«Teenu Ndiago», cet endroit situé dans le quartier Mbacké Khéwar, dans la commune de Mbacké, représente un emblème du dialogue entre l’Islam et le Christianisme dans une ville historiquement associée au Mouridisme.
MBACKé – Mbacké Khéwar, un quartier de la ville de Mbacké, est le lieu de résidence de la famille de Serigne Mame Mor Diarra Mbacké, père de Cheikh Ahmadou Bamba, fondateur de la confrérie mouride. Dans cette localité se trouve un endroit appelé «Teenu Ndiago», qui se traduit en français par le point d’eau des chrétiens. C’est là où se concentre la majorité des habitants catholiques de la ville de Mbacké.
Il est 14h. La chaleur intense qui affecte Mbacké limite les mouvements des populations. Peu de personnes se promènent dans les rues. On n’entend que les bruits provenant des ateliers de menuiserie et d’autres endroits proches. Devant un des ateliers de menuiserie, il y a un monument aux couleurs jaune et noir avec un drapeau accroché au sommet. Ce dernier est associé à l’origine du nom (Teenu Ndiago) qui désigne maintenant cet endroit. D’après Ndèye Guèye, une résidente née dans ce secteur, cette source d’eau servait de principale ressource pour de nombreux habitants de Mbacké. D’après ses dires, ce puits, maintenant devenu un monument grâce à l’Asc de ce quartier, servait de point de repère pour les personnes qui allaient dans un bar voisin, il y a de cela plusieurs années.
Aujourd’hui, bien que la population de cette localité soit principalement musulmane, des catholiques résident près de ce puits devenu un monument, ce qui lui vaut le nom de «Teenu Ndiago». Selon Ndèye Guèye, cela représente un symbole du dialogue interreligieux à Mbacké. «Nous vivons en totale harmonie, car nous sommes unis comme une famille. La cohabitation entre musulmans et chrétiens est bien réelle dans notre quartier», a-t-elle affirmé, en précisant qu’elle a même des homonymes parmi les chrétiens. Dans ce cadre, elle nous rappelle qu’elle entretient d’excellents liens avec la mère de Pierre Ambroise Mendy, un jeune qui se tient auprès de nous. Ce garçon est le petit-fils d’Ambroise Mendy, le fidèle catholique qui gérait le bar près du puits, aujourd’hui un mémorial. Il se félicite de l’unité entre les musulmans et les chrétiens dans cette zone. À son avis, les chrétiens de Mbacké entretenaient un lien spécial avec Serigne Fallou Mbacké, le deuxième khalife général des mourides d’où le nom de «Ndiago Serigne Fallou», une expression utilisée par les chrétiens en référence à Serigne Fallou. Cela montre, d’après lui, la bonne entente entre les chrétiens et les mourides (une communauté musulmane) de cette zone. «Nous sommes conviés aux «thiant» (veillée de chants religieux chez les mourides). De la même manière, nous invitons les musulmans à nos mariages ou à nos célébrations de communion», affirme-t-il.
Devant l’église, derrière la maison du curé, se trouve une mosquée. Pour lui, c’est un symbole qui favorise les échanges entre les religions à Mbacké. «Parfois il y a les chants religieux dans la journée et la nuit. Même si on dort mal, on est obligé d’accepter parce que ce sont des gens qui sont en train de vivre leur religion», dit-il, ajoutant que les chrétiens aussi, durant leurs sessions de prière, il arrive qu’ils chantent, frappent le tambour et qu’il y ait des personnes à proximité, mais on fait tout de même un effort pour accepter. «C’est vraiment la tolérance que nous vivons», renchérit-il.
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À Mbacké, musulmans et chrétiens célèbrent ensemble la tabaski et la korité. Ils se réunissent aussi autour de la même table lors des fêtes de Noël ou de Pâques. En ce sens, abbé Philippe Mbengue se souvient de son entretien avec le khalife général des mourides. Il était en compagnie de Monseigneur André Guèye, l’actuel archevêque de Dakar, ainsi qu’une équipe de la paroisse de Thiès. Il a toujours en tête les recommandations de Serigne Mountakha Mbacké à son égard : «écoute, nous nous occupons de la religion. Donc occupons-nous de ce dont nous occupons». Des paroles qui guident toujours ses actions, car il pense que les prêtres, les évêques ne doivent pas intervenir dans la politique. À l’en croire, cela pourrait provoquer des tensions entre les chrétiens ou même entre les musulmans. C’est pourquoi, selon lui, en général, les religieux choisissent de rester à l’écart, tout en restant des citoyens.
Birane DIOP (Correspondant)