Comme à l’accoutumée, le 15 août transforme Dakar en un vaste terrain de fête : plages bondées, terrasses pleines à craquer et soirées qui s’étirent jusqu’à l’aube… Mais cette année, le décor a changé. De nombreux jeunes ont préféré rester à Touba pour le Magal (sacrifier à la prière du vendredi avant de prendre le chemin du retour) ou limiter leurs sorties en raison de la forte pluie qui s’est abattue sur la capitale. Résultat : un jour férié moins animé et des recettes en berne pour les commerces et établissements de loisirs de Dakar.
Vendredi 15 août, jour de fête. La communauté catholique célèbre l’Assomption : l’élévation de la Vierge Marie au ciel, au terme d’une vie terrestre bien remplie. Au-delà de sa dimension religieuse, le 15 août a toujours été synonyme de fête. Les jeunes, fidèles au rendez-vous, en profitent pour se retrouver et sortir entre amis. Cette année, l’ambiance n’était plus la même.
18 h 40. Sur la voie qui mène à la plage de Soumbédioune, nichée sur la Corniche ouest de Dakar, le décor est inhabituel. Le soleil s’efface lentement derrière un ciel encore chargé de nuages. La pluie, qui a arrosé la capitale une bonne partie de la journée, semble menacer de revenir. Sur la route, la circulation reste étonnamment fluide. Habituellement animée à pareille heure, la plage affiche un visage presque désert. Seuls quelques sportifs fidèles à leurs rituels quotidiens s’accrochent à leur séance. Pour le reste, croiser un promeneur relève presque de l’exception. Les vendeurs ambulants, eux aussi, brillent par leur absence.
Loisirs, plages, commerces en berne
Pour Mohamed, jeune vendeur de café, installé face à la Cour suprême, la journée ressemble à une traversée à vide. La pluie a freiné la clientèle et les thermos sont restés presque intacts. Pourtant, le garçon garde le sourire et préfère miser sur les jours à venir. « Comme nous sommes en période de vacances, on pourra gagner le double durant le week-end », confie-t-il avec une assurance teintée d’optimisme.
À quelques encablures de là, les portes du « Magic Land » s’ouvrent sur la corniche. Impossible de le manquer : face à Soumbédioune, ses couleurs vives, ses manèges, son train fantôme et ses jeux aquatiques attirent aussitôt le regard. À l’entrée, des vigiles filtrent les passages. L’accès est conditionné par l’achat d’un ticket, dont la valeur détermine le nombre de jeux auxquels le visiteur peut accéder.
À l’intérieur pourtant, l’affluence est timide. Seuls quelques manèges sont animés, notamment le bateau pirate réservé aux adultes et le mini-train pour les plus petits. Devant chaque attraction, un opérateur veille attentivement à la sécurité des usagers. « Mon rôle est de démarrer la machine, mais aussi de m’assurer que les clients attachent correctement leur ceinture de sécurité », explique Adja Fatou, sans quitter des yeux les passagers qu’elle surveille avec vigilance. Le cri strident des usagers, mêlé aux bruits des manèges, rythme l’espace et donne vie au parc, malgré la faible affluence.
Du côté des gérants, le constat est le même. « Il y a une vraie différence par rapport aux autres années. Avant, nous avions beaucoup plus d’affluence. Cette année, il semble difficile pour certains », reconnaît Ndiaye. Il admet que les ventes sont en baisse par rapport aux périodes où le parc était plein, tout en invitant à observer l’espace vide autour des manèges. Selon lui, la baisse du chiffre d’affaires s’explique à la fois par le Magal et par la forte pluie qui s’est abattue sur Dakar. 20 h 05. C’est le moment de voir la situation du côté de la plage de Soumbédioune. Mohamed Aidara, élève en vacances, originaire de Kaffrine, nous accueille à l’entrée, casquette noire sur la tête, maillot à l’écusson du Real Madrid et chaussures en plastique. Ici, les jeunes se bousculent, espérant attirer les clients.
Les étals de poissons fumés et les petits kiosques, qui d’ordinaire attirent une foule bigarrée, peinent, cette année, à retrouver leur clientèle. Du Sea Plaza, en longeant la corniche jusqu’au Relais, le constat saute aux yeux : le même décor se reproduit. La clientèle se fait rare. Les allées habituellement animées paraissent clairsemées, les terrasses presque désertes. La forte pluie qui s’est abattue sur Dakar et le Magal, qui retient une bonne partie des fidèles à Touba, ont freiné la fréquentation. « On s’attendait à un bon 15 août, mais cette année, c’est vraiment calme. Depuis ce matin, on a du mal à remplir, ne serait-ce que quelques tables », confie un gérant de restaurant du Relais, visiblement déçu.
Là où l’on espérait une affluence festive, les commerçants observent plutôt une baisse notable de passage. Cette morosité tranche avec l’effervescence qui caractérise le 15 août, date synonyme de fête pour de nombreux jeunes. Mais cette année, entre la pluie persistante, le Magal de Touba qui retient une grande partie des fidèles et un contexte économique qui pèse sur les loisirs, l’ambiance n’a tout simplement pas pris.
Reportage de Djibril Joseph KAMA (Stagiaire)