leurs partenaires ou simplement pour se détendre pendant des vacances. En cette fin d’année, la demande connaît une forte croissance.
Des maisons fermées, des habitations quasi inexistantes : tel est le décor de cette cité située dans la commune de Yoff. L’environnement y est bien différent des quartiers populaires de Dakar. « Le calme est une aubaine » pour tous ces couples et particuliers soucieux de trouver un espace où se reposer un instant. Les appartements et chambres meublées sont devenus des lieux recherchés par les citadins.
Moussa Fall, gérant d’un immeuble R+3, exerce dans ce secteur depuis près de trois ans. Teint clair et silhouette imposante, il explique que la discrétion est l’une des raisons de la fréquentation de ces lieux : « Nous recevons toute sorte de clients. Ce sont généralement des adultes en couple, vu l’âge, mais il y a aussi de très jeunes personnes. Ce que nous n’acceptons pas, ce sont les mineurs, car il faut présenter une pièce d’identité. Nous disposons d’appartements et de chambres. Les tarifs varient selon la durée. Pour une chambre, il faut débourser 12 000 ou 15 000 FCFA pour une journée, et pour les appartements, c’est entre 20 000 et 30 000 FCFA. » Ces espaces sont devenus une alternative aux hôtels, souvent trop chers. Pour beaucoup, ils offrent la possibilité de passer un bon moment avec son ou sa partenaire dans la plus grande discrétion. Ces bâtiments sont généralement situés dans des cités très calmes.
Sur place, nous avons échangé longuement avec un client, qui a accepté de témoigner sous couvert d’anonymat. Venu avec sa compagne, il explique qu’ils ne peuvent pas se rendre chez lui en raison de la présence d’autres personnes. « Nous voulons de la tranquillité. C’est pour cela que je me retrouve avec ma copine dans cet endroit qui reste très discret. En plus, le prix de location n’est pas aussi élevé qu’en hôtel. La seule différence, c’est qu’il faut commander à manger dans des restaurants à proximité », a-t-il confié.
Des plateformes pour trouver un lieu
« Louez une chambre meublée à Dakar sur notre site. Choisissez celle qui vous correspond. Publiez votre annonce », peut-on lire sur la page d’accueil d’une plateforme de location et de vente d’appartements. Ce type de site est désormais monnaie courante. Le processus est simple : il suffit de rechercher « chambre meublée à Dakar » sur un moteur de recherche pour découvrir une multitude de sites. Sur ces plateformes ou sur des réseaux sociaux comme Facebook, Instagram ou Tiktok, on trouve des annonces détaillées (numéro WhatsApp, localisation, prix selon les types de chambres). Nous avons contacté un promoteur, qui, au départ, était réticent avant de se laisser convaincre de répondre à nos questions : « Les plateformes sont plus pratiques. Certains ne font pas confiance aux courtiers. Pour ne pas divulguer leur identité, les clients potentiels nous contactent via ces réseaux. Nous sommes également présents sur Facebook et Instagram », a-t-il expliqué. Toutefois, il précise que le bouche-à-oreille reste également une alternative. « Je reçois souvent des appels de personnes qui me disent : « C’est untel qui m’a mis en contact avec vous ». »
Une pratique rentable
Le business est florissant. Il profite aux bailleurs et fait le bonheur des usagers, dont certains jeunes en quête de sensations fortes. Cette situation a été expliquée par l’agent immobilier Abderrahmane Sall : « Les bailleurs gagnent plus avec les appartements meublés qu’avec la location pour usage d’habitation. Par exemple, une chambre meublée avec salle de bain coûte 10 000 FCFA pour la journée, un appartement meublé est loué à 25 000 FCFA, et un studio à 15 000 FCFA. Si vous faites le cumul, vous verrez que les appartements meublés génèrent plus de revenus que la location mensuelle. » Selon lui, on en trouve désormais partout à Dakar, notamment à Ouest Foire, Diamalaye, Nord Foire, Parcelles Assainies, Zone de Captage, Dieuppeul et Cité Alioune Sow. Il estime que cette situation est préoccupante et nécessite des solutions urgentes. « Je gère une agence immobilière, mais je suis aussi dans la location. Donc, c’est une situation qui nous concerne tous », déplore-t-il.
Une activité légale, mais…
Sous certaines conditions, la prestation de services est considérée comme légale, explique un juriste spécialisé en immobilier, qui s’est confié à nos confrères du quotidien Le Soleil. Sous couvert d’anonymat, il précise : « La liberté d’entrepreneuriat est garantie au Sénégal. Sur la base de la bonne foi, un propriétaire d’immeuble peut louer son bien pour une durée déterminée. Cette pratique n’a rien d’illégal. » Cependant, il peut y avoir violation de la loi si « l’acquéreur utilise les locaux à des fins contraires aux bonnes mœurs. Dans ce cas, on parle d’illégalité et des sanctions pénales peuvent être appliquées. » La responsabilité du propriétaire peut être engagée si un lien de connivence est établi entre lui et les usagers. Si ce dernier sait que ses clients sollicitent son bien à des fins indécentes, il sera considéré comme complice. « Lorsqu’il cède ses locaux à des mineurs, il peut être poursuivi par la loi », ajoute-t-il.
Ainsi, le marché des chambres et appartements meublés se développe discrètement mais rapidement, profitant à de nombreux bailleurs tout en soulevant des questions sur la légalité de certaines pratiques.
Cheikh Tidiane NDIAYE