Kossi Mbiteyenne, communément appelé Kossi Baye, est un modeste village du Saloum situé à plus ou moins de 15 km de Kaolack. C’est là que Cheikh Al Islam El Hadji Ibrahima Niass vit les premiers éclats de la Fayda Tidjaniya.
L’histoire de Kossi Mbiteyenne, plus connu sous le nom de Kossi Baye et situé à une quinzaine de km de Kaolack, est intimement liée à l’histoire de la Fayda Tidjaniya et de son fondateur, Cheikh Al Islam El Hadji Ibrahima Niass. Considéré comme le point d’éclosion du rayonnement spirituel de Baye Niass, Kossi a vu grandir le fondateur de la Fayda. Celui-ci, né en 1900 à Taïba Niassène, a grandi dans ce village où ont séjourné sa mère, Sokhna Astou Diankha, et son père, Mame Abdoulaye Niass.
À l’époque, Baye Niass, tout jeune enfant, n’avait que 11 ans. Mais, très tôt, il était remarqué, dit-on, par son comportement et certains gestes qui laissaient entrevoir une destinée exceptionnelle. Cependant, c’est bien plus tard, après la mort de Mame Abdoulaye Niass, en 1922, que le miracle de la Fayda est apparu.
Ceci fait de Kossi, après Taïba Niassène et Médina Baye, le troisième lieu symbolique des disciples de Baye Niass qui, en tout temps, particulièrement lors du Gamou, voit défiler des milliers de disciples de Cheikh Al Islam.
En ce lundi 25 août 2025, il est un peu plus de 10h à Kossi. La saison des pluies, singulièrement avancée dans cette partie du Saloum, offre un paysage verdoyant avec les pieds de mil et de maïs dépassant déjà le mètre.
Le sol fertile, propice à la culture, contraste avec la terre humide et argileuse du centre de la commune de Kaolack, inadaptée à l’agriculture. On comprend alors aisément pourquoi Mame Abdoulaye Niass, père de Baye Niass, a choisi cette bourgade pour ses activités agricoles durant l’hivernage.
Selon l’Imam ratib de Kossi, Mouhamadoul Habib Bitèye, c’est effectivement pour des raisons agricoles lors de saisons de pluies que le père de Baye Niass y a pris ses quartiers à partir de 1911.
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Il était une fois Kossi
Dans le village, ses empreintes demeurent aujourd’hui, trônant comme le symbole de l’héritage spirituel qu’il a légué à cette localité modeste où vit une population paisible. Dans le regard des habitants, à la fois curieux et accueillants, se lit une fierté profonde : celle d’habiter un lieu où affluent, à chaque moment, des visiteurs venus découvrir la maison où vécut Baye Niass, la chambre de ses parents ainsi que les objets mystiques qu’il a laissés.
Pour l’imam Habib Bitèye, Mame Abdoulaye Niass, suite à ses nombreux exils en Gambie, et son retour de Fès, avait décidé de s’établir dans le Saloum avec l’autorisation du gouverneur du Sénégal de l’époque qui lui a octroyé une parcelle de terre qui est devenue, aujourd’hui, le quartier Léona à Kaolack.
«Une fois installé à Léona, le père de Baye Niass a voulu trouver des terres pour pratiquer l’agriculture. C’est ainsi qu’il se souvint de Mad Bigué Bitèye, un de ses disciples venus avec lui du Djolof et qui avaient fondé le village de Kossi. Ainsi, vint-il le rejoindre et ce dernier lui attribua des terres pour ses cultures», raconte l’imam.
Il souligne que les racines de la famille Niass remontent au Djolof, dans le centre du Sénégal. Mouhamed Niass, père de Mame Abdoulaye, et ses descendants quittèrent leur terre natale pour s’établir dans le Saloum.
«Certains expliquent cette migration par les guerres saintes de Maba Diakhou Bâ, d’autres avancent qu’ils fuyaient l’injustice et l’oppression de rois mécréants», raconte-t-il.
Une partie de la famille s’établit ainsi à Taïba Niassène, tandis que d’autres fondèrent le village de Mbiteyenne Walo. Mame Abdoulaye Niass y vécut alors jusqu’à son retour à Dieu en 1922. Mais, durant le temps qu’il s’implanta à Kossi, Baye, qui vivait avec lui, fut un petit garçon plein de sagesse et de mystère.
«Dès sa petite enfance, il émerveillait les gens par son attitude et les actes qu’il accomplissait. Son père, pour autant, savait que son fils allait devenir une grande personnalité. Baye Niass, en vérité, est un don de Dieu que son père, Abdoulaye Niass, avait demandé à Son Seigneur lors de son voyage à Fès», dit-il.
Naissance de la Fayda
Le miracle de la Fayda jailli enfin en 1929. «Il faut rappeler qu’à la suite du décès de son père, Baye Niass vivait sous la responsabilité de son grand frère Khalifa Niass. Ce dernier veillait sur lui et, en retour, Baye lui vouait du respect», précise Cheikou Bitèye, notable du village.
Selon lui, le premier grand miracle que Baye Niass a accompli fut l’exégèse de tout le Saint Coran sans pour autant se référer à des ouvrages de traduction.
«Mais, lors d’un Gamou à Léona, à la fin de la cérémonie, Baye s’est dressé tout haut sur l’estrade et a fait son fameux appel : «Je suis celui que vous attendiez, le fondateur de la Fayda. Retrouvez-moi à Kossi si vous voulez connaitre votre Seigneur. C’est ainsi qu’est né la Fayda», raconte-t-il.
Selon Cheikhou Bitèye, en vérité, la Fayda a été une promesse de Cheikhna Ahmed Tidiane Chérif. Il avait prédit la venue de la Fayda qui serait incarnée par un jeune de 30 ans. «Cheikh Ahmed Tidiane avait dit que lorsque la Fayda apparaîtra, vous verriez des gens entrer par milliers dans la tariqa», ajoute-t-il.
Et au fil des ans, Kossi devint le lieu de convergence de milliers d’individus venant de partout à travers le monde pour s’abreuver à la source première de la Fayda. «Déjà lorsque la Fayda est apparue, plusieurs érudits et des «Muqadams» de son père ont répondu à l’appel de Baye. On peut citer Cheikh Ibrahima Fall, Serigne Aliou Cissé, Cheikh Omar Touré, Mame El Hadj Abdou Niasse, Baye Mbaye Niasse», note Baba Bitèye, président de l’association Ansaarud Dîn de Kossi. Selon lui, c’est à la suite des contestations qui ont fait que la Fayda prenait davantage d’ampleur que Baye fonda Médina Baye.
Relation fusionnelle
Cependant, pour l’imam Habib Bitèye, la Fayda a apporté énormément de bienfaits dans la tariqa, car il a contribué à l’expansion de l’Islam dans le monde. «Il faut regarder, aujourd’hui, le nombre de disciples que compte Mawlana Cheikh Al Islam dans le monde. Je dois dire que la Fayda est un outil mis à la disposition de Baye pour propager l’Islam et la Tariqa Tidjaniya dans le monde», renchérit-il.
La grande importance de Kossi dans l’avènement de Baye Niass fait que ses disciples et sa famille entretiennent aussi une relation quasi fusionnelle avec le lieu. De tout temps, les membres de la famille et les disciples y effectuent un pèlerinage.
«Baye lui-même y venait souvent dans les derniers moments de sa vie. À sa suite, sa famille et ses disciples y viennent comme pour maintenir le flambeau de la Fayda», se félicite Habib Bitèye.
Par Souleymane WANE