Dans les quartiers Médinatoul Mounawara et Ucad 4 sis à Keur Massar Sud, les eaux stagnantes, causées par les fortes pluies à Dakar du mois d’août, dictent leur loi. Les voies sont impraticables et certaines maisons englouties par les eaux. Ici, le calvaire est quotidien.
Au moment où les paysans prient pour que la pluie arrive, et hydrate les champs, d’autres pensent le contraire. La pluie n’est pas partout source d’espoir.
Les fortes précipitations du mois d’août ont rendu certains quartiers invivables et des ruelles impraticables. C’est le cas à Keur Massar Sud, où les quartiers Médinatoul Mounawara et Ucad 4 sont envahis par les eaux. Dévastés, déboussolés et pris au piège par les eaux stagnantes, les habitants traversent des épreuves pénibles en cette période d’hivernage. Ousseynou Diop, délégué du quartier Médinatoul Mounawara a le visage renfrogné. Le sexagénaire semble affaibli par la situation. Cependant, rassembleur infatigable, il fait le tour des maisons pour demander à certains de venir travailler pour débarrasser le quartier des eaux et rendre l’environnement plus agréable. Ce qui s’avère être une « mission impossible » vu la gravité de la situation. Pour lui, l’urgence est de pomper les eaux qui se trouvent sur la voie qui mène vers la mosquée. La voix basse, le corps mince, pour dire à quel point les années commencent à peser sur ses épaules. Néanmoins, accompagné de certains de ses voisins, il puise dans sa force intérieure pour baliser le terrain avec ses motopompes toutes neuves. À l’en croire, depuis 6 ans, à chaque hivernage c’est le même décor dans ses deux quartiers, précisant que la situation était pire en 2022.
À Dakar, on n’aime pas la pluie « Depuis des jours, les voies sont devenues impraticables et les voitures ne peuvent plus passer par ici. Pour aller au marché ou encore à l’hôpital, nous sommes obligés de prendre des contournements. Moi-même, ma maison est prise d’assaut par les eaux de pluie et certains même ont délaissé leurs concessions », renseigne le délégué du quartier de Médinatoul Mounawara qui exhorte les autorités à venir à leur rescousse.
Prenant le relais, Moussa Diouldé Diallo, habitant du quartier Ucad 4 aborde la lancinante question du système d’assainissement qui, d’après lui, fait défaut dans cette localité. Il appelle les autorités à mettre en place des canalisations avec le pavage des routes, afin de sortir les populations de cette situation. L’homme, à la posture longiligne, porte une paire de bottes en caoutchouc montant jusqu’aux genoux. Une précaution essentielle pour naviguer dans ce terrain incertain. « Nous voulons un bon système d’assainissement comme c’est le cas à Aladji Pathé, à la Cité pénitence etc. Auparavant, c’était la croix et la bannière dans ces zones-là, mais depuis qu’elles ont eu une bonne canalisation, tout est rentré dans l’ordre. Pour décanter cette situation qui perdure depuis des années, à mon avis, il faut faire de grands investissements dans l’assainissement pour avoir des résultats qui vont nous amener à devenir plus résilients face aux inondations », dit-il avec conviction.
Le business au ralenti
Les quartiers Médinatoul Mounawara et Ucad 4 si proches l’un de l’autre, ont un destin commun. La nappe très affleurante fait que les eaux de pluies stagnent facilement. Quand il pleut à verse, ces deux quartiers sont déconnectés du reste de la ville. Les routes sont impraticables. Pour trouver une alternative, des briques sont utilisées comme pont de fortune, pour rendre possible la traversée. On zigzague entre les petits espaces, avec une grande méfiance, pour ne pas tomber dans les flaques d’eau. Les ruelles sont englouties de bout en bout. Se frayer un chemin devient une équation à plusieurs inconnues. La ligne 76 de transport public Tata qui passe par ici suspend ses courses à la moindre inondation. D’ailleurs, selon le témoignage des habitants, c’est la seule ligne qui passe par ici. Depuis lors, ils sont confrontés à un réel problème de transport. Néanmoins, la situation aurait pu être plus alarmante n’eût été les charretiers qui font la navette dans les coins et recoins. Mor Thiaw, un vendeur de viande est dans tous ses états. La voie qui mène vers sa cantine est totalement envahie par l’eau. L’on est obligé d’entasser des morceaux de briques pour retrouver son lieu de travail.
Depuis que l’hivernage a débuté, fait-il savoir, il n’arrive pas à vendre normalement, et « cette situation se répète depuis des années », lance-t-il. La restauratrice Ndiémé Sarr, dont sa cantine qui jouxte celle de Mor Thiaw, prend la balle au rebond. En pleine besogne s’attelant à laver les vaisselles, elle témoigne que son commerce devient de moins en moins rentable, car, dit-elle, l’accès dans cette zone est devenu plus difficile à cause des eaux stagnantes.
En outre, le délégué du quartier Ucad 4 Pape Fara Sow souligne l’importance d’évacuer les eaux stagnantes pour protéger les populations de certaines maladies à l’image du paludisme. À cet effet, il dénonce l’attitude malencontreuse de certaines personnes qui profitent de l’occasion pour déverser leurs eaux usées dans les rues. Pour lui, cela peut devenir un cocktail nauséabond, qui peut porter préjudice à la santé des populations.
Reportage de Bada MBATHIE