Les femmes apportent une réelle valeur ajoutée dans la diplomatie. C’est la conviction de l’ambassadrice de la Turquie au Sénégal, Nur Sugman. Elle revient, dans cette interview, sur l’importance de la mise en place du groupe d’ambassadrices et de cheffes de mission dans notre pays mais aussi du programme « Ailes pour elles ». Elle exhorte les jeunes filles à s’entraider.
Les femmes diplomates, présentes au Sénégal, se sont regroupées autour d’une entité. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Des ambassadrices qui étaient accréditées à Dakar, par exemple, ont mis en place, il y a quelques années, un groupe qui rassemble aujourd’hui plus de trente collègues femmes dont des cheffes d’agence. Notre groupe que j’ai l’immense honneur de présider depuis le mois de juin, après le départ de l’Ambassadrice du Royaume-Uni Juliette John, agit aussi dans le social. Chaque année, nous menons des actions solidaires, le 18 juillet, Journée internationale Nelson Mandela. Cette année, par exemple, nous avons visité la Maison Rose pour partager un moment avec de jeunes filles en difficulté. L’année précédente, nous avions soutenu des personnes atteintes d’albinisme. Nous menons aussi des actions pendant les 16 jours d’activisme visant à sensibiliser sur la violence basée sur le genre. Le groupe dispose d’un bureau composé de six membres, dont moi-même, SE Mme Hélène De Bock du Royaume de Belgique, SE Mme Bongiwe Qwabe de l’Afrique du Sud, SE Mme Maydolis Sosa Hilton de Cuba, SE Mme Saima Sayed du Pakistan, Mme Tracey Hebert Seck de l’Unfpa et Mme Keiko Miwa de la Banque Mondiale. Nous nous réunissons chaque mois pour définir notre agenda et proposer de nouvelles initiatives au groupe. Nous essayons vraiment de nous entraider et de partager les informations utiles. C’est aussi le message que nous voulons transmettre aux jeunes filles sénégalaises : entraidez-vous, communiquez, et croyez en la force du collectif féminin.
Que répondez- vous à ceux qui disent que les femmes diplomates sont en train de faire bouger les choses dans la perspective d’un approfondissement de la coopération bilatérale ?
Je réponds qu’ils ont totalement raison (rires). Cela ne veut pas dire que nos collègues hommes ne sont pas efficaces, mais je crois qu’une femme a peut-être davantage de sensibilité pour réussir, surtout dans des domaines comme la médiation. Je trouve que, dans plusieurs domaines, les femmes apportent une réelle valeur ajoutée. Avec le groupe des ambassadrices et cheffes d’agence, nous essayons de nous voir régulièrement. Chacune a son agenda bilatéral, mais nous avons aussi un agenda commun, axé surtout sur le social. Nous menons ensemble un programme intitulé « Ailes pour elles ». Il est porté par notre groupe d’ambassadrices et de cheffes d’agence. L’initiative revient à nos anciennes collègues, l’ambassadrice du Royaume-Uni, SE Mme Juliette John, ainsi qu’à Mme Sylvia Danailov, représentante de l’Unicef. Ces deux formidables femmes ont lancé le programme Ailes pour elles au Sénégal. C’est un programme de mentorat destiné aux jeunes filles sénégalaises. La première édition a eu lieu en 2023, l’année de mon arrivée au Sénégal. J’ai eu la chance d’y participer. Chaque mois de janvier, nous lançons un appel à candidatures : les jeunes filles intéressées doivent envoyer leur CV, une courte vidéo présentant leurs motivations, ainsi que deux lettres de recommandation. Après le départ de SE Mme Juliette John et de Mme Sylvia Danailov, la Représentante résidente de l’Unfpa, Mme Tracy Hébert Seck, et moi-même avons repris l’organisation. Cette année, c’est notre collègue du Royaume de Belgique, SE Mme Hélène De bock, qui a coordonné le programme avec Mme Keiko Miwa, directrice pays à la Banque mondiale. La quatrième édition sera présidée par SE Mme Christine Fages, Ambassadrice de France et Mme Aïssata Kane, Représentante pays de l’Oim.
Pouvez-vous nous parler un peu plus de la particularité du programme « Ailes pour Elles » ?
C’est un programme qui débute chaque année le 8 mars, à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes. Il prend fin le 10 octobre, c’est-à-dire lors de la Journée internationale de la jeune fille. Cette année, la cérémonie de clôture a été présidée par la Première dame, SE Mme Marie Khone Faye. Elle nous a fait l’honneur de venir. Sa présence a été une grande surprise pour les trente jeunes filles mentorées. Le moment a été particulièrement fort et inspirant pour elles. Le programme repose sur un budget commun financé par les ambassadrices participantes. Même celles qui ne sont pas mentores contribuent par des cotisations. Nous organisons plusieurs activités : séminaires, rencontres intergénérationnelles et échanges d’expériences. Parmi les activités phares, on compte une journée de séminaire. Ce format permet des échanges enrichissants entre générations : les jeunes apprennent de nous, et nous apprenons aussi beaucoup d’elles. Enfin, une remise de certificats vient clôturer le cycle, qui dure six mois. L’objectif de tout cela, c’est de promouvoir la sororité et le réseautage féminin. Les hommes disposent souvent naturellement de leurs réseaux, mais les femmes doivent encore les construire.
Nous encourageons donc les jeunes filles à s’entraider, à se soutenir et à dépasser, je dois l’avouer, la jalousie.
Propos recueillis par Matel BOCOUM

