Le Sénégal gagne sa souveraineté spatiale. Gaindesat-1b, deuxième satellite national, est presque prêt à décoller, fruit d’un savoir-faire entièrement sénégalais.
Dans un monde où la maîtrise de l’espace redéfinit silencieusement l’équilibre des puissances, le Sénégal avance sans fracas mais avec une détermination qui force l’attention. Loin des discours spectaculaires, c’est dans la rigueur des bancs de test, sous la lumière crue des salles blanches et au rythme feutré des oscilloscopes que s’opère une transformation majeure : celle d’un pays qui construit désormais un pan essentiel de sa souveraineté en orbite.
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À Montpellier, le montage de Gaindesat-1b, deuxième satellite sénégalais, vient de franchir un seuil décisif. Pour la première fois, les ingénieurs de Sensat réalisent de bout en bout un satellite national sans encadrement externe. Un geste technique, certes, mais surtout un acte politique.
« Le projet Sensat vise à permettre au Sénégal de tirer un bénéfice maximal du spatial. Aujourd’hui, le spatial est incontournable dans le développement des nations », a indiqué le Pr Gayane Faye, coordonnateur national du programme, dans un entretien avec « Le Soleil ».
Conçu par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, ce dispositif place la souveraineté technologique au cœur de sa stratégie. « Notre vision est claire : pour développer un secteur, il faut d’abord développer le capital humain », a ajouté notre interlocuteur.
Indépendance technique
Il faut noter que depuis le lancement de Gaindesat-1a le 16 août 2024, qui effectue seize rotations terrestres quotidiennes dont deux au-dessus du Sénégal, l’écosystème spatial national a gagné en maturité. Une fenêtre de sept minutes à chaque passage permet de récupérer des données environnementales stratégiques, un outil jeune, mais déjà vital.
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Désormais, le programme accélère, a notamment rassuré le Pr Faye. « Après le lancement du 1A, nous avons concentré nos efforts sur la finalisation et le déploiement des balises au sol, puis entamé la conception du 1B. Aujourd’hui, la plateforme et la charge utile sont intégrées ; si tout se déroule comme prévu, le satellite sera réceptionné fin janvier pour un lancement en mars 2026 », a-t-il précisé.
Le Pr Faye a, toutefois, fait comprendre que la vraie avancée est ailleurs. « Pour le 1A, il y avait un coaching technique de Montpellier. Pour le 1B, nos ingénieurs fabriquent intégralement le satellite. Nous avons atteint cette indépendance. C’est un acquis majeur », a encore dit le spécialiste en télédétection spatiale.
Satellite-jumeau du 1A, Gaindesat-1b viendra densifier la collecte nationale de données. « Le 1B est le parfait jumeau du 1A. En disposant d’un second satellite, nous doublons les passages au-dessus du Sénégal : quatre par jour. Cela décuple notre capacité de collecte et prépare la relève lorsque le 1A atteindra la fin de sa vie opérationnelle », a-t-il expliqué.
Cette duplication stratégique consolide également le socle de compétences formées depuis 2020 — une vingtaine d’ingénieurs et techniciens désormais capables non seulement de monter, mais de concevoir les technologies clés du programme.
L’espace, nouvel impératif de souveraineté
Pour le Pr Faye, l’enjeu dépasse largement la seule prouesse technologique. « Le spatial est indispensable : transport, agriculture, gestion des catastrophes, défense des frontières, planification urbaine… Devons-nous continuer à dépendre à 100 % des puissances étrangères ? Il est de notre devoir de maîtriser cette technologie pour réduire cette dépendance et la facture numérique », a-t-il insisté.
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Face à des menaces climatiques croissantes — inondations, érosion côtière, salinisation, feux de brousse — la donnée spatiale devient un outil de survie nationale.
De son avis, « les États ont aujourd’hui l’obligation de maîtriser le spatial. C’est le sens même de Sensat».
Au niveau de Sensat, Gaindesat n’est qu’un premier chapitre. Dans les laboratoires du programme, d’autres projets s’écrivent. Déploiement de balises au sol, création de technologies d’assemblage locales, développement d’une charge utile 100 % nationale… Et surtout : le lancement du projet Ninki-Nanka, ambition inédite pour le pays.
« Nous avons lancé le projet Ninki-Nanka, actuellement en phase d’étude. Il s’agit de développer une constellation de satellites d’observation de la Terre, capables de fournir au pays des produits spatiaux avancés, notamment en imagerie satellitaire », confie le Pr Gayane Faye.
Pour rappel, Gaindesat, qui signifie Gestion automatisée d’informations et de données environnementales par satellite, porte son nom pour une raison. « Gaïndé », le lion, totem du Sénégal, devient ici la métaphore d’une nation qui apprend à marcher seule dans un monde brutal et compétitif. Ce satellite n’est pas seulement un instrument scientifique : c’est un acte de souveraineté, une déclaration d’indépendance, un symbole de dignité.
Là où le ciel semblait autrefois lointain, le Sénégal trace aujourd’hui sa trajectoire — avec précision, méthode et calme assurance. Le lion ne rugit pas encore. Il s’installe d’abord dans l’orbite.
Salla GUEYE


