La loi de 2024 a permis de donner de nouvelles armes à l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac) dans la lutte contre la corruption. Cependant, son application reste suspendue à la signature d’un décret d’application. Un atelier organisé, hier à Dakar, par Article 19 a permis de mieux comprendre ces changements majeurs et leurs enjeux pour la gouvernance au Sénégal.
Le renforcement des pouvoirs de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac) est intervenu en février 2024 à travers la loi nouvelle n°2024-06 du 9 février 2024. Cependant, l’adoption de cette loi a suscité des amalgames et des incompréhensions quant aux véritables pouvoirs de l’institution pour lutter efficacement contre la corruption au Sénégal. Pour clarifier ces ambiguïtés et permettre une meilleure compréhension des nouvelles compétences renforcées de l’Ofnac, Article 19 a organisé, hier, un atelier de partage et de vulgarisation portant sur les nouveaux textes de l’institution ainsi que sur les enjeux de la lutte anticorruption.
À cette occasion, Saliou Diop, expert formateur en bonne gouvernance et lutte contre la corruption a expliqué comment l’Ofnac a été renforcé. Selon lui, cette réforme de l’Ofnac revêt beaucoup d’intérêt avec comme innovations majeures, entre autres, le renforcement des pouvoirs d’investigation de l’Office par la possibilité de prendre des mesures de garde à vue, de faire des enquêtes pour les enquêteurs assermentés de l’Ofnac et les officiers de police judicaire sur saisine du président de l’Ofnac. «Les compétences de l’Ofnac sont étendues à toutes les infractions prévues par la Convention des Nations Unies contre la corruption, notamment à l’enrichissement illicite, qui relevait de plusieurs autorités d’enquête, avec son lot d’inefficacité et de conflits de compétence», a déclaré l’expert.
Avant d’ajouter : «entre autres innovations, nous pouvons retenir l’allongement et l’uniformisation des délais de prescription de l’action publique en matière de lutte contre la corruption et les délits assimilés, qui passent de 3 à 7ans à compter de la date des faits ou de l’acquisition du bien visé dans la poursuite, comme en matière de détournement de deniers publics». Plaidoyer pour la signature du décret d’application À son avis, cette rigueur dans l’allongement des délais de prescription s’explique par les difficultés et la complexité de la détection et de la répression des délits liés aux deniers publics. À ses yeux, avec le renforcement des pouvoirs de l’Ofnac, un grand bond en avant a été posé en matière de lutte contre la corruption. «Ce nouveau dispositif anti-corruption incarné par l’Ofnac, améliorera, à coup sûr, l’efficacité de l’Office dans la lutte contre la prévarication des deniers publics. L’Ofnac n’est pas un organe judiciaire. Il y a une extension de ses compétences pour mieux lutter contre la fraude et la corruption. Le défi de cette loi de 2024, c’est le décret d’application qui jusqu’à présent n’est pas encore signé. C’est ce décret d’application qui doit éclairer certaines zones d’ombres», a-t-il expliqué.
Dans son intervention, Afred Nkuru Bulakali, directeur régional de Article 19 Sénégal et Afrique de l’Ouest, a insisté sur le décret d’application qui, a-t-il dit, «peut aider à la mise en œuvre de cette loi». «Les autorités ont une ambition plus grande en ce qui concerne la lutte contre la corruption et une réforme profonde de l’organe en charge. Si les mesures légales qui sont prévues dans ce secteur sont prises et complétées d’ici la fin de l’année, ce sera un pas de plus qui fera aussi bouger notre notation dans le sens positif», a-t-il soutenu.
Aliou DIOUF