À 24 heures de la célébration du 18 Safar, Touba vibre au rythme des panégyriques de Cheikh Ahmadou Bamba, fondateur de la confrérie mouride. Des milliers de fidèles, venus des quatre coins du monde, convergent vers la cité religieuse. Les rues et les ruelles commencent à se remplir de monde.
Il faut parfois se jouer les coudes pour frayer son chemin. Accéder à la grande mosquée pour se recueillir n’est pas chose aisée. Il faut parfois plusieurs minutes, parfois des heures. Mais les fidèles, très dévoués, endurent l’épreuve, sous la pluie. Pauvres comme riches, enfants comme adultes, vieux comme jeunes, les pèlerins viennent renouveler leur adoration à Dieu et leur attachement à Serigne Touba. L’engouement et la dévotion de ces fidèles sont perceptibles. Leur ferveur est palpable.
Des zikrs sont entonnés en chœur par des disciples mourides. Vêtu d’un boubou traditionnel appelé « Baye Lahad », Modou Dione, 79 ans, sort du mausolée de Cheikh Ahmadou Bamba. Ses chaussures à la main, il affiche une mine de satisfaction. « Je viens d’accomplir mon ziara. J’ai fait le tour de tous les mausolées des Khalifes qui se trouvent dans la grande mosquée. En bon talibé mouride, j’en suis vraiment fier », confie-t-il, ajoutant que cela fait plus de 50 ans qu’il ne rate pas le Magal. « Il en sera ainsi chaque année tant que je serai en bonne santé », souligne-t-il. Physique athlétique, vêtu d’une «djellaba » à rayures, ses chaussures rangées dans un sac en papier, Ahmet patiente dans les rangs. « Je prendrai le temps qu’il faudra. Je ne sens aucune fatigue. Je vais suivre le rang pour pouvoir entrer dans la grande mosquée », déclare-t-il.
La Dahira Moukhadimatoul Khidma veille au respect des règles édictées Non loin de là, Bousso Ndiaye et ses deux filles, Ndèye et Astou, venues de Thiadiaye, profitent pleinement de leur séjour à Touba. Elles ont déjà fait le tour des mausolées. Elles ont formulé des prières. « J’ai prié pour mes deux filles afin qu’elles réussissent dans leurs études. Nous sommes venus très tôt pour nos ziaras, car plus les heures avancent, plus la foule devient compacte autour de la mosquée. Nous sommes très heureuses d’avoir visité tous les mausolées », explique la mère de famille.
En effet, si certains privilégient les ziaras, d’autres optent pour la lecture des « Xassidas ». C’est le cas de Moustapha Diagne, un Thiessois rencontré sur l’esplanade de la grande mosquée. Assis sur une natte, nous l’avons trouvé en train de lire « Sindidi », l’une des œuvres du fondateur du mouridisme. « Nous sommes venus répondre à l’appel de Serigne Touba. C’est une obligation tant que nous en avons les moyens et la force de le faire. Le Magal de Touba est un jour de gloire. Il s’agit de faire le bien et d’éviter le mal», affirme-t-il.
En effet, pour visiter la grande mosquée de Touba, le pèlerin doit respecter un ensemble de règles de bienséance et de pudeur, en raison du caractère sacré du lieu. La Dahira Moukhadimatoul Khidma, en collaboration avec les forces de l’ordre, veille au respect des normes avant, pendant et après le Grand Magal de Touba. Dans ce cadre, un contrôle approfondi est effectué afin d’éviter toute dérive. Les sacs sont fouillés de fond en comble. « Les tenues indécentes, le commerce à l’intérieur et autour de la mosquée, la mendicité ainsi que les transactions financières avec intérêt sont interdits », assure Mactar Kane, premier adjoint du secrétaire général chargé du suivi et de l’évaluation. Il précise que plus de 100 personnes, hommes et femmes, sont déployées dans les coins stratégiques de la grande mosquée pour assurer le respect strict des mesures.
Selon lui, tout est désormais contrôlé, y compris les photos et les vidéos postées sur les réseaux sociaux par les pèlerins. « Nous avons une équipe de 100 personnes qui surveillent exclusivement ce que les pèlerins publient sur TikTok, Instagram et Facebook. Si des images ne respectent pas les règles, nous contactons automatiquement l’auteur pour lui demander de les supprimer », souligne-t-il. Les journalistes couvrant le Grand Magal sont également concernés par les mesures mises en place. Avant d’effectuer un travail dans la mosquée ou ses alentours, ils doivent disposer d’une carte d’accès, servant d’autorisation.
Aliou Diouf