Les opérations de déguerpissement suscitent une vive frustration chez les mécaniciens de la banlieue dakaroise, notamment à Guédiawaye. Ces artisans, qui ont souvent viabilisé eux-mêmes des sites auparavant insalubres, dénoncent une approche rigide et un manque flagrant d’anticipation. Ils interpellent les autorités sur l’enjeu social, arguant que l’expulsion sans solution de recasement prépare un terreau fertile au chômage et pourrait pousser des centaines de jeunes à la délinquance ou à l’émigration clandestine.
Les opérations de désencombrement de la voie publique menées dans la capitale ont engendré une forte frustration parmi les mécaniciens de la banlieue dakaroise, notamment dans la commune de Wakhinane Nimzatt (département de Guédiawaye). Ces artisans de l’automobile appellent les autorités à faire preuve de plus de flexibilité dans la conduite de ces actions. Interrogé devant un véhicule en réparation, le mécanicien Pape Diop estime que l’approche des autorités est à revoir. Selon lui, cette méthode pourrait pousser les jeunes à tenter l’émigration clandestine. Il rappelle que le site occupé par les mécaniciens était initialement « quasi infréquentable » et que c’est l’installation progressive des ateliers qui a permis à l’entourage de se développer. Le président de l’association locale des artisans de l’automobile dénonce le fait que les mécaniciens vivent désormais dans la hantise des déguerpissements, après avoir consenti d’importants efforts pour viabiliser les lieux. Son vice-président, Amdy Niang, partage cette indignation tout en saluant la mesure de l’autorité. Il regrette, cependant, le manque d’anticipation, soulignant que la décision aurait dû être « bien étudiée » pour éviter les « dommages collatéraux ». « La plupart des individus qui sont déguerpis travaillent sur les lieux depuis dix à quinze ans. Se réveiller un beau matin et leur intimer l’ordre de partir sans leur réserver un lieu de recasement est difficile », confie Amdy Niang. Il insiste sur le fait que les mécaniciens ne demandent pas un soutien à l’illégalité, mais implorent l’État d’agir avec « magnanimité » envers ceux qui « gagnent leur pain à la sueur de leur front ». Amdy Niang souligne l’enjeu social, mentionnant que plus de trois cents jeunes travaillent dans les garages de la commune, sous la responsabilité de chefs d’atelier qui les encadrent sans aide étatique. Il lance d’ailleurs un appel à l’État pour qu’il soutienne activement les mécaniciens.
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À Guédiawaye, Isma Sarr, mécanicien désormais au chômage, exprime une vive colère. « Les autorités ne nous donnent pas de travail et nous nous débrouillons pour gagner notre vie honnêtement et elles viennent nous demander de quitter les lieux. Pourquoi ça ? », fulmine-t-il, voyant dans ces méthodes une manière de pousser les jeunes au désespoir et potentiellement à l’illégalité. Même son de cloche du côté du foiral de Thiaroye, près de l’hôpital de Pikine, où des mécaniciens ont vu leur garage rasé. Baye Zale Ngom, contraint de se transformer en « coxeur » (rabatteur de clients) après la démolition de son lieu de travail, déplore l’absence de solution de relogement préalable. Il témoigne que son ancien chef de garage est devenu chauffeur de « clando » (taxi clandestin), illustrant la dégradation des conditions de vie.
Chef de garage à Djeddah Thiaroye Kao, Modou Niang est catégorique : être déguerpi est extrêmement dur. Il appelle l’État à « enjoindre les mairies de trouver un site pour les mécaniciens qui se trouvent dans leurs communes respectives ». Il exprime son incompréhension face à la destruction d’un garage employant des dizaines de jeunes pour y ériger un simple banc public et exhorte les autorités à « bien repenser cette politique pour plus de stabilité des mécaniciens ».
Par Abdou DIOP

