Installé le 3 mai 2025 comme Archevêque métropolitain de Dakar, à la suite de Monseigneur Benjamin Ndiaye, qui a atteint l’âge de la retraite, Monseigneur André Guèye est une figure respectée de l’Église catholique sénégalaise. Il incarne une foi enracinée, une intelligence spirituelle rare et un sens pastoral forgé par l’écoute. Philosophe, enseignant, pasteur, il arrive à la tête de l’archidiocèse dans une période où les défis sont immenses, mais pas impossibles à relever. Portrait d’un homme d’église au parcours élogieux.
Le destin d’André Guèye ne s’est pas écrit dans la précipitation. Il a avancé, pas à pas, porté par la fidélité, la dévotion et l’amour de Dieu et de ses semblables. Né le 6 janvier 1967 à Pallo-Younga, un village de la région de Thiès, il grandit dans une famille modeste et profondément croyante. Il y apprend très tôt que la foi est moins une affaire de parole que de posture : servir sans bruit, espérer sans cesse. Son parcours académique est remarquable : séminaires de Sébikotane et de Brin, puis formation poussée en philosophie à l’Université pontificale grégorienne de Rome, où il obtient un doctorat. Une marche lente et sûre vers les hauteurs de l’Église Loin d’en faire une parure, il fait de cette richesse intellectuelle un levier pour mieux comprendre les complexités du monde et transmettre la foi avec finesse. Il enseigne d’ailleurs pendant plusieurs années la philosophie au Grand Séminaire Libermann de Sébikotane, façonnant les esprits et les cœurs des futurs prêtres du Sénégal.
Ordonné prêtre en 1992, il devient évêque de Thiès en 2011, à seulement 44 ans. Sa nomination comme Archevêque de Dakar en février 2025 et son installation en mai 2025 viennent couronner un parcours jalonné de constance, d’engagement et de discrétion. Ce qui frappe chez Monseigneur Guèye, ce n’est pas d’abord son érudition. C’est sa manière d’être avec les gens. Il écoute. Vraiment. Il ne s’impose jamais. Il entre dans les communautés comme on entre dans une maison : doucement, sans fracas. Ce style pastoral a marqué les fidèles de Thiès, où il a privilégié les visites de proximité, les célébrations sobres, les retraites spirituelles, les accompagnements discrets. À Saint-Louis, où il a été administrateur apostolique pendant un an après le départ de Mgr Mamba, il a su maintenir l’équilibre et apaiser les tensions, dans une région pourtant marquée par la sécularisation rapide et le vieillissement du clergé.
Ce passage, bien que transitoire, a confirmé sa capacité à gouverner dans la tempérance. A Dakar, mosaïque sociale et religieuse, Monseigneur Guèye arrive avec cette même humilité, déterminé à relever les défis et à hisser au plus haut sommet le flambeau de l’Eglise catholique. L’archevêque de Dakar n’est pas un prélat coupé du monde. Au contraire. Il est conscient des fractures sociales, des mutations culturelles, des crispations identitaires. Il sait que la foi ne peut plus se contenter de rites. Elle doit parler aux cœurs, toucher les intelligences, dialoguer avec les autres traditions. Sur les questions sensibles, il adopte une ligne claire mais ouverte. Face aux tensions inter-religieuses, il plaide pour un dialogue de vérité et de respect. Et lorsqu’il évoque la situation du pays après les troubles post-électoraux, il insiste sur la nécessité de reconstruire la confiance et d’ancrer la paix dans la justice.
Un pasteur face aux défis du temps présent Mais, il ne se contente pas d’analyses. Il agit. Il encourage la formation, l’entrepreneuriat solidaire, l’engagement des laïcs. Il veut une Église debout, qui parle au monde non par nostalgie du passé, mais par amour du présent. Il ne suffit pas d’être évêque pour être pasteur. André Guèye le sait. Être pasteur, c’est entrer dans les blessures des hommes, porter avec eux leurs failles, leurs espoirs, leurs joies. Sa devise, « Tout est possible à Dieu », n’est pas une formule facile. C’est une manière de croire que dans les nuits du monde, il y a toujours une étoile possible. Il célèbre, enseigne, marche, prie. Souvent à l’aube, dans le silence. Il aime les retraites, les lectures lentes, les psaumes chantés dans le vent. Il croit que la spiritualité n’est pas un refuge mais un moteur. Son autorité, il la tire de sa cohérence, de sa paix intérieure, de sa fidélité aux petites choses. Il n’a pas besoin de tonner pour convaincre. Il rayonne par la douceur. Et ce rayonnement est contagieux. Un successeur dans la lignée des grands La charge qu’il assume désormais est immense.
Il succède à Mgr Benjamin Ndiaye, homme de culture et de parole, qui lui-même marchait sur les pas du cardinal Sarr et du cardinal Thiandoum. Ce sont là des figures majeures de l’Église africaine. Mais Mgr Guèye ne cherche pas à les imiter. Il veut suivre le Christ à sa manière. Et sa manière à lui, c’est la patience, l’unité, la profondeur. À la cathédrale de Dakar, ce 3 mai 2025, il ne s’est pas installé. Il s’est donné. Il a confié son ministère à Dieu et au peuple. Il a rappelé que la croix qu’il porte n’est pas un honneur mais un service. Dakar entre dans une nouvelle page de son histoire ecclésiale. Dans un pays où les tensions peuvent monter de temps à autre, où la jeunesse cherche des repères, où les traditions se bousculent, l’Église catholique a besoin d’un visage qui rassure et d’une voix qui rassemble. Avec André Guèye, elle reçoit plus qu’un chef. Elle accueille un frère. Un homme de foi, de culture, de paix. Un pasteur enraciné et un veilleur debout. Un homme rare, à hauteur d’homme.
Daouda DIOUF