Il n’est pas nécessaire d’aller à l’autre bout de la planète pour vivre des rencontres avec la faune sauvage. Le Sénégal, avec ses parcs et réserves, est riche d’un patrimoine naturel où l’on peut vivre une expérience immersive hors du commun. Coincée entre Dassilamé Socé et Karang (département de Foundiougne), la réserve animalière de Fathala, avec sa biodiversité exceptionnelle et ses paysages de carte postale, offre un refuge à de nombreuses espèces évoluant en semi-liberté. Tout au long de l’année, elle accueille des voyageurs du monde entier en quête de sensations fortes. Ici, entrer dans l’intimité des animaux sauvages devient une réalité.
Le rugissement féroce d’un lion résonne à travers les frondaisons épaisses de la forêt de Fathala, brisant le calme sauvage de la réserve. L’écho sème instantanément la terreur parmi les visiteurs, rappelant à chacun que, dans ce sanctuaire naturel du parc national du delta du Saloum, l’homme n’est qu’un hôte éphémère. C’est Talla, l’un des mâles, qui communique avec les autres membres du clan restés dans les enclos : un hurlement dissuasif pour marquer son territoire et imposer sa présence aux nombreux touristes. Normal, il est chez lui. À Fathala, ces félins, considérés comme les rois de la forêt, constituent l’une des principales attractions et des visiteurs viennent des quatre coins du globe pour les voir, les admirer et les approcher, sans toutefois pouvoir les toucher. En ce mardi 16 juillet, le temps est neutre, même si le ciel est menaçant, colonisé par un impressionnant cumulonimbus qui peine à éclater. Après des va-et-vient incessants, les lourds nuages s’estompent, laissant place à un soleil qui prend timidement ses quartiers.
Du haut de leurs nids suspendus aux branches des baobabs solidement enracinés à l’entrée de la réserve, les tisserins gendarmes, oiseaux réputés pour leur comportement social, animent un concert enjoué de gazouillis. Après les formalités d’usage, nous montons à bord d’un 4×4 spécialement aménagé, en compagnie d’Assane Badiane, un guide expérimenté, pour une excursion de plus de deux heures. Il connaît les lieux comme sa poche. La réserve n’a été créée qu’en 2000. Difficile d’imaginer que, quelques années plus tôt, le site abritait un village du nom de Mina. « Lorsque le chef, Sékou Mina, est décédé, il a été enterré sur place. Par la suite, le village prenait feu chaque année. Les habitants se sont alors réunis et ont décidé de lever les voiles. Ils sont partis en 1976, et la réserve a été créée en 2000 », explique-t-il. La réserve s’étend sur 6.000 ha, dont 2.000 seulement sont exploités, et compte 64 ha de clôture ainsi que 70 km de piste. « Elle a été créée par une association de Sénégalais avec des partenaires français. Par la suite, ils ont introduit des lions et ont ouvert un hôtel à l’intérieur, à 4 km. La présence des lions dans la réserve remonte à 2012. Il y avait Massaï, Tayni, Kalayla, Sinanga… C’est alors qu’a commencé la promenade avec un mâle et une femelle bien dressés, accompagnés de guides spécialisés », poursuit Assane Badiane. Dans ce joyau écologique aux paysages de rêve, le temps semble s’être arrêté pour permettre à la biodiversité de s’épanouir. Les premières pluies tombées depuis le début de l’hivernage ont transformé les lieux en un véritable oasis. Cet environnement naturel époustouflant abrite une diversité d’espèces incroyable : cobes de Fassa, zèbres, élands de Derby, kobas, phacochères…
Les majestueuses girafes, les buffles de la savane, le rhinocéros blanc (un mâle qui a perdu sa femelle), et les lions complètent ce tableau vivant. Certains animaux se laissent facilement photographier. D’autres, tels que les colobes rouges, singes verts et surtout patas rouges, décampent rapidement au moindre bruissement. Une variété d’oiseaux – calaos à bec rouge, rolliers d’Abyssinie, perruches à collier, vanneaux, martins-pêcheurs – enrichit encore le décor. Les amateurs de sensations fortes sont comblés : cette expérience offre des rencontres mémorables et l’opportunité d’immortaliser ces moments exceptionnels. Tout au long de l’année, la réserve de Fathala accueille des milliers de visiteurs, dont la majorité vient d’Europe, précise Assane Badiane. « Sur 100 clients qui viennent à Fathala, 95 proviennent de la Gambie, qui n’a pas de réserve animalière. Ces touristes – Hollandais, Danois, Norvégiens, Espagnols – profitent de l’occasion pour visiter la réserve le matin et rentrer dans l’après-midi », explique-t-il. Selon lui, les Sénégalais ont également pris conscience de l’intérêt de découvrir ce site : « Avec la Covid-19, quand toutes les frontières étaient fermées, beaucoup de Sénégalais ont découvert la réserve et, depuis, ils viennent nombreux à Fathala pour la beauté de sa nature et la richesse de sa faune sauvage ». Au cœur de la forêt, un lodge permet aux visiteurs de vivre une immersion totale dans la nature et d’assister à un spectacle permanent d’animaux en liberté. Fathala repose sur un partenariat public-privé. En protégeant certaines espèces et en veillant à la reproduction d’autres, la direction de la réserve s’engage à préserver l’équilibre fragile des écosystèmes tout en développant un écotourisme responsable.
Une petite trotte avec Talla, lion dominant
« Les lions ont mangé hier. Ils sont nourris tous les quatre jours avec la viande de sept ânes morts ». Cette précision du guide, Mamadou Faye, loin de rassurer, provoque éclats de rire et commentaires amusés. Elle signifie que les lions sont rassasiés et que les visiteurs n’ont, en principe, aucune chance de finir dans leurs estomacs. À la réserve de Fathala, la promenade avec les rois des animaux fait partie des attractions phares. Depuis l’ouverture du site, des milliers de visiteurs se sont offert ce privilège, car marcher aux côtés de fauves n’est pas donné à tout le monde. En Afrique, le Sénégal est l’un des rares pays, avec l’Afrique du Sud, le Zimbabwe et l’île Maurice, où l’on peut vivre cette expérience inédite. Une activité risquée ? Non, assure Mamadou Faye : « Les lions sont bien dressés. Il suffit de garder son calme et de suivre les instructions pour que tout se passe sans anicroche ». Plus facile à dire qu’à faire face à ces prédateurs redoutables dont la simple vue suffit à inspirer la crainte. Devant l’enclos ceinturé de grillages, Mamadou Faye donne ses consignes : « Nous avons treize lions, répartis dans deux enclos, avec un mâle dominant dans chacun d’eux. Aujourd’hui, nous allons effectuer la promenade avec un mâle et une femelle : Talla, âgé de neuf ans, et Tayni, présente ici depuis 2012. Pour garantir la sécurité de tous, le respect des consignes est fondamental. Il faut toujours tenir le bâton, ne jamais le laisser tomber, marcher derrière les lions et jamais devant eux ». Après le briefing, la porte de l’enclos s’ouvre. Armés d’un simple bâton, nous avançons prudemment, l’esprit rempli de questions. Il faut une bonne dose de courage pour défier ces icônes de la faune africaine. Sous l’ombre d’un arbre massif, le couple de lions, bardés de muscles et repus après leur repas de la veille, se prélasse sous la surveillance de trois autres guides. Les deux félins se lèchent, se frottent la tête et le cou.
La femelle, agitée par la présence humaine, ouvre parfois grand la gueule, dévoilant ses puissantes mâchoires, et grogne. Plus serein, le mâle, avec sa crinière flamboyante et son pelage fauve, tente de la calmer, aidé par les guides. Ces derniers tracent au sol, avec leurs bâtons, une ligne à ne pas franchir. Après quelques recommandations supplémentaires, la promenade commence. D’une allure royale, les fauves avancent. Regroupés derrière eux, nous marchons à leur rythme, observant le moindre de leurs mouvements. La sensation est intense : montée d’adrénaline, chair de poule garantie. Selon Mamadou Faye, ces lions sont suivis et encadrés depuis leur naissance, et les guides sont formés pour gérer tout type de situation. Le moment fort reste la séance photo avec les fauves – un instant mémorable. Dans certains pays, des amateurs fortunés sont prêts à payer des sommes exorbitantes pour tuer un lion et accrocher sa tête à leur tableau de chasse. Au Sénégal, d’autres préfèrent réaliser leur rêve en marchant à côté d’un vrai roi de la savane. Dans le delta du Saloum, particulièrement à Fathala, cette balade est devenue une attraction touristique incontournable. Une expérience unique, parfois inimaginable, mais toujours un privilège. Une aventure riche en adrénaline que ceux qui l’ont vécue ne sont pas près d’oublier !
Par Par Samba Oumar FALL, Salla GUÈYE (textes) et Moussa SOW (photos)